[Avis Express]
Premier film de Yoshida Kiju, première tentative de mêler plutôt habillement film noir, critique sociale sur la jeunesse encore une fois un peu paumée et "Nouvelle vague" dans sa narration qui ose quelques pirouettes Godardiennes pas dégueulasses. Simplement, outre le fait d'être plutôt original dans sa structure et dans la peinture des personnages n'hésitant pas à jouer à la roulette russe, Bon à rien ne s'éloigne guère des sentiers battus et rabâche un peu trop ce que l'on a vu dans le domaine du film noir. Ce qui est définitivement le plus intéressant, sans être non plus surprenant, c'est la manière dont Yoshida traite ses personnages : des jeunes branleurs de quartier ou encore d'autres plus riches, côtoyant une jeune femme alors dans l'impasse. Ils s'amusent d'abord avec elle en la capturant dans la rue sachant que cette dernière retire régulièrement ce jour là une importante somme d'argent. La jeune femme n'apprécie pas et leur fait montrer en insultant le fautif de bon à rien, alors que ce dernier et ses deux compères ne font ça que pour s'amuser et tuer le temps dans un Japon qui marche visiblement au ralenti à l’image des protagonistes qui tendent parfois à nous endormir, la faute à un rythme moyennement négocié, comme si les ficelles du scénario faisaient trop dans la facilité et dans une certaine nonchalance qui lui colle certes plutôt bien, mais qui avec un peu plus de maîtrise et de consistance aurait débouché à quelque chose de grandiose sur le plan narratif. On préfère la narration d’A Bout de souffle où les dialogues se superposent sur un enchaînement d’images, chez Yoshida ce système n’est qu’à peine effleuré ou alors simplement pour se la jouer contestataire. Doit-on pour autant parler ici de Nouvelle vague au sens propre ? Il y a bien ce plan final complètement pompé sur celui d’A Bout de souffle, encore que ce dernier est plus brutal et davantage étiré sur la longueur qu’ici-même. Les affreux jojos ont voulu jouer aux petits soldats, ils se sont fait marcher dessus. Si Bon à rien n’est pas le coup d’essai/coup de maître, il demeure un honnête petit polar avec des jeunes adultes un peu rêveurs, idéalistes, utopiques, qui se croient les rois du monde alors qu’ils ne sont que les fourmis d’un système bien plus pervers. Cette génération du soleil a voulu grandir trop vite…
Bizarrement, ce premier film de Kiju Yoshida dans le cadre des studios de la Shochiku, est l'une de ses réalisation qui me plaît le plus. Le style ne s'affiche pas encore outrageusement, bien que la maîtrise formelle soit déjà évidente, et la trame malgré des personnages qui n'arrêtent pas de commenter leur condition, est assez brillante.
On est dans le genre du cinéma sur la jeunesse en vogue à la fin des années 50 puis dans les années 60 à la suite du succès de films comme "Passions Juvéniles" (1956) chez la Nikkatsu, et de tout ce qui tourne autour du genre taiyo zoku (tribut du soleil).
Un malaise existentiel traverse les personnages sans horizon peuplant ce film, et on est rarement dans la leçon de morale vu que les perspectives de "réussite sociale" qui sont l'alternative à la vie de ces "bon à rien", dans le cadre de ce japon qui rentre dans l'ère du libéralisme, sont elles aussi dénoncées.