La Griffe du Passé
Dernier film d'une trilogie sur l'histoire de Taïwan commencée avec La Cité des Douleurs ce Good men, good women? Oui et non, vu qu'il ne s'agit pas d'un vrai point final et qu'il semble ménager des pistes artistiques pour la suite de l'oeuvre d'Hou Hsiao Hsien. S'il tente de solder les comptes de la répression du communisme à Taiwan et des rapports entre les résistants taiwanais et ceux de Chine continentale dans les années 40, le film est après La Fille du Nil une nouvelle tentative d'Hou Hsiao-hsien de tenter de représenter le Taïwan contemporain.
Le présent existe ici dans une interaction avec deux passés: le passé proche d'A Ching et le passé historique de la partie en noir et blanc. C'est dans les correspondances et les points de contraste entre ces trois parties que se construit le rapport du film au souvenir. Progressivement, c'est comme si le souvenir d'un amant perdu pesait sur A Ching tandis que se rajoute pour elle le poids (culturel et historique) du role qu'elle veut interpréter. Une voix du présent peut dialoguer avec les images du passé. Possibilité de grossesse, mari assassiné semblent rapprocher A Ching de Chang Bi Yu. Mais là où cette dernière s'est battue pour des idéaux politiques, A Ching semble naviguer à vue dans sa vie. Et c'est comme si son travail d'actrice lui permettait de tenter de supporter son présent en se reliant au passé de Taïwan. Comme si une femme se confrontant à la face noire de son propre passé (ce journal intime dont le vol par un inconnu la pousse à rechercher son passé) faisait écho à une nation cherchant à affronter son passé historique.
Reste que le dispositif du film est bien plus inspiré lorsqu'il tente de lier entre elles les époques que lorsqu'il veut brouiller la frontière cinéma/réalité. Titre du film qui est aussi titre du film qu'elle tourne, usage de la couleur pour suggérer que le vécu de Chang Bi Yu est aussi celui de l'actrice, partie au passé qui pourrait être le film tourné... Les solutions apportées par Hou Hsiao Hsien sur ce point ne se distinguent en rien de chemins balisés par la Nouvelle Vague des années 60. Une caméra parfois plus mobile et plus rapprochée dans le présent a au moins le mérite de la prise de conscience de Hou que pour rendre compte du monde contemporain il ne peut se contenter de répéter un dispositif construit en regardant dans le rétroviseur historique et autobiographique. Et le film recèle un certain nombre de grands moments de cinéma: quelques crises hystériques dignes du meilleur Pialat, un passage dansé où la réalisation se distingue par un vrai sens des corps et quelques passages au passé dignes de ses deux films précédents par exemple. Mais la mise en place du dispositif du film est très laborieuse, il se perd parfois dans les allers-retours temporels comme son héroine se perd entre ses deux "passés" tandis que qu'un score peu inspiré est parfois utilisé de façon convenue.
Si la tentative de rénovation du dispositif pour trouver un regard juste sur l'époque contemporaine n'est pas totalement menée à bien, Hou Hsiao Hsien ouvre au moins ici des pistes pour développer ce projet-là. Bien plus qu'un chapitre final, il s'agit d'un film de transition ouvrant la voie aux fictions contemporaines qui suivirent
Confus et ennuyeux
L’idée du journal intime volé était un bon début, mais l’entrecroisement des histoires (notre héroïne est une actrice et son rôle est présenté comme une histoire dans l’histoire) ne prends pas ! ! ! Les quelques séquences d’émotions semblent être forcé par un réalisateur mal inspiré à mon goût. Notons cependant la bonne performance de l’actrice principal et le message politique qui servait de fond à cette histoire.(Taïwan/ Chine populaire).
Une narration complexe qui cache deux films lacunaires.
Une première histoire est contée avec ses flashbacks qui l'alimentent, HHH met en scène une jeune actrice et quelques moments assez flous de sa vie.
Le second niveau de narration est un film dans le film, où l'actrice en question joue. Il raconte un moment intéressant de l'occupation japonaise à Taïwan et en Chine, où nationnalistes et communistes s'allient pour résister à la puissante invasion étrangère.
Même lorsque l'on s'habitue à cette double voire triple narration, on se rend compte que tout ceci est assez nébuleux... on se demande si HHH ne s'est-il pas un peu perdu dans l'exercice de style. Bref, une belle déception au final, car trop obscur.
Triple narration entre Histoire, present, et memoire.
Un des meilleurs Hou Hsiao Hsien et un film tres interessant du point de vue cinematographique. Mais il me faut d'abord faire quelques rectificatifs par rapport a la critique de cinemasie.com.
L'histoire presente effectivement trois degres de narration, qui sont: Le present (les annees 90) dans l'appartement d'une jeune actrice qui recoit regulierement par fax des pans entiers de son journal intime, vraisemblablement vole par un inconnu; le film dans lequel joue cette actrice, ou elle incarne Chang Bi Yu, une heroine taiwanaise dans les annees 40; et des flash-back ou cette actrice se rememore sa liaison avec A-Wei, un gangster.
Ces trois histoires se renvoient sans construction apparente (on a meme un peu de mal au debut a bien reperer ces trois histoires tant on passe de l'une a l'autre brutalement et sans suggestion aucune) mais en se faisant constamment echo. L'actrice, au fur et a mesure des repetitions du film, s'identifie de plus en plus a son personnage (le plus frappant est le parallele entre l'actrice en pleurs au telephone dans le present et la scene ou l'heroine qu'elle incarne pleure son mari assassine, scene en couleur alors que le reste est en noir et blanc, ce qui suggere peut etre que les pleurs sont les siens). Il y aurait encore beaucoup de choses a dire sur cette narration originale...
L'aspect le plus difficile a comprendre est le film joue par l'actrice, ou il est demande au spectateur toutes ses connaissances en histoire de la Chine et de Taiwan (ouille ouille ouille). L'heroine du film dans le film, intitule lui aussi "good men good women", est une taiwanaise, qui , durant la 2e guerre mondiale, part avec son mari et quelques amis en Chine pour s'engager dans la lutte contre le Japon. A ce moment la, Taiwan est une colonie japonaise (dans une des premieres scenes du "film dans le film" les personnages melangent leur dialecte de Taiwan et le japonais dans leurs conversations), et quand le petit groupe arrive en Chine continentale, dans la region de Canton, le militaire qui les accueille est immediatement mefiant et les soupconne d'espionnage. Scene curieuse ou l'officier les interroge et ou quelqu'un traduit du taiwanais au cantonnais (comme dans d'autres films de HHH, plusieurs languent se melangent : chinois mandarin, cantonais, taiwanais et japonais). Apres avoir ete emprisonnes, puis liberes, le groupe rentre a Taiwan a la fin de la guerre. L’ile vient juste de passer sous le controle du gouvernement nationaliste chinois. On voit le groupe discuter de politique et de la redaction d’un journal. A ce moment-la, les taiwanais tentent en effet de participer a la vie politique de l’ile, qui est neamoins sous la direction totale du parti nationaliste chinois et des proches de Tchang Kai Tchek. Un evenement va basculer l’ile dans le sang, reste sous le nom d’ « incident du 28 fevrier 1947 » . Suite a une emeute, le gouvernement de l’ile et l’armee (tous les militaires presents etant des hommes fraichement arrives d’autres provinces de la Chine) se livrent a de sanglantes exactions sur la population. De nombreux intellectuels et militants politiques (notamment ceux qui demandaient plus de postes et de responsabilites aux natifs de l’ile) sont arretes, voire executes. C’est ainsi que finit le mari de l’heroine.
Hou Hsiao Hsien, qui a traite aussi ce sujet dans « la cite de la douleur », construit donc ici un cinema engage (les massacres suivant l’incident du 28 fevrier ont ete longtemps passes sous silence et constitue, aujourd’hui encore, un sujet tres delicat, quasi-tabou). Et comme dans « la cite des douleurs », les scenes sont envoutantes : nature luxuriante, chants melancoliques de paysans, dialogues menes dans de delicieux melanges linguistiques. Mais en ne faisant pas une fresque historique classique, il reste plus libre et s’affranchit de la cohesion narrative. Peut etre cherche-t-il a toucher plus le spectateur en l’enveloppant dans ses trois narrations. Une fresque classique, entrecoupee de texte explicatifs, auraient ete plus claire, mais la narration libre de HHH nous permet de toucher directement l’Histoire via l’actrice. Quand l’actrice joue la fin du film (avec la mort du mari) on apprend simultanement le deces de la vraie Chang Bi Yu, touchant de pres le spectateur et le confrontant a diverse interrogations (identite, memoire, mutations de la vie etc ....). Il y a certainement encore beaucoup de choses a dire sur ce que le realisateur a voulu exprimer et sur la richesse de cette oeuvre.