Xavier Chanoine | 3 | Nouvelle ère? |
Ordell Robbie | 3 | Nerd martial. |
Astec | 3.25 | Comic Kung-fu spleen |
Anel | 3.5 |
C’est avec un œil amusé et nostalgique que les compères Derek Wok et Clement Cheng repensent à la belle époque du cinéma d’action hongkongais des années 70, dans son versant exploitation le plus jouissif sans être totalement régressif : des scénarios tournant essentiellement autour d’un même thème –au hasard, la vengeance, la revanche- exploitant grosso modo les mêmes profils de personnages (une victime, un bon, un méchant) parce que l’essentiel est souvent ailleurs. En effet, ce qui différenciait un bon d’un mauvais Kung-fu movie d’exploitation n’était pas la manière dont le réalisateur exploitait son histoire, mais plus la manière dont il employait ses personnages dans un pur contexte d’action. Qui sera le plus burné, le plus valeureux, le héros de tout un peuple ou simplement le meilleur combattant ? Pourvu aussi que l’on sauve la jeune fille maltraitée par ces salauds de gangsters (ou businessmen britanniques, ou encore trafiquants japonais), que l’on aide grand-papa à garder son restaurant ouvert face aux pressions extérieures, stop, on ne va pas dresser tous les gimmicks du genre.
On pensait un temps que Gallants allait rester dans cette même direction, le bête et méchant régresso-jouissif, en surfant formellement sur la mode Grindhouse remise au goût du genre par Tarantino et Rodriguez. Son introduction géniale donnait en tout cas sacrément l’eau à la bouche, on se serait cru dans une bande d’exploitation indonésienne datant de Mathusalem, à la différence que l’histoire, elle, est très récente. Deux gamins se mettent sur la tronche, l’un déguste tandis que l’autre (Cheung) exulte. Des années plus tard, les rôles sont inversés : le vainqueur est devenu un minable employé en communication asthmatique qui aligne les gaffes, tandis que l’autre, handicapé d’une minerve à vie, s’adonne au Kung-fu auprès de gens malintentionnés. Personnage atypique que l’on aurait pu croire tout droit sorti d’une mauvaise blague façon VDM, Cheung veut à tout prix apprendre le Kung-fu pour ne plus être la victime de tous. Cela tombe bien, il rencontrera les bonnes personnes après être allé aux fraises et après s’être fait sauver par Tiger, disciple d’un certain Law Sun dans le coma depuis 30 ans. Mais entre temps, le gang mis à mal par Tiger n’a pas dit son dernier mot. Le combat pour la dignité de deux clans est alors lancé. Gallants poursuivra incessamment cette ligne de conduite, volontairement simpliste, en s’amusant avec des tics de mise en scène d’époque (présentation des protagonistes façon Shaw Brothers, zooms et recadrages très brefs, flashbacks à la photographie de type « péloche usée ») tout en ayant un œil sur les codes formels d’aujourd’hui la plupart du temps. C’est aussi là que Gallants déçoit, le film hésitant trop sur son statut de revival du Kung-fu movie d’exploit’ puisque seuls les éléments du passé (les flashbacks, donc) sont « abîmés ». Résultat, la poussière appartient définitivement au passé, tandis que Tarantino et Rodriguez exploitaient le filon sur toute la longueur, nous donnant l’impression d’être devant une projection d’époque grâce à de petits tours de passe-passe virtuoses. Après quoi, il faudra se contenter avec Gallants d’un film certes visuellement léché, mais sans réelle surprise : qualité numérique, caméra un peu secouée, gros contrastes et absence de jeux de focales. Il est poli, lustré, définitivement d’aujourd’hui. Point de poussière ni de saletés, rien n’est ici âpre ou granuleux, à l’image de son scénario qui n’évite pas les banalités.
Gallants fonctionne pourtant bien parce que ses héros d’hier sont les antihéros d’aujourd’hui : bidoche, rides, arthrose voir membres en sal état, les disciples de Law Sun ("géant" Teddy Robin) qui ont atteint la cinquantaine sont des petits maîtres à la retraite attendant depuis 30 ans le retour de leur maître. On a donc ici le portrait plutôt touchant de vieilles gloires maintenant en jean ou en t-shirt, vaquant à des occupations tout sauf extraordinaires. Ils sont le reflet d’une époque révolue, l’extraordinaire ayant laissé la place au conformisme, aux absences de prises de risques. On y verrait presque un parallèle avec le cinéma hongkongais d’aujourd’hui. Les vilains ne sont pas mieux, chacun porte la tenue du dimanche et même le boss final, sans déconner, porte un survêt Adidas. C’est du Kung-fu movie en baskets que renie jusqu’au bout le vieux maître Law Sun, réveillé de son coma et qui découvre le monde 30 ans après l’avoir quitté. Et ce monde a bien évolué. Il reste le protecteur d’une certaine philosophie martiale (il préserve le patrimoine du Kung-fu comme le centre d’entraînement, porte le vêtement traditionnel, opte pour une vie dédiée au Kung-fu et distribue des chocolats à ceux qui vont à l’encontre de ce genre de valeurs), écrasée par un tas de symboles, comme le canard puant ou l’énorme pendentif de Jade ici parfaitement tournés en dérision par les cinéastes. Le film s’avère d’ailleurs très drôle dans son regard gentiment moqueur vis-à-vis des personnages ou des symboliques issues de pensées et croyances ancestrales, symboliques opposées ici à l’absence d’esbroufe des jeunots qui vont directement à l’essentiel : on ne donne plus dans le symbolisme mais davantage dans l’attitude (on cause américain pour imposer…au final pas grand-chose). Reste le physique et la grâce du geste, bien que cette dernière semble s’être perdue en chemin, preuve en est le combat final où le vilain joue du rentre-dedans uniquement à l’aide de violents coups de pieds. On est très loin des ahurissantes prises de risques de la plupart des combats d’époque qui faisaient rimer Kung-fu movie avec spectacle total. Gallants n’est pas spectaculaire, et il n’aurait aucune raison de l’être. C’était mieux avant ? On s’en fout, un film comme celui-ci, en dépit de ses relatives faiblesses (il ne respecte pas totalement ses promesses entrevues avant sa sortie), permet de donner un coup de polish au genre par son regard nostalgique (et plus tendre qu’il n’y paraît) et son humour communicatif.