Film transition entre l'ère des héroïnes et celles plus barbares des épéistes de Chang Cheh, Golden Swallow est assez clairement un des plus grands chefs d'oeuvre du "boucher" et de Jimmy Wang Yu. Remarquablement équilibré, il fait mouche à plusieurs niveaux contrairement à une majorité de films de la carrière du trop prolifique réalisateur vedette de la Shaw Brothers.
Premier point remarquable, la réalisation de Chang Cheh, avant-gardiste et audacieuse. Alors que ce même Chang Cheh nous livrait des plans statiques et convenus dans ses autres réalisations des années précédentes, et qu'il rentrera dans le rang quelques années plus tard, il s'autorise ici des plans entiers en caméra à l'épaule. On ajoute à ça d'autres plans audacieux, vu de dessus, avec des caches, et on obtient un film étonnament moderne et très plaisant à voir. Bien sûr, il reste plusieurs approximation, des zooms hasardeux, des mises au point hésitantes. Mais pour du Chang Cheh, c'est clairement dans le haut du panier. Les décors de plateau sont également utilisés au minimum, et on en vient rapidement à regretter que le final n'ait pas été filmé en extérieur tellement les magnifiques décors naturels donnaient un autre cachet au film.
Second point d'intérêt, le scénario qui va un peu plus loin que la classique histoire de vengeance, en présentant surtout un personnage un peu mégalo qui fait la différence. Certes, Wang Yu manque de charisme pour vraiment faire exploser le personnage. Certes, le film se perd un peu entre plusieurs personnages et n'en développe jamais vraiment un assez. Mais il y a une vraie âme dans ce personnage, qui éclate lors d'un final évidemment démesuré. On se met alors à rêver d'un acteur de grand charisme pour ce personnage, un Lo Lieh, allez, soyons fou, un Bruce Lee. D'un autre côté la futilité des airs machos que se donnait Wang Yu convient bien au personnage. Entre Fang Dang, le sabreux manchot, et ce Silver Roc, Wang Yu atteint ici le sommet de sa carrière.
Troisième point d'intérêt, les scènes d'action, pas encore aussi réussies et réalistes que dans les Bruce Lee, mais déjà moins théâtrales. Cela reste évidemment assez délirant et parfois amusant (Wang Yu lance son bras, 5 adversaires tombent), mais il suffit d'entrer dans la démesure typiquement Changienne pour profiter pleinement du film. Chang Cheh commence à instaurer toutes les figures qui feront sa légende, avec notamment deux éventrations volontaires, des combats à 1 contre 50, du sang en veux-tu en voilà. Pour en terminer avec les points positifs, la musique est plutôt réussie, notamment le thème épique, Cheng Pei-Pei est absolument radieuse, Lo Lieh toujours aussi charismatique. On aurait aimé que ces deux derniers prennent plus de place dans le récit, mais avec une durée si courte, il n'était pas possible de développer trois personnages.
Au final, Golden Swallow est un vrai plaisir pour les yeux même plus de 20 ans après, et son personnage principal obnubilé par son art le genre de petit plus qui fait un grand Wu Xia Pian. Wang Yu forever!
A-t-on jamais vu un Chang Cheh aussi outrancier dans la violence équivoque, dispensant la mort de 7 à 77 ans avec une audace sans limite, répandant une telle horde d'assassins prêts à mourir 2 secondes après être arrivés à l'écran ? L'a-t-on jamais vu aussi libre avec sa caméra, aussi envieux de se libérer du cadre, aussi proche des combattants pour coller littéralement à leur corps et chavirer en même temps que leurs mouvements ? A-t-on jamais vu un Wang Yu aussi délicieusement nonchalant et sûre de sa grandeur, ne pouvant s'empêcher de prendre la pause à chaque dizaine écumée, sautant dans le vide le bras tendu en avant avec une assurance qui met au défi toutes ses autres interprétations ? A-t-on jamais vu Cheng Pei Pei et Wang Yu réunis dans un même film ? Qui plus est amoureux de la façon la plus impossible, tourmentée, mélancolique et kitch possible ? A-t-on jamais vu tout cela dans un Shaw Brothers ?
Simplement non. Jamais Chang Cheh n'aura été aussi loin dans l'héroïsme brut. Dans l'excès de tortures tout d'abord, allant même jusqu'à **spoiler**sacrifier un jeune gamin prêt à s'ouvrir le ventre au sabre ou encore un jeune homme qui en tout honneur se coupe lui-même en deux avec une guillotine !!**spoiler**.
Vraiment ce Golden Swallow offre un spectacle assez unique où les combats pas vraiment bien maîtrisés par de vrais artistes martiaux ni vraiment bien chorégraphiés par le master duo Liu Chia Liang / Tang Chia loin de leur top niveau tout de même (le côté viellot se fait largement sentir), s'en tirent haut la main grâce à la seule mobilité de la caméra de l'ogre, qui tourne autour s'éloigne puis se rapproche brusquement des corps et des visages crispés, sans la moindre peur d'explorer les possibilités de mise en ambiance que lui offre son objectif. Une caméra à l'épaule qu'il viendrait juste enfin de libérer totalement. Avec calme et mélancolie, il n'oublie pas non plus de pauser (un minimum) les bases du trio principal aux amours troubles, complété par l'ami proche et l'écho positif de Wang Yu, Lo Lieh le sage guerrier. Lorsque l'amour désespéré prend place, usant de musiques langoureuses au parfum surrané, Chang Cheh se détend un peu, joue les romantiques, avant de tout faire exploser à nouveau.
Restent un minimum de dialogues, un manque certain d'ennemis invincibles, un fond scénaristique pour le moins léger, même si hautement symbolique, et une Cheng Pei Pei largement en retrait qui n'a décidément pas la même place que dans l'Hirondelle d'or, chef d'oeuvre de King Hu le grand qui vient simplement d'une tout autre planète que ce Shaw ci. Le Retour de l'Hirondelle d'or n'est peut-être pas un wu xia ultime par son manque de profondeur mais il a beaucoup à dire sur Chang Cheh et son talent, sa façon de voir le monde martial, impitoyable, sanglant, sans barrière, emprunt de sueurs, de héros jusqu'auboutistes et de fantaisies combattantes.
A-t-on jamais vu un générique (effet split screen !?) si étrange et inédit pour l'époque ou un Wu Ma si heureux de trépasser ?...
Golden Swallow ne manque pas de qualités c'est le moins qu'on puisse dire: en vrac un sens fordien des grands espaces (la structure du film est d'ailleurs évocatrice du western), des combats déjà hallucinés chargés d'outrances qui surpassent même ceux de la Rage du Tigre et Boxer from Shantung (ceux de l'escalier et des cimetières qui persistent longtemps sur la rétine), de beaux moments tragiques (l'enfant accusé injustement qui se donne la mort), le final annonciateur du thème de survivant qui n'en finit pas de mourir dont John Woo assurera la descendance). Et il y a surtout des idées de mise en scène au kilomètre: la superbe image du chevalier encerclé par son manuscrit géant, le combat d'ouverture vu au travers de fentes d'une porte, les zooms délirants, les combats vus de dessus, un usage de la caméra portée très audacieux pour l'époque -l'influence des films de sabre japonais et des yakuza eigas de la meme époque sans doute vu que les films de la Shaw Brothers découlent d'une adaptation de l'univers des samourais au wu xia pian, genre hongkongais dominé alors par les personnages féminins- des scènes de combats que l'on ne retrouvera plus dans la suite de la filmographie de Chang Cheh. Surtout, la narration multiplie les intrigues et les personnages secondaires donnant au film un souffle romanesque absent des sommets de Chang Cheh mentionnés plus haut (notamment avec le personnage du justicier solitaire décrit comme un homme à femmes habitué des bordels d'où des personnages féminins plus nombreux que par la suite dans le cinéma de Chang Cheh).
Mais en choisissant une narration classique de western plutot qu'une construction de type roman d'initiation comme dans Boxer from Shantung ou de mélodrame étouffé comme dans la Rage du Tigre il en résulte une déperdition d'intensité dramatique par rapport au potentiel du sujet. Et alors que les tourments des héros envahissaient et contaminaient vite ces derniers films ils n'annexent Golden Swallow que sur la fin. On ne retrouve donc pas toujours la capacité de ces films à prendre le spectateur aux tripes. Et de ce point de vue, Chang Cheh n'est pas aidé par un Wang Yu à l'expressivité d'un iceberg ne coulant néanmoins pas son role. Le thème préwooien du double passe un peu moins bien au travers d'un personnage féminin (pas plus son fort que cela ne le sera pour Woo jusqu'à Volte/Face) que dans les fameuses amitiés viriles caractéristiques du cinéaste. Le trio amoureux du film en est du coup rendu moins fort que celui de la Rage du Tigre. Mais à la décharge du cinéaste on peut citer le cahier des charges du film: il s'agit de la suite de Come Drink with me de King Hu et on peut donc le considérer dès lors comme un film marquant la transition entre deux conceptions du wu xia pian, celui romanesque, pictural et centré sur les femmes d'un King Hu et les mélodrames d'amitiés viriles et de héros tragiques de Chang Cheh.
Ce Chang Cheh atypique mérite le coup d'oeil pour de nombreuses raisons et fait partie de ses sommets. Reste que le film aurait pu aussi etre une réussite de l'ampleur du meilleur des cinémas de genre américains et japonais et un film qui aurait synthétisé le meilleur de Chang Cheh et King Hu. Ses plus ardents défenseurs mettront en avant le fait qu'il soit moins délirant, moins Bis que les meilleurs Chang Cheh suivants, qu'il soit un peu plus maitrisé formellement mais il est aussi moins émouvant et a aussi ses petite limites cinématographiques.
La belle fable barbare de Chang Cheh pourrait bien être Le Retour de l’Hirondelle d’or, wu xia formidable et fausse suite de la première Hirondelle dirigée par King Hu deux ans auparavant. Elle est aussi la preuve formelle de l’alchimie réussie entre plusieurs genres populaires au cinéma : les influences du chambara pour les prémices de divers combats (dont le dernier opposant Jimmy Wang Yu à Lo Lieh), genre qui aura à son tour influencé le western italien dont les grands espaces, les cadrages et les cuivres font ici tout droit penser aux westerns de Leone. Ce dernier point est évident lorsque le thème musical récurrent intervient lors des passages cruciaux, à la dramatisation très forte.
Rarement aura-t-on vu pareil lyrisme dans une violence outrancière pourtant jamais exagérée. Le côté grand guignol des chambara ne transparait jamais ici tant les gerbes de sang brillent par leur absence. Néanmoins, Chang Cheh ne recule pas devant la théâtralisation des affrontements en masse où les corps dégringolent dans un dernier élan de fureur, dans un dernier cri de souffrance. Les thématiques récurrentes des classiques de Chang Cheh à venir sont ici abordées sans toutefois prendre une place prédominante dans le récit ; elles participent davantage au style marqué du film plutôt qu’à sa bonne structuration. C’est pourquoi la première rencontre entre Jimmy Wang Yu (en machine à tuer impassible) et Lo Lieh vont les faire devenir les meilleurs ennemis du monde, où l’honneur est constamment mis en jeu (valeurs, qualités martiales…). Les dernières paroles de Lo Lieh à son encontre sont à ce titre magnifiques et émouvantes. L’ultime combat opposant Jimmy Wang Yu à une armée de chevaliers est déjà un exemple des héros bien décidés à rester sur terre car point de philosophie ici, seulement des personnages très terriens. Ce qui fait de Chang Cheh un cinéaste plus terre-à-terre qu’un King Hu ou Chu Yuan ; la violence n’en est que plus sèche. Chang Cheh réussira à faire de son film une espèce de fable guerrière dont les ambiances sont particulièrement bien étudiées : la sublime forêt et sa cascade d’eau pour symboliser le retour au calme et à la sérénité, les collines difficiles à escalader pour exprimer les relations tendues entre Cheng Pei-Pei et sa rivale amoureuse malgré les apparences, la forêt en studio pour créer l’illusion d’un endroit dangereux, sans échappatoire possible. D’où une mise en scène inventive, transcendant ses combats par un sens virtuose de la caméra portée créant ainsi des cadres troublants. Du barbare noble, disons.
Pétri de références culturelles étrangères, du western américain classique à Sergio Leone en passant par le chambara nippon, Chang Cheh ose, essaye, tente constamment d’apporter un renouveau, des pistes non explorées dans le wu xia pian chinois, et notamment en matière de mise en scène où il se déchaîne : combats caméra à l’épaule, survolant l’action ou complètement statique en attendant que Wang Yu tranche une quinzaine de types les uns derrière les autres sur une allée, zooms extravagants, cadre penché, flous, il n’y en a presque que pour lui. C’est parfois beau, parfois raté, ça peut lasser, mais ça ne laisse pas indifférent. Pour un peu, l’intrigue qui manque de punch et de rebondissements, ainsi que les personnages qui - outre un Jimmy hyper maquillé déguisé en ange blanc de la mort – sont relativement fades, passeraient au second plan tant le « style » semble être la priorité. On comprend donc que Golden Swallow soit resté dans les annales du 7ème art HK, mais ceux qui ont généralement du mal à apprécier les productions Shaw Brothers n’y seront peut-être pas forcément sensibles.
Golden Swallow est un film important non seulement dans la filmographie de l'ogre de la Shaw Brothers, mais aussi dans l'histoire du wu xia pian. Il est le film-phare par excellence, le métre-étalon d'une nouvelle génération d'oeuvres dans lesquels la figure chevaleresque féministe jusqu'alors imposée par des auteurs comme Wong Fung ou King Hu change de visage et s'endurcit au profit de guerrier taciturne et brut de peau.
L'héroïne, Golden Swallow est chez Chang Cheh reléguée au rang d'icône du passé. Le véritable héros du film est le ténébreux Jimmy Wang Yu, interprétant le rôle de Little Roc, tueur au sang froid et au faciès mono-expressif qui use de l'épée avec une sorte d'excitation quasi sexuelle. Il met à mal ses adversaires et prend un certain plaisir à les éxécuter comme si sa jouissance, son jusqu'auboutisme orgasmique en dépendait.
Finie la figure féminine teintée de saphisme, l'ogre détruit les codes du genre avec fracas, imposant son style dans un grand déchaînement d'une violence graphique hallucinante.
Nous sommes en 1968 et en Occident des cinéastes comme Sam Peckinpah et Sergio Leone ont anéantis les codes du classicisme américain dans l'autre genre phare du cinéma dit d'exploitation le western.
En fin lettré, Chang Cheh exploite un scénario assez basique, basé sur la vengeance et l'obsession de ses personnages pour arriver à leur fin, avec un grand pontillisme que sa mise en scène sans concessions cache parfois.
Il appuie sur son côté mysogine lors des scènes de dialogue à trois entre Wang Yu, Lo Lieh et Cheng Pei Pei, cette dernière est souvent filmée de dos ou en contre-champ comme pour mieux en faire un objet au service du vrai épéiste, en l'occurence le guerrier mâle.
Sa mise en scène découle des attributs du wu xia pian dit "classique", en fait le film de sabre cantonais de par une grande théatralité. Cependant Chang Cheh sort des contraintes scéniques en utilisant une géométrie variable des espaces. Tantôt réduit au simple champ de la scène lors des dialogues et des combats particulièrement violents, tantôt élargi à de grandes envolée dans des espaces quasi-Fordien. La scéne explose comme par envie de se libérer des contraintes imposées par ses aînés. Le Cheh impose définitivement sa vision du film de chevalerie.
Elle sera masculine, ses passions pour les beaux guerriers drapés de linge blanc, symbole de pureté (de virginité), est ici plus qu'apparente, imposant même un contraste en forme de préambule dévastateur, le principal opposant de Little Roc étant finalement le compagnon de L'hirondelle d'or interprété par un Lo Lieh en guerrier paisible et vieillissant, celui-ci étant vêtu de noir. Le contraste est flagrant est ne pourra se solder que par un duel, avec pour but non seulement la suprématie, mais également la possession féminine. La célèbre guerrière est reléguée au rang d'objet de désir et de trophée.
Le cinéma de Chang Cheh s'impose définitivement avec ce très grand film qui non seulement se pose comme oeuvre jalon pour un avenir radieux où les beaux guerriers s'imposeront définitivement, mais ouvre un nouveau champ d'expérimentation pour les futures oeuivres dédiées à l'épée. Une violence ahurissante, les litres de sang déversé ne se comptent plus, une violence séche et sans concessions, une violence orgasmique tant le vainqueur prend de plaisir à donner le coup fatal.
Pour toutes ses thématiques développées, et pour une grande maîtrise de sa mise en scène, ce Golden Swallow est l'une des plus grandes oeuvres de Chang Cheh. Il s'impose définitivement en maître de la Shaw Brothers.
Original, le film l'est déjà par son postulat de départ, qui s'il n'a l'air de rien n'était pas à l'époque évident: mettre en retrait le personnage de Cheng Pei-Pei et mettre en avant celui de Jimmy Wang Yu. A une époque de starification des vedettes féminines, ce pari est plus osé qu'il n'y parait de prime abord. Pour contrebalancer le désquilibre qu'engendre ce coup de force, Chang Cheh parie sur Jimmy Wang Yu (et dans une moindre mesure Lo Lieh). Choix discutable au vu des capacités artistiques du bonhomme, assez limitées. Mais la réussite de ce film est d'utiliser cet écueil contre le lui-même et d'iconiciser ce qui aurait pu passer pour de l'impassibilité. La filiation entre le cinéma de Chang Cheh et le cinéma de Woo est ici le plus clair: il s'agit d'inventer des icônes, de créer des clichés. Comme Chow Yun Fat dans The Killer devient l'image du tueur chevaleresque "cool", Jimmy Wang Yu est ici archétypal, il incarne ce qu'il y est. Ce qu'il est, c'est cette froideur, cette distance et cette morgue virile. Le renvoi aux codes du western est très révélateur: on est dans le cinéma de l'icone, de l'imagerie d'Epinal,... Comme Alan Ladd dans "Johnny Guitar", comme John Wayne dans "The searchers", on est au stade de la création du mythe (celui que John Woo appellera "les vrais héros chinois"!). L'interprétation de Wang Yu est alors audelà des critères de réussite ou d'échec: il incarne, il est, il vit à la scène son personnage. A quoi le comparer si l'on est dans le domaine du fantasme? A coté, la prestation de Cheng Pei-Pei est secondarisée, évidemment: elle est le symbole de l'enracinement dans le passé cinématogaphique du film. La réalisation du film est au diapason de cette création: en perpétuelle recherche, elle est une des plus audacieuses du maitre. Il s'agit de trouver le moyen de mettre en forme cette démiurgie. Comment donner vie à un mythe qu'il s'agit de créer? En cherchant, en tentant! Si tout n'est pas réussi dans le travail du film, au moins, un des mérites majeurs de Golden Swallow est d'avoir voulu frayer un chemin neuf, thématiquement et formellement: pour cette raison, il prend une place prépondérante dans l'oeuvre de Chang Cheh.
Le film est bon et bien réalisé . Les combats sont rapides et violents . Wang Yu en fait des tonnes et c'est bien domage que le personnage joué par Cheng Pei Pei soit si en retrait . Une réussite .
Cheng Pei-pei arrive à exister malgré sa mise à l'écart au second plan où les hommes (Jimmy Wang Yu et Lo Lieh) on le beau rôle. Pas que le personnage que l'Hirondelle s'efface totalement des combats mais Chang Cheh offre les plus belles souffrances, massacres et tortures à ses deux interprètes principaux surtout Wang Yu que le maitre du wu xia pian masculin prend manifestement plaisir à faire mourir lentement. Le pseudo duo romantique Pei-pei/Wang-Yu n'est, me semble t-il, qu'un prétexte à motiver ce final sanglant, comme le reste du film. Il est également plaisant de reconnaitre des acteurs comme Wu Ma, les trois acteurs et actrice déjà mentionnés et le gamin volant prétendument l'oie est-il incarné par Mars que j'ai connu dans "Police Story 2" de Jackie Chan ?
Après un "come drink with me" sympathique mais qui sent le film de commande, Chang Cheh se lance dans la réappropriation du mythe de l'hirondelle d'or. Sa version semble plus proche de la réalité: les femmes au fourneaux et les hommes à la guerre. Et même si Cheng Pei pei tente timidement de brandir ses petits couteaux, on n'a pas l'impression de voir une femme guerrière en action.
Car inutile de se leurrer: la femme guerrière n'est qu'un mythe, un mythe qui parait tellement peu crédible qu'on pourrait même parler de farce. Et Chang Cheh remet les points sur les i en faisant remettre à Wang Yu le poing sur la table.
A la manière dune Michelle Mercier dans la saga épique des "Angélique", L'hirondelle d'or est ici l'objet de toutes les convoitises plus qu'une héroïne sans peur et sans reproche. Manifestant sa vraie nature de cruche, qu'elle dissimulait déjà avec peine dans le premier opus, elle n'est qu'un pot de fleurs que les hommes se disputent, aussi symbolique que le bâton que s'arrachent les gangsters dans "Election".
Et si ce sont bel et bien les hommes les héros, force est de constater que Lo Lieh ne bénéficie pas du même statut que Wang Yu. Toujours effacé, toujours en retrait, trop droit, trop honnête, il représente la chine conservatrice, qui a peur du changement, qui a peur de prendre des décisions courageuses. Wang Yu, véritable James Dean chinois, symbole vivant de la rebellion, que le simple mot de "tyran" met hors de lui, représente une jeunesse en quête d'identité. L'idéal de liberté qu'il représente, n'est pas loin de la représentation qu'on se fait parfois du ronin japonais.
Bafouant les règles, ne s'embarassant jamais des conventions, il est le personnage le plus pur, qui vit selon son idéal et se battra jusqu'à la mort pour l'atteindre. Mais notre héros est aussi un être humain, et en véritable séducteur, il va remporter le tromphée hirondelle en quelques passes de son épée, face à un Lo Lieh encore une fois ridiculisé.
Si le scénario semble simple, il ne faut pas oublier toute la symbolique des personnages, et l'analogie qui met à mal la société chinoise de l'époque.
Non dénué d'action, "golden swallow" est en plus l'un des films ls plus sanglants et les plus cruels de Chang Cheh, où les scènes de torture et les assassinats d'enfants s'enchaînent sans répit. On a le plaisir de reconnaître Mars, futur cascadeur de Jackie Chan dans le rôle d'un enfant de 14 ans qu'on voit se diriger vers un funeste destin avec délectation et sadisme.
Le casting est très bon, mais c'est Wang Yu qui se taille la part du lion avec ce rôle de rebelle tourmenté qui lui sied à merveille. Les combats ont évidemment vieilli; mais sont remplis d'idées intéressantes, et restent plutôt vifs dans l'ensemble. Le final est par contre inoubliable et reste l'un des plus barbares de Chang Cheh et achève de faire de "golden swallow" un classique à la réalisation audacieuse et innovatrice.
Les points forts du film ont déjà été largement évoqués (thème et personnages forts, qualité cinématographique, avec une mention spéciale de ma part pour le poème calligraphié devenant décors, utilisation oxygénatrice des extérieurs, style "Chang Cheh",...). Je m'attacherais donc à un petit point qui m'a personnellement empêché de vraiment entrer dedans : l'abord psychologique des personnages, selon moi réduit à un trop petit minimum.
Pour cela, passons directement au personnage joué par Jimmy Wang Yu, cristallisateur manifeste du propos de Chang Cheh, les deux ou trois autres personnages principaux (y compris celui de Cheng Pei Pei pourtant rôle titre du film) ne semblant principalement là qu'à titre de support nécessaire ou de parenté obligée avec le film de King Hu.
En gros, on sait d'emblée qu'il se conduit de telle manière car il a vécu ceci et qu'il cherche cela. On ne trouve pas ici de phase initiatique ni de découverte à faire au fil du récit permettant de se rapprocher "affectivement" du personnage (juste un revirement dans la présentation de son but)... Ici, ce sont d'avantage l'ambiance (une violence omniprésente de fait) et la situation qui servent de média à la démonstration (le héros prisonnier volontaire de son destin, cette dite violence omniprésente), plutôt que la construction psychologique du personnage.
En ce sens, le film s'apparenterait pour beaucoup à un épisode de certaines séries chambara de l'époque ("Zatoichi" et un peu plus tard "Babycart"), mais malheureusement orphelin de son histoire. La différence résidant dans le fait que le personnage principal ne semble ici se mettre qu'au service de sa propre ambition. Qui plus est, les combats faisant intervenir le personnage de Wang Yu évoquent très fortement les techniques de combats au sabre japonais (1 mouvement = 1 mort minimum), jusqu'à la manière de rengainer l'épée tout à fait typique et signifiant si besoin était la parenté de genre.
Quoi qu'il en soit, le héros s'est-il fait lui-même ainsi ou l'est-il devenu malgré lui, quelles sont vraiment ses motivations, je ne saurais le dire. Du coup, son affirmation finale "Je reste le plus grand épéiste" reste pour moi dans une certaine ambiguïté qui nuit quelque peu à la clarté du propos : quête mono-maniaque de la renommée ou consolation ? Reste encore à savoir si cette ambiguïté n'est pas volontaire...
En même temps, il faut considérer l'année de production du film (1968) et se dire qu'il faudra bien encore 10 années de maturation supplémentaire au genre avant d'atteindre le synthétique mais formellement plus traditionnel Soul of the Sword de Hua Shan (Shaw Brothers - 1978). Par ailleurs, il est fort probable que ce "Retour de l'hirondelle d'or" constitue une étape importante de cette évolution étant donné la renommée et par conséquent l'audience de son réalisateur. Il est donc assurément un important générateur de références ainsi qu'une marque d'ouverture du genre martial HK aux références étrangères (western et chambara), bien que suivant en cela également le chemin si bien initié par King Hu avec L'Hirondelle d'Or et approfondi avec L'auberge du Dragon. D'ailleurs, de là à affirmer que Chang Cheh n'aurait été qu'un suiveur opportuniste avec cette fausse suite, il n'y aurait pas loin si son style déjà très affirmé n'en avait fait un film tout aussi personnel que celui du maître King Hu.
En tout état de cause, ce film est un indispensable qui ne peut laisser indifférent.
a lire tant de critiques elogieuses ce film devait etre un chef d'oeuvre, et encore mieux que "come drink with me" et bien ce n'est pas mon avis,certe le film se laisse voir(j'ai pas dis qu'il était mauvais) autant Wang Yu m'avait plus dans "the one armed swordman" ici il est aussi charismatique qu'un choux de bruxelles et quand il se bat il donne des grands coups d'epée de gauche a droite c'est tout. Lo Lieh lui est déjà au top, son interprétation est nickel, de meme que Cheng Pei Pei. film culte..ok mais j'ai du mal avec ces films..
Une bonne suite de la SHAW. On y retrouve notre hirondelle d'or t ses talent d'art martiaux tout aussi ravageur que dans le premier opus. Reste un final de toute beauté dans la lignée des films chevaleresques et faisant honneur au Wu Xia Pian.
Une suite à voir donc:)