Chambara survolté
Sur le papier, le projet de Gojoe est des plus excitants: Asano Tadanobu devant la caméra, un Ishii Sogo ayant montré un vrai talent à renouveler le thriller avec Angel Dust derrière la caméra et aux manettes de la production Sento Takenori, producteur de Ring et Eureka. Avec en prime un scénario de Bete du Gévaudan nipponne sans les digressions inutiles vues chez Gans. Du coup, meme si le film n'arrive pas à la cheville d'un Impitoyable dans la catégorie revival d'un genre éteint, Gojoe est quand meme une jolie réussite. L'aspect le plus intéréssant du scénario est le fait que le bonze imagine que sa vengeance contre la bete qui terrorise le pont vient des mains de Bouddha avant de réaliser qu'il a fait fausse route dans sa retraire monacale. Quant celui qui incarne la bete, il se vit progressivement en double du bonze détruisant au propre comme au figuré les statues de bouddha. Les enjeux mystiques incarnés par les longues scènes d'incantation prennent le pas sur les enjeux de guerre de clans. Ce dernier aspect donne lieu à une scène impressionnante où les deux adversaires s'affrontent par la méditation tandis que la caméra tourne sur eux de façon virtuose.
Progressivement, le film va élaborer une esthétique du chaos: utilisation de caméras portées durant les combats, élargissement de la perspective en passant brusquement d'un plan à l'autre plutot que par zoom, ralentis, travellings suivant la Bete invisible qui décime toute une armée de samourais, les étincelles lors des combats au sabre dans le noir qui trouvent leur prolongement dans les poussières d'étoiles, belle métaphore du lien entre le mystique et l'action violente à l'oeuvre dans le film. Et cette vision d'un monde d'avant la civilisation a un écho dans le travail sur le son: bruits de criquets,percussions donnant un coté primitif au film. Quant aux combats, ils sont portés par de belles idées: le combat à deux sabres contre une lance, l'utilisation des arts martiaux lorsque l'on est désarmé et de la foudre dans un final soufflant. Sauf que le film n'est pas de défauts non négligeables: lors de ses scènes de combat, le film confond trop souvent accélération pour rendre compte du chaos et de la rage barbare des combats avec montage brouillon. On mentionnera aussi un usage lourd des battements de coeur lors d'une scène de combat ainsi qu'une citation malvenue de the Streetfighter (les plans de l'intérieur du corps hors de propos).
Mais au final, c'est l'ambition folle du projet, la photographie superbe, les excellentes prestations de Nagase Masatoshi, Asano Tadanobu et Ryu Daisuke, la mise en scène le plus souvent excellente qui emportent le morceau et font de Gojoe une réussite.
Puissamment inspiré
Alors qu’on se désespère parfois à juste titre de la médiocrité des actioners que l’on nous sert en salles, ISHII Sogo vient nous rappeler en cet an 2000 qu’on peut encore heureusement réaliser un film d’action beau et passionnant sans prendre les spectateurs pour des idiots. Très vite, on comprend que
Gojoe se résume à un affrontement ultime entre le démon Shanao et le prêtre Benkei, un face-à-face qui fait de sacrés étincelles au point d’éclipser l’ensemble des acteurs secondaires : d’ailleurs, ISHII fait tout pour isoler ces 2 personnages du reste du monde afin de faire brillamment monter la tension et de faire comprendre que l’avenir de cette province se joue entre ces 2 hommes : travellings circulaires à la Carrie, geysers de sang à la Kawajiri pour illustrer la force et la maîtrise du sabre de Shanao, insistance sur le charisme et le style naturel du bonze seul capable d’affronter ce démon. En isolant ces 2 personnages, ISHII évite du même coup de jouer la carte du manichéisme en leur donnant une vraie personnalité, complexe et torturée, renforçant le plaisir de les voir combattre. Visiblement beaucoup inspiré par
The Blade et
Predator, il n’hésite pas à prendre son temps en offrant des scènes de contemplation de la forêt ou de méditation pour donner à
Gojoe une dimension aussi singulière que mystique. Lorsque survient le générique final, difficile de ne pas avoir envie de lui tirer son chapeau pour tant d’audace et de maîtrise. Un vrai bon film d’action donc, porté à bouts de bras par le duo Asano Tadanobu / Ryu Daisuke.
Fugace instant magique
Une forêt verdoyante. Shanao, vêtu tout de noir, un sabre à chaque main. Benkei, en face, n’a pas encore dégainé. Ils s’observent, se jaugent et se parlent. Immobiles, la tension monte.
Réussi en dépit de combats brouillons
Pas si accessoirement que cela, Gojoe est une magnifique preuve que Kitamura est un naze. Il suffit de comparer son Azumi avec Gojoe pour faire la différence. Pour un retour inespéré et respectueux au genre phare du cinéma japonais, Sogo Ishii délivre un film sombre et baroque à l'ambiance bien huilée complétée par un cast et des personnages charismatiques (Hey Kitamura ! EUX ont du charisme...). La mise en scène entière, travaillée et brute, y est très réussie tout comme la photo et les costumes réalistes et somptueux. En revanche, désolé mais les combats sont en majorité illisibles et filmés avec les pieds. Un style de combat rapide typiquement chambara mélangé aux nouvelles attirances envers les gros plans fouillis palliatifs (cachons les acteurs qui ne savent pas trop se battre) qui ne transmettront jamais la fureur chorégraphique d'un The Blade. Le combat final débute avec force et une bonne dose d'attente qui fait monter la sauce mais là encore, les entrechoquements de lames en gros plans sont loin de (me) convaincre totalement. Il y a aussi et en effet une sorte de redondance des deux combats principaux qui fait que la dernière demi heure a un peu plus de mal à relancer la machine qui semblait presque avoir tout dit au bout d'une heure. Reste que la version sortie chez nous est amputée au minimum de 40 minutes comparée à l'original de 138 minutes ce qui peut expliquer ce soubresaut de dernière demi heure et rend légitime une bonne gueulante auprès des producteurs.
Mis à part ces deux bémols, le récit dense et direct offre un bon rythme constamment balancé entre l'observation réciproque et incisive des deux opposants principaux qui évoluent subtilement et gagnent ainsi petit à petit en puissance pour un duel final bien chargé en rage. Entre les démons tueurs impassibles bien habités d'un côté et un faux air d'exorciste japonais de l'autre, les rites occultes et autres confrontations d'énergie spirituelle, tous très réalistes font une bonne partie de la saveur d'un film pointilleux. Au côté de l'ambiance historique réussie de conflit entre les Heike et les Genji, ces moments de croyances profondes en bouddha et les démons dynamitées par le toujours grinçant Ishii, cimentent une atmosphère oppressante très particulière. Gojoe offre donc un spectacle ténu et réussi avec une véritable ambiance baroque et deux guerriers tourmentés comme on en a plus vu depuis longtemps. Mention aussi à la musique (percussions / infrabasse) puissante à souhait. Il manque cependant un petit quelque chose pour porter le final vers une véritable apothéose (peut-être les 40 minutes coupées...), notamment le début de la dernière demi heure qui baisse un peu en intensité et cette manie de faire des travellings épileptiques avec de grosses focales illisibles pour faire staïle.
Le choc !
En Europe, lorsqu'un réalisateur auteurisant décide de s'attaquer à un film de genre, cela ne donne pas de résultats particulièrement heureux (voir Cédric Klapisch ou Eric Rochant). Surtout qu'à de rares exceptions, le "genre" est tombé en désuétude et regardé de manière malsaine dans ces cinémas nationaux, lâchés en pâture aux "tueurs d'Hollywood". Au Japon par contre, il existe une longue tradition du film de genre, avec de nombreux genres nationaux (contrairement à l'Europe), qui malgré sa mort annoncée depuis une bonne décennie ne se décide heureusement pas à rendre l'âme et perdure malgré l'apparente désaffection du public local et la presque impossible exportation.
Ainsi, alors que son Labyrinthe des rêves ne le prédestine pas vraiment à signer Gojoe, voici Sogo Ishii, plus bête de festival que cult-addict, aux commandes de ce qui se révèle être le seul vrai revival du chambara de ces cinq dernières années.
Grâce à certains cinéastes qui ne sont rien d'autres que les plus grands de l'histoire du cinéma, le chambara a assuré sa supériorité cinéphilique face à son petit frère le wu xia pian, considéré comme un objet moins noble et plus trivial. C'est vite oublier que ce lourd héritage s'effrite parce que depuis ces oeuvres monumentales et incontournables, ceci fait de trop nombreuses décennies que le chambara a perdu de sa superbe par manque d'héritage raisonnablement assuré.
Entre temps, Tsui Hark a sorti The Blade, monumental revival du wu xia pian, qui remet les choses en questions, à l'heure où les chambaras adorés font déjà partie du siècle dernier. Il n'en fallait pas plus pour enterrer le chambara actuel, plutôt malméné par des studios sans scrupules, mélangeant dans des films peu ambitieux des samourais, des ET et des filles dévêtues, pour des otakus peu exigeants.
Quand Gojoe débarque, Tsui Hark avait déjà fait bien des ravages. Et la claque n'en est que plus forte. Dès l'introduction, avec un sujet presque similaire, Le pacte des loups fait lui-même déjà figure de petit. The Blade est finalement le seul pouvant jouer dans la même catégorie. Visuellement impressionnant, Gojoe épate et excite l'oeil de façon magistrale, et ce, sans chercher absolument l'idée anthologique (comme le pseudo-plan-séquence dans les flammes dans Time and tide). La puissance formelle qui se dégage de cette oeuvre baroque laisse au spectateur une impression de petitesse (et c'est là même l'un des thèmes du film). Tant d'exigence et tant de maestria relèguent ainsi les fleurons de tous bords à la cour de récré, surtout que le directeur de la photo Makoto Watanabe réalise ici un époustouflant travail sans précédent.
De plus, alors que Hong-Kong traîne toujours son pêché mignon et ce, même dans les grosses productions (ie des SFX légers), ici tout est maîtrisé, rien n'est approximatif. Les scènes de massacres et de batailles sont fabuleusement illustrées : et si les gars Yuen et consort sont imbattables sur le sujet, le style chambara trouve ici un nouveau souffle qui ne singe pas ces derniers mais est tout aussi vibrant. Ce VRAI revival reprend les fantasmes des chambaras passés (sabreurs taciturnes, monstre invincible) et les redessine au goût du jour. Les plans, les décors, les costumes, la musique sont fabuleux. Même complètement dénué d'humour et de personnages féminins, le film n'emprunte pas le même chemin viril qu'un Kozure Ogami et s'oriente au milieu d'innombrables massacres gore incommensurables et un final mo-nu-men-tal vers un récit empreint d'humilité. Seule ombre au tableau, la complexité extrême et les presque quarante minutes qui manquent à la version internationale, qui empêchent de saisir l'intégralité de l'histoire. Mais même sans cela, on en redemande sans hésiter !
10 novembre 2001
par
Chris
Mystique bourin
Le scénario ainsi que son traitement occultent complètement la dimension épique qu’aurait pu revêtir le film. Les deux boucheries de masse notables du film ont des enjeux identiques et la répétition des scènes nous laisse l’arrière goût étrange d’avoir assisté à une redondance inutile. Le plus frustrant reste que le personnage principal ne combat réellement qu’à la toute fin du film, les massacres précédents étant orchestrés par un démon antipathique contre une horde pour laquelle l’indifférence du spectateur prédomine. Dès lors le divertissement n’est pas primaire et le film s’engage sur la voix de l’expérimental, ce qui est toujours plaisant mais moins facile d’accès que ne l'est le chambara classique. Pour mieux souligner le côté intemporel d’une histoire avant tout fantastique, la BO mélange des percussions de type The Blade à de la techno qui booste bien le trip avec des infra basses, des simulacres de percussions relayant intelligemment les classiques tambours. Bien vu, même si cela laisse de côté l’héroïsme de notre super-moine au profit d’une distanciation due à la magie et des enjeux dépassant le simple mortel. Reste une ambiance réussie, la somptueuse scène d'affrontement magique dans la forêt, une approche stylistique en effet comparable à celle de The Blade (cf. autres critiques), ainsi qu’un duel final particulièrement excitant dont la conclusion prend corps dans le bref dernier plan du film, visuellement proche de celui d’Akira et accompagné de quelques riffs de guitare semblables à ceux d'un des plus beau morceau des Doors. The End.
un peu decevant
apres tant de bien entendu je m'attendais à beaucoup mieux.
je suis carément du même avis que jun fan.
les combats font mal aux yeux mais ça donne un certain style,assez beau je trouve quand même.j'ai pensé pareil que c'etait surement pour cacher les doublures des acteurs pas vraiment artistes martiaux comme l'ami asano tadanobu.
et l'histoire est d'un compliqué! on a vu pire certes mais là c'etais pas necessaire surtout ,surement pour palier le manque de profondeur,c'est un peu creux ,c'est l'impression que j'ai eu à la fin.
mais c'est une claque visuel et sonore aussi tout de même
(c'est plus les ambiances sonores que la musique qui grandissent la chose quoi)
bon film...
j'attendai beaucoup de "gojoe", peut etre meme trop....
d'ou ma deception a sa vision il y a quelques mois.
depuis je l'ai revu,et meme si je vois toujours autant de defauts qu'avant,je prend du recul par rapport a ma premiere impression.
c'est un bon film,franchement.visuellement,le film est reussi,gros travail la dessus.
maintenant voila,peut etre que j'en demandais un peu plus a un film qui est considéré comme le "revival" d'un de mes genres préférés,le chambara.
c'est vrai que quelques fois le film est brouillon,pas lisible,assez confus,certaines scenes sont en trop ou alors peu réussies...
le film a trop de défauts pour qu'on le taxe de "classique".c'est un bon chambara,c'est clair,mais c'est tout.
et c'est déja pas mal.
De la haine
Ce qui fait de Gojoe le chef d'oeuvre de Sogo Ishii, c'est tout ce qui fait de Electric Dragon 80000 V un échec. Car Gojoe est un film haineux. Un film qui déteste le cinéma. Un film dont chaque élément, détaché, est déconstruit : personnages, histoire, combat, magie, cadre, grain, etc., sont altérés par le regard de Ishii. La déconstruction, chez lui, n'est pas le non-sens ou la destruction. Non. C'est beaucoup plus subtil. La déconstruction implique toujours de tout garder et de tout changer en même temps. La haine de Sogo Ishii est une haine paradoxale, vicieuse et maniaque. Le film, chef-d'oeuvre schizophrène et fragmenté (contre l'idée d'un film comme chose), ne peut être alors qu'un échec. Et donc une réussite absolue. Celle de la déceptivité radicale.
"Genre : Chambara épileptique" -> LOL, je sais pas qui a trouvé ce genre pour la fiche du film mais c'est exactement ça !
Film bien trippé, voire même parfois très décousu, mais bon je me suis pas vraiment ennuyé devant même si je n'ai pas tout compris du film. D'ailleurs je veux bien traiter de mito le premier qui m'affirmera qu'il a tout compris du premier coup ;)
impression mitigée...
j'ai aprrécié mais je dois dire que ce film ne m'a pas vraiment enthousiasmé, le déroulement de l'histoire est très linéaire, les combats sont mal filmés : en trop gros plan on voit pas ce qu'il se passe, ça doit être dû au fait que les acteurs ne sont pas des spécialistes d'arts martiaux, ou alors c'est un vrai choix artistique, mais quoi qu'il en soit, je trouve ça désagréable
bon, il se laisse regarder sans plus...
La lame et le feu
Puissance et inspiration sont les maîtres mots de cette fable guerrière survoltée.
ISHII Sogo réussit un film d'une grande qualité, alliant méthode et manière. Un chambara au confin du genre, avec ses codes et ses principes.
Esthétiquement on touche au suprême avec ce climax aux apogées de l'enfer, une image léchée, une caméra qui s'anime sauvagement au moment des combats, parfois un peu trop, on est proche du reportage de guerre. Mais contrairement à un
The Blade par exemple, film auquel il se rapproche le plus par bien des aspects, il oublie de se pauser furtivement au moment de l'acte de mort et devient vite brouillon chorégraphiquement parlant. C'est donc pas tout à fait réussi de ce côté.
Côté interprétation, on a droit à un
ASANO Tadanobu ultra-charismatique qui n'en rajoute jamais, toujours juste dans son jeu. Rien à dire les gueules d'anges du cinéma nippon c'est quand même autre chose que les minets de la canto-pop... enfin bref...
En poussant l'expérimentation aux confins de la résistance rétinienne et en brouillant la méthode dans un maniérisme parfois exacerbé, Ishii parvient à installer un climat étrange qui fait de son film un objet autre, l'un de ses films tellement novateurs qu'ils en deviennent inégalables et intouchables, même dans leurs imperfections.
Le mélange du feu et du fer dans un chambara primaire ultra-stylisé à vivre comme une expérience conceptuelle. Manque une meilleur lisibilité dans l'art des joutes et l'on tenait là l'un des plus grands films de genre pur de ce nouveau siècle.
...
Chambara.
Visuellement superbe, intelligent, viscéral.
Dieux, Démons, Humains (mais pas traités de la façon à laquelle on pourrait s'attendre).
Et un final dantesque plein de maestria et doté d'une de ces tensions...
Voilà à peu près les mots qui me viennent à l'esprit, alors que je suis encore sous le choc de ce chef-d'oeuvre.
Deux films seulement, d'un style bien différent, mais Sogo Ishii me laisse déjà totalement sur le cul.
Grand.
(échappe à la note maximale parce que quelques fights sont un poil trop confus)
Une relecture d'un vieux mythe
Tout Japonais connait les aventures des Benkei et Yoshitsune.
La guerre entre les Taira et les Heike laissera les Taira massacrés. Le jeune Yoshitsune, rescapé, apprendra l'art du sabre dans les montagnes (ayant pour maitres, dit la légendes, des démons): Par ailleur, Benkei, le moine dément décide
de se poster au pont de Gojoe et de battre 1000 guérrier, vendre leurs épée et construire un temple... Bien sur le 1000ième guérrier est Yoshitsune... Benkei vaincu jure fidelité à Yoshitsune et tout deux partiront à l'aventure.
Maintenant voux comprenez la fin de GOJOE. Pourquoi le mentor de Yoshitsune, apprenant sa mort, désigne un autre "Yoshitsune", ainsi qu'un autre Benkei.
Tout n'est que destiné, un cycle qui se doit d'être accomplis?
Film ambitieux qui comporte des scènes viscérales (Voir ce film sur grand écran est quelque chose, surtout l'intro et la finale)....
Mais bon, les combats n'ont pas la lisibilités de ceux fait à HK.... et le film semble s'egarer parfoit.
Mais je pardonne facilement à un PUNK ( Outre ses films de fiction du début 80 , Ishii à tourné des concerts films pour plusieurs groupes Punk Nippon comme Stalin ainsi qu'un happening du groupe industrielle allemand Einsturzende Neubaten)....
No Future
Sortant de sa seconde traversée de désert suite à son court revival durant les années '90s, ISHII enchaîne par deux métrages radicalement opposés dans leur manière de production, mais formalisant son retour à une rage moins contenue que ses récents "Labyrinthe des rêves" ou "Angel Dust" : la présente superproduction "Gojoe" et le cultissime "Electric Dragon".
Contrairement à ce que l'on aurait pu craindre, ISHII ne succombe pas du tout aux contraintes innées d'une superproduction : il garde son entière intégrité artistique et réussit même le pari insensé de faire passer ses convictions personnelles punks dans un film déstiné à un large public.
En s'appropriant la savante relecture d'une légende ultra connue dans son pays d'origine (les deux personnages principaux sont inversés, puisque la légende veut, que ce soit Benkei qui ait été le "prétendu" démon du pont de Gojoe), ISHII fait exploser les codes d'un genre, avant de s'attaquer à celles du genre cinématographique : le chambara. Personnages (figures semblant tout droit sortis d'un heroic-fantasy), situations (à contre-pied des scènes habituelles) et combats (basés sur la seule force brute; mis en scène par un chorégraphe chinois d'opéra !!), ISHII ne s'inspire que peu de ses nombreux et illustres prédécesseurs pour en tirer une version toute personnelle.
A cela il injecte une bonne dose de rage typiquement punk : l'abnégation de son personnage principal (il se dirige tout naturellement vers sa mort; il se débarrasse de toute croyance et culture pour ne compter que sur sa seule force physique), la folie destructrice (avec ses plus de 300 morts au compteur, le film est aujourd'hui considéré comme étant le plus violent de l'Histoire du Cinéma Japonais; le pont; l'extermination des tributs) et surtout le rejet total de toute idéologie religieuse (le "revirement" du personnage principal; les "moines sorciers" ridiculisés et voués à la mort; la longue scène de destruction de tout icône religieux) sont autant de thèmes du mouvement punk. Jamais encore, ISHII n'avait su aussi intelligemment faire passer ses convictions personnelles et surtout de les partager avec un public aussi nombreux.
Superproduction intelligente, ISHII signe une magnifique oeuvre brute, mais aux longues scènes de contemplation essentielles à l'évolution de ses personnages principaux.
A noter qu'une version internationale à la longueur variable (91-105 mn contre 138 mn de l'original) selon les pays de distribution circule; les producteurs ont coupé toutes les scènes d'ordre philosophique ESSENTIELS à la bonne compréhension des personnages et amenant tout le film vers toute une autre symbolique que dans la version courte plus sans grand intérêt. Attention à ne pas vous tromper - à moins de vouloir contribuer à la continuation de telles pratiques totalement méprisables des producteurs peu scrupuleux envers une vision artistique et de leur public !!!
Chambara sensoriel
Sorte de mélange improbable entre Ran et The Blade, Gojoe marque un certain renouveau du chambara, genre qui, au contraire du wu xia, est un peu tombé en désuétude.
Un sens de l'épique mêlé à la mise en scène alternant classicisme et expérimental de Sogo Ishii, une belle photographie sombre typique des chambaras des 70's, des acteurs incroyables de charisme font de Gojoe une date dans l'histoire du genre.
Les ambiances et les sensations sont privilégiées (les combats pourront - à tort - être considérés comme brouillons). Les décors et les costumes sont magnifiques (on avait pas vu ça depuis Kagemusha et Ran). Une esthétique barbare et une ambiance de fin du monde (+ le délirant combat final) font immanquablement penser au chef-d'oeuvre de Tsui Hark.
Il manque sans doute à Gojoe un peu plus de substance dans l'histoire (les 2h20 ne sont pas justifiées par le scénario, même si l'on ne s'ennuie pas une seconde) et des innovations de mise en scène plus marquées pour être un véritable chef-d'oeuvre.
Enfin, dommage que ce film ne soit pas sorti au cinéma, les images et surtout le travail sur le son ne se ressentent vraiment qu'à travers la vision en salles (et oui, j'ai eu cette chance ! ).