Ghost Dog | 1.5 | Yu Nan parle bien le français… |
… et c’est sans doute la seule satisfaction que l’on peut tirer du nouveau film du très éclectique Karim Dridi, qui nous avait pourtant déjà offert quelques beaux moments de cinéma dans les Peep-show sulfureux de Pigalle (Pigalle), avec de jeunes beurs en mal d’intégration (Bye Bye) ou avec des musiciens cubains enchanteurs (Cuba Feliz). YU Nan, jeune chinoise révélée au Panasia 2001 avec son premier film, Eclipse de Lune, où elle avait remporté le lotus de la meilleure actrice, se retrouve au centre d’une production française s’intéressant une nouvelle fois au 13ème arrondissement de Paris « Chinatown » après Augustin Roi du Kung-Fu ou encore Tanguy. Malheureusement, malgré sa présence assez subjuguante (notamment lorsqu’elle est filmée en tenue d’Ève…), Fureur ne décolle jamais du ras des pâquerettes cinématographiques du fait notamment d’un scénario désolant en tous points.
L’intrigue commence en effet par un coup de foudre entre Chinh, une asiatique qui doit se marier de force à un pseudo-mafieux vietnamien et Ramirez, un garagiste d’origine ibérique imposant et qui n’a pas froid aux yeux – qui a des couilles pour parler clairement. Ce garagiste, c’est Samuel Le Bihan, une énorme erreur de casting puisqu’il fait figure d’éléphant dans un magasin de porcelaine en interprétant un rôle de costaud constamment aux portes de la caricature, pas aidé par des dialogues pauvres et simplistes (« j’la kiffe ! »). Evidemment, Chinh tombe amoureuse de Ramirez, l’affaire est emballée en 30 minutes et les voilà au lit en train de se montrer leurs cicatrices et de se dire que c’est beau l’amour. Le problème, c’est qu’il reste une heure à combler, et qu’avec de pareilles scènes on risque vite de s’ennuyer. Karim embraye alors avec une seconde histoire bien distincte, celle du frère de Ramirez, Manu, qui découvre l’enfer des combats de boxe thai clandestins diffusés sur Internet dans les sous-sols parisiens. Sans relief ni originalité, avec des rebondissements prévisibles à des kilomètres, Dridi enchaîne alors des scènes convenues et bourrées de poncifs sans grande conviction, jusqu’à la rencontre finale entre les protagonistes de la première partie et ceux de la seconde.
Fureur, donc. Fureur de vivre, fureur d’aimer, fureur de vaincre, fureur de plaire, fureur de se faire justice, fureur de se faire respecter dans le quartier. Et puis ? Et puis pas grand chose à vrai dire. Cette fureur annoncée sur les affiches, quelle est-elle vraiment ? Est-ce une révolte justifiée sur les traditions séculaires chinoises de mariage forcé qui s’exportent dans un pays démocratique comme la France, condamnant de nombreuses jeunes filles à l’asservissement familial ? Sans doute, et c’est d’ailleurs le propos général d’un Dridi prônant l’égalité, l’intégration, le mélange des communautés et la liberté de choix. Mais paradoxalement, c’est vers une autre communauté qui se referme actuellement tout doucement sur elle-même à travers le monde que les pensées se dirigent : la communauté musulmane. Et là, peu nombreux sont les réalisateurs d’ici ou d’ailleurs à se bousculer au portillon pour dénoncer pêle-mêle des traditions d’un autre âge, la condition de la femme, le tabou parental et social des mariages mixtes ou inter-religieux, ou encore le tabou du sexe avant le mariage… Est-ce la signification du dernier plan qui porte un regard large sur Paris, histoire de dire « il n’y a pas que dans le 13ème que ces histoires se passent » ? On aimerait bien le croire.