Xavier Chanoine | 1 | D'une platitude consternante |
Bande annonce
Il est parfois désespérant d’avoir affaire à pareil produit dont le matériau de base, à savoir le roman semi-autobiographique de Nosaka Akiyuki (Grave of the Fireflies, 1967), se voit ici adapté sans le regard et recul nécessaires pour accoucher d’une œuvre un minimum intéressante. Personne n’attend réellement quelque chose du niveau du Tombeau des lucioles de Takahata, c’est évident. Mais de là à se retrouver avec un film pratiquement consternant sur toute la longueur, il y avait un sacré pas à franchir. Et ce pas, Hyugaji Taro l’a franchi aisément, sans sourciller.
Suivant à peu de choses près la trame du Tombeau des lucioles de Takahata (je ne m’aventurerai pas à parler du livre que je n’ai pas lu), difficile d’oublier les images déchirantes du drame de ce dernier lorsque la photographie terreuse n’a décidément rien pour elle : d’une platitude consternante, Grave of the Fireflies version 2008 trouve pourtant une espèce de dimension cadavérique et mortifère à de très rares occasions, notamment lors d’un épilogue recouvert d’un épais brouillard emportant tout sur son passage, sous l’unique bon morceau musical du film. Une drôle de sensation contrastant follement avec l’approche beaucoup trop lisse du sujet, des situations et des personnages, qui auraient pu aboutir à de belles choses mais qui s'avèrent finalement relégués au niveau d’un drama inoffensif. Les personnages secondaires sont à peine effleurés le temps de lisser encore plus l’ensemble, tatie n’inquiète plus, Seita a le charisme d’une carpe pêchée depuis 6 jours et sa petite sœur livre une prestation trop mécanique pour convaincre. Caca-culotte, pleurs, maman lui manque. C’est bien ma fille, tu as réussi à faire pleurer celles et ceux qui sont tombés dans le panneau. Le cinéaste et son scénariste optent pourtant pour des choix bien trop niais, à des années lumières de la poésie du film de Takahata : Setsuko, Seita et sa copine d’un temps chantent la même ritournelle lorsqu’ils sont tristes –ou seuls au monde, jouent du piano, confectionnent une quarantaine de petites tombes pour les lucioles qui n’illumineront plus leur chemin. C’est mignon à se damner, mais on n’y croit pas une seconde au vu de la démarche du cinéaste, malhonnête et sans aucune ambition narrative ou formelle. Toute la différence se joue là, en une scène clé, la confection des tombeaux des lucioles était proprement déchirante chez Takahata, tout-juste provoque-t-elle ici un vague étonnement face à la quantité sidérante de tombeaux plantés par un gamin qui tente tout de même de survivre.
Comme quoi l’animation peut donner de bien belles choses si les artisans disposent d’un vrai regard sur le matériau de base. Takahata réussissait à faire pleurer des masses entières de spectateurs avec un trait simple, précis, émouvant. L’absence de regard de Hyugaji Taro n’offre par conséquent aucune profondeur, aucun caractère au récit, les personnages sont alors les premiers à en souffrir. Car passé une première moitié (avant le départ des enfants pour la planque) inutile et brillant par son absence de rythme et ses personnages que l’on oubliera aussi vite, la dernière n’offre de son côté rien de bien intéressant, et pire, se complait dans la mise en scène d’une mort à petit feu de deux gamins dont on se fiche éperdument du sort qui leur est réservé. Aveux terrible de ma part, mais je l’assume avec fermeté : la nullité de leur écriture ne les rend que plus inintéressants, le spectateur s’en détache alors sans gros problèmes, les réduisant à des êtres condamnés à avoir la diarrhée (à défaut d’autre chose), seul petit signe qui annonce leur mort. On ne reviendra pas sur l’interprétation terne voir toute moisie du jeune Yoshitake Reo. Mais à défaut de proposer un projet de mise en scène un minimum consistant, Hyugaji Taro tombe dans la malhonnêteté en faisant mourir la petite Setsuko en hors-champ (seuls les cris de son grand frère annoncent le décès de la petite), la mort d’une enfant n’étant pas ce qu’il y a de plus éclatant à montrer à l’écran, pour finalement montrer son cadavre deux plans plus tard. Dégueulasse. A l’image du navet qu’un film pareil représente.