Shooting stars
"Arwang Goyang Karawang" est une nouvelle fois la preuve, que le cinéma indonésien est synonyme d'industrie de divertissement…et que très souvent buzz et cancan assurent le succès de tel ou tel titre, peu importe la qualité du film en lui-même.
C'est ainsi que "Arwang Goyang Karawang" occupe encore actuellement la première place du box-office indonésien 2011 (très en-deçà de l'exceptionnel score des précédentes années, d'autant plus mauvais, que des nouvelles mesures draconiennes empêchent l'importation de films étrangers, et donc américains !!!). Film décrié par la critique et le public (il n'y a qu'a voir les réactions enflammées et désastreuses des spectateurs sur les forums indonésiens à la sortie du film), la population s'est quand même ruée en masse dans les salles obscures pour voir…des bouts de rushes en toute fin du film, qui montre une bagarre entre les deux actrices vedettes Julia Perez et Dewi Perssik. Crêpage de chignon, qui aurait résulté du fait, que Dewi n'aurait finalement hérité que d'un rôle "secondaire" face à Julia Perez…bien qu'en regardant le film, les deux vedettes tiennent un même statut, avec Perez interprétant justement une star échue, écartée au profit de Dewi, mais qu'elle va de nouveau dépasser. Une rencontre donc hautement explosive entre les deux super stars du film d'horreur, mais finalement qu'une dispute d'égos aussitôt vue, aussitôt oubliée.
Ce qui aura alimenté le feu de paille par la suite, c'est une nouvelle fois la mobilisation de diverses associations – extrémistes et autres – pour s'opposer à la sortie du film.
Tout commence par la ville de Karawang, qui a refusé de voir le nom de leur ville associé au titre du film, qui – lui – fait ouvertement référence à la danse de même nom, qui est lié au strip-tease – et par extension veut également dire "passer à l'acte" dans un langage plus vulgaire indonésien…En fait, rapide retour historique: Karawang est une ville en périphérie de Jakarta, qui a profité de l'explosion économique des années 1980s et 1990s avec l'ouverture de très nombreuses industries. La population active a rapidement augmenté, attirant des nombreux étrangers venus seuls d'un peu partout dans le pays (et d'ailleurs) pour gagner un peu d'argent, loin de leurs familles. S'est évidemment développé le marché de la prostitution, officiellement interdit en Indonésie, mais existant évidemment bel et bien et notamment dans des "dancing de Karawang", dont les façades cachaient souvent des boites de strip-tease…et plus, si affinités. Un fait bien connu, mais que les autorités etr l'opinion public a toléré…mais qui n'aura donc pas empêché l'opinion publique d'associer la danse Karawang au jeu de séduction et coucheries en tous genres depuis.
Pas étonnant, donc que l'actuelle mairie ne veuille pas de cette "mauvaise publicité" et elle obtiendra gain de cause en réussissant à changer le titre du film en "Arwah Goyang Jupe Depe" (avec le "Ju" du nom de "Julia Perez" et "De" de celui de "Dewi Perssik) pour la sortie DVD – mais suite au succès fracassant du film, le public utilise encore couramment l'ancien nom.
Cette lutte aura également mobilisé des groupes islamistes toujours prompts à intervenir quant il s'agit de préserver "l'intégrité" de la population en dénonçant la quantité de chair nue et les poses suggestives des deux actrices principales, protestations, qui auront entraîné à leur tour la mobilisation de nombreuses ligues féministes pour la "mauvaise image de la femme soumise" au cours du film…
Bon, on ne peut pas nier, que les producteurs aient pris soin à mettre fortement en valeur les formes généreuses de leurs actrices, ni de surenchérir dans les danses lascives – après il restera à chacun d'avoir sa propre opinion et – au mieux – de faire l'impasse sur ce film, qui, de toute façon, ne vaut pas le coup.
Car derrière tous ces cris et agitations, on a une nouvelle fois un film d'horreur de très mauvaise facture, qui aurait pu être flanchement intéressant dans la description d'une ancienne star sur le retour, du milieu de Karawang, dans sa lutte pour revenir sur le devant de la scène, dans le portrait d'une danse traditionnelle vraiment très belle à l'origine…mais comme l'indique déjà un scénario signé du "Team Bintang Timur", l'entier projet n'a dû se tourner que sur une idée de départ avec l'écriture du film au fur et à mesure du scénario, comme le prouvent les éléments fantastiques franchement mal intégrées, tout comme la présence horripilante du désormais obligatoire side-kick gay censé être drôle pour tenter de toucher un public plus large en intégrant des éléments de comédie. Tout juste retiendra-t-on une scène de meurtre particulièrement réussie au cours de laquelle le fantôme (linceul blanc, longs cheveux noirs sales) projette violemment une danseuse contre le mur, la traine, tête à l'envers, vers le haut pour lui éclater le crâne…Sinon danses mal cadrées, bavardages et cris inutiles et jeu cabotin.