Thé à Deux
Ce projet ancien -le scénario était écrit en 1939 mais n'avait pas passé la censure préalable à l'époque- d'Ozu est une oeuvre que le cinéaste considérait comme ratée. Ce qui prouve que les cinéastes ne sont pas les meilleurs juges de leurs oeuvres vu que cet Ozu, sans etre un de ses sommets, n'a par exemple rien à envier à un Voyage à Tokyo chéri des référendums critiques. Une des caractéristiques du film est que considérant la période durant laquelle il a été élaboré -celle où Ozu travaille à une épure progressive de son style- est déjà de contenir beaucoup de travellings à une échelle ozuienne, ce dernier point compensant quelque peu certaines petites scories -les habituels plans longs un peu trop longs- présentes au rayon montage. Le cadrage, tout en étant bon, n'a pas encore toujours la précision qu'il prendra au fur et à mesure de l'approche de la période couleur. Pour le reste, cet Ozu-là annonce quelque peu Printemps Précoce dans sa description d'un moment de crise d'un couple avant réconciliation, le tout au travers de détails révélant entre autres le malaise suscité par les différences de milieu social d'origine, sauf que là où Printemps Précoce sera plutot centré sur son personnage masculin celui-là l'est un peu plus sur son personnage féminin d'origine bourgeoise notamment au travers des discussions entre copines oisives. Si la fameuse métaphore du titre concernant la vie de couple fonctionne très bien -le plan en question étant aussi dépouillé que délicieux-, le film souffre néanmoins sur la fin d'etre un peu trop démonstratif dans sa conclusion là où le cinéma d'Ozu tire plutot sa force de l'ellipse et de son pouvoir suggestif. En tout cas, voilà un plat cinématographique mieux que la moyenne d'un cuistot qui a malgré tout été bien plus inspiré.
Bonne humeur communicative
Dans ce portrait de famille à la direction d’acteurs impeccable et aux dialogues délicieux, c’est le sourire quasi-permanent des personnages qui fascine : malgré les réminiscences de la guerre et de l’apocalypse nucléaire survenu 7 ans auparavant, malgré les problèmes de couples liés aux mariages arrangés – une institution à l’époque, c’est le sourire, la bonne humeur et l’humour qui dominent les débats, parce que la guerre, « on n’en veut plus », martèle un tenancier de pachinko, et parce que la société semble évoluer avec la libéralisation des esprits portée par une jeunesse enthousiaste, pacifique et insouciante, à l’image de Setsuko qui refuse de rencontrer le candidat officiel au mariage et préfère papillonner avec un jeune homme partageant ses points de vue. Caméra au ras du sol comme à son habitude, simplicité du propos pour mieux le rendre authentique et universel, Ozu nous offre un message d’espoir en démontrant que si l’on veut être heureux, il suffit de l’être, et à l’instant. Indispensable, donc.
Fugace instant magique
Au beau milieu de la nuit. Une cuisine aménagée. Une soubrette qui dort à points fermés. Un couple qui vient de se réconcilier après des années de conflit a décidé de manger du riz au thé vert pour fêter l’occasion. Mais pour pouvoir l’emmener dans la chambre, il faut soulever les couvercles des casseroles sans faire de bruit et étouffer les rires de joie qui accompagnent cette réconciliation inespérée…Chuuut...
Querelles et sourires.
Mariage arrangé, un couple qui n'y croit plus, voilà les thématiques abordées par Ozu avec cet agréable Le goût du riz au thé vert, chronique sociale typique du sensei dont les principales qualités se situent au niveau de la peinture intéressante et travaillée de relations purement humaines, des bruits de couloir, des fausses rumeurs et histoires de coeur instables. On a connu Ozu plus déterminé dans son approche du sentimental et de la crise, le fait peut-être à un scénario quelque peu convenu, voir déjà vu quelque part ailleurs chez le cinéaste, ou Naruse pour le citer (éternel chroniqueur des couples). Si l'interprétation reste de très haute facture avec un casting absolument impeccable (Shin Saburi, Kogure Michiyo, Ryu Chishu...), le métrage n'est pas exempt de longueurs du fait de plans étirés et peu variés, malgré l'apport intéressant de nombreux dézooms sur les tables basses ou les endroits où se retrouvent les protagonistes pour discuter.
Les discussions agréables et les séquences de sorties loufoques (la salle de jeux "d'arcade" d'époque, tenue par Ryu Chishu entre autre) contribuent à la réussite du goût du riz au thé vert. Ozu démontre aussi qu'un couple même instable peut toujours s'en sortir. Cette vision -utopique ou pas- permet au cinéaste d'impliquer le spectateur au centre des débats, intéressants ou non (tout dépendra des affinités de chacun). A noter les quelques clins d'oeil au cinéma français où "Jean Marais" y est cité à de nombreuses reprises, tout juste peut-on entendre une phrase en français prononcée par une des protagonistes lors d'une mémorable scène où elles s'amusent à comparer les poissons de leur étang avec les membres de leur famille. Si Le goût du riz au thé vert reste un film optimiste, on pourra lui reprocher son manque de rythme évident et ses "nombreuses" fins. A noter l'utilisation d'un score omniprésent insufflant au métrage ce doux parfum de joie de vivre, à l'image de ce plan final où deux amoureux gambadent dans la ville.
A voir absolument.
C'est par ce film que j'ai découvert OZU Yasujiro. C'est un film simple sur la vie. Pas de dialogues superflus, pas d'effusions grotesques. Un film d'une grande sensibilité où les acteurs interprêtent magnifiquement leur rôle.
27 juillet 2002
par
ikiru
Portrait Passion
Ce magnifique film de Ozu Yasujiro est le portrait d'un couple que toute oppose . Elle, belle, jeune et issue d'une riche famille, mais materialiste, gâtée et égoiste ; lui est son contraire, il vient de la campgne et a les pieds sur terre . Divers évènements ferront que cette femme finira par apprécier et aimer son mari car il est vrai qu'elle n'a jamais rien fait pour comprendre ce dernier . Ce couple se retrouvera devant "un riz au thé vert" . Un film touchant et plein de suptilité qui montre les problèmes que créent les marriages sans amour, le tout interpreté par un casting impeccable .
Un Ozu
dans la moyenne (decidemment bien élevée pour ce réalisateur)
Simple, cynique, drôle, émouvant
C'est une jolie chronique de la vie de couple à Tokyo, à la frontière entre modernisme et traditions, entre recherche de l'ame soeur et âme soeur toute trouvée par les proches (d'ailleurs les mariages arrangés sont présents dans chaque Ozu que j'ai vu), et des fois il apparait que les mariages arrangés simplifieraient la vie, que nous donne à voir Ozu.
Finalement ce Ozu, en simplifiant (comme Ozu en aura pris l'habitude par la suite) au plus la diversité de l' échelle des plans [deux ou trois travellings avant-arrière à la fin] n'en est pas moins très bien mis en scène, on est pas encore au niveau de Herbes Flottantes où on oublie carrément la fixité des cadrages mais, tout de même, les dialogues (qui n'ont rien à envier à ceux d'un prévert - "Atmosphère??!! Atmosphère??!! Est-ce que j'ai une tête d'atmosphèèèère??!!" ) aidant, on suit l'histoire avec un rythme soutenu et l'ennui est mis de coté (et à vrai dire, je vous raconte ma life, avant d'avoir affaire à Ozu, juste en me basant sur les extraits vus en cours, je m'attendais à des films soporifiques).
Une touche non négligeable d'humour est omniprésente et, le contraste flagrant entre la crispation des visages et les piques humoristiques que s'envoient les personnages nous font apprecier doublement cette tranche de rigolade, meme si le sujet abordé est des plus sérieux : la conciliation difficile - qui au japon va de soi pourtant - entre tradition et modernité notamment dans les affaires de couples ( on a affaire à trois couples, deux formés par des alliances forcées, et un tout neuf, à peine formé par deux jeunes japonais réformistes, les plus jeunes prenant exemples sur leurs ainés ). On en vient même, à la fin, à une leçon de savoir vivre en couple donnée, regard caméra aidant, par la femme contrariée ( une des deux au mariage arrangé, la moins satisfaite de sa situation, trouvant son mari "engourdi" ), aux jeunes génération de couples nippons d'alors.
Film utile pour l'époque peut-être (??!!) mais en tout cas film agréble à voir.
Mais pour le riz au thé vert, on repassera hein ..
Un léger problème de communication
Un couple (sans enfants) issu d'un mariage arrangé. Ils s'ennuient : elle ne s'amuse qu'en compagnie de sa nièce et de ses copines et ne pense qu'à sortir ; lui, placide, se concentre sur son travail. A la suite d'un départ à l'étranger du mari, pour motif professionnels, l'épouse se rendra compte qu'elle a sous-estimé les mérites de son mari. C'est un beau film, beaucoup moins léger que ce qu'en disent les critiques vues sur le site. Comme toujours, il ne se passe pas grand chose en fait : on parle, on travaille, on sort au restaurant ou on va au stade voir du base ball (ou des courses cyclistes sur piste) avec les amis. Ce qui fait toute la saveur du film, c'est évidemment le "retournement de l'épouse". Celui-ci est clairement forcé et peu convaincant : le scénario est défaillant sur ce point. En revanche, la scène de la cuisine qui clôture ces retrouvailes (et donne son nom au film) est tout bonnement exceptionnelle : tant de simplicité arrache les larmes. Au plan formel, on peut noter que si le système Ozu est bien en place, il ya encore des zooms avant et arrière sur les tatamis, qu'à ma connaissance on ne reverra plus par la suite.
Un bol de riz au thé vert et fini les misères !
Réalisé en plein âge d'or de la carrière d'Ozu, c'est l'un de ses films les plus irréguliers mais aussi l'un de ses plus beaux. La première partie reprend de façon presque anthologique les thèmes chers au cinéaste (le mariage arrangé, le conflit des générations, les conséquences de la guerre) et son inimitable veine intimiste (on parle sans cesse de nourriture, on se passionne pour les courses de bicyclette, on s'inquiète déjà, une trentaine d'années avant les jeux vidéo, de l'isolement social auquel peut conduire le pachinko, sorte de flipper local) avec un bonheur pas toujours constant, dans la mesure où certains personnages et certaines conversations suscitent un intérêt moindre. Esthétiquement, le film présente les mêmes caractéristiques que les autres Ozu de cette période, à savoir une volonté d'épurement et de statisme dans l'utilisation de la caméra sans exclure la présence de quelques travellings très étudiés (avec notamment un plan dans un théâtre kabuki quasi identique à celui d'
Été Précoce).
Le Goût du Riz au Thé Vert ne devient réellement formidable que lorsqu'Ozu décide de se focaliser sur les problèmes d'un couple déjà abordés en filigrane au début du film: elle est hautaine et oisive, il est rustre et marié à son travail; elle en dit trop au risque de blesser, il n'en dit pas assez au risque de créer des malentendus. Comment vont-ils s'y prendre ? L'empathie que parvient à nous faire éprouver l'auteur de
Voyage à Tokyo en ces moments-là vaut bien des envolées lyriques à la Douglas Sirk – qui a signé d'époustouflants mélodrames, là n'est pas la question. La scène de cour finale, tendre, espiègle, semblant tout droit sortie d'un Chaplin, nous conforte un peu plus dans l'idée d'avoir vu un Ozu majeur. Une bien belle œuvre on vous dit.