Astec | 4 | Petit, costaud et méchant... mais rigolo ! |
Ordell Robbie | 3.5 | Très drôle manga "muet". |
Gon est mignon et terrifiant. Gon est sympa mais cruel. Gon défend les faibles même s’il s’en fiche à première vue. Gon est égoïste et généreux. Gon est très gourmand mais très petit malgré tout. Gon aime bien dormir mais ne s’arrête jamais de courir une fois lancé. Gon est têtu mais adaptatif. Gon ne vole pas mais si, quand même, d’une certaine façon. Gon est unique et ambigu. Il ne parle pas et tous le monde ne s’en porte pas plus mal, à commencer par les lecteurs qui peuvent ainsi tranquillement jongler entre les éditions françaises et japonaises du manga. Car oui, Gon ne comporte pas de dialogues (les quelques légendes accompagnant les histoires étant en anglais dans l’édition japonaise), mettant de ce fait en exergue toute l'universalité du dessin.
Gon n’est donc pas ce qu’il paraît et pourtant si, d’une certaine façon. Ce manga de Tanaka est à l’image de ses arguments graphiques, sauvage et « kawaï ». Le grand écart est parfait. Lire le premier chapitre de Gon résume bien la double nature de ce personnage : une petite créature à priori mignonne qui peut se montrer sans pitié. Aidé par un dessin reconnaissable entre mille, entièrement exécuté à la plume et sans l’utilisation des trames caractéristiques du manga (donc « encrage » hachuré d’autant plus fastidieux mais expressif), Tanaka manie les paradoxes (dont le moindre n’est pas l’existence de ce petit Tyranosaure presque SD dans un contexte moderne) avec aisance, jonglant entre une approche type documentaire animalier de la 3 entre 2heure et 4 heure du matin et petites touches "funny animals".
Toutes les histoires ne sont pas au même niveau dans l’ensemble, mais entre le dessin faussement «naturaliste» (voir les expressions antropomorphiques des visages et les veines d’énervement des protagonistes ) plein de maîtrise comme de fougue de Tanaka, les élans d'ultra violence rageuse rendus fascinants par le travail des hachures dynamiques, le format "scope" quand il s'agit de rendre compte de la noble immensité de la nature et le plaisir, primaire (et premier), de voir déambuler un Gon « griffes sans rire » pris dans sa logique quasi infantile, on s’y retrouve toujours en tant que lecteur. Toutes les histoires -car il n’y a pas à proprement parler d’Histoire dans Gon mais plutôt des situations, des historiettes, qui mènent le lecteur sur un nouveau continent à chaque fois, dans un nouvel environnement avec une faune et une flore différente d’un épisode à l’autre- reposent ainsi, outre l’invitation au voyage, sur la tension inhérente entre le caractère de Gon et la réalité de la faune rencontrée. Et à chaque fois la personnalité du petit saurien le plus mignon et le plus craint du monde génère un comique sauvage, impitoyable.
Gon n’est donc pas de ces personnages dont on fait une mascotte pour petit, même s’il en a tous les attributs à priori et que la bête possède un bon fond... mais faut pas le faire ch...