SF démesurée, suite mesurée
Comme souvent, avec Gunbuster 2 (ou Diebuster) le studio Gainax (Evangelion) nous propose une production "mille feuilles" : un traitement teinté de fan service, d'auto-références à l'oeuvre du studio et de sous-discours sur l'otakisme, le tout dans le cadre d'une SF dense et référencée. Un univers positivement exotique, à l'image de la « Manoeuvre Exotique » que scandent les Topless lorsqu'ils donnent la pleine mesure de leurs capacités de pilotes de Buster Machines. La narration, tout au long des 6 épisodes que compte cette série d'OAV, ne dévoile ainsi que progressivement les tenants et soubassements de l'intrigue, dans une logique allant du simple au complexe, du particulier au général, de l'échelle humaine à l'échelle solaire dans un foisonnement d'idées et d'action « à l'ancienne » (les attaques scandées), comme plus contemporaines (des « bio-mechas à la EVA..).
Produit en 2004 à l'occasion des 20 ans de la Gainax, cette suite du culte premier Gunbuster réalisé par Hideaki ANNO, au-delà des différences de style, entretient finalement des liens bien plus étroits avec la série d'origine que ne le laisse supposer les premiers épisodes. Les spécialistes sauront à coup sûr déceler les indices disséminés dans l'histoire, avant les révélétations finales, et les autres auront intérêt à se regarder le premier Gunbuster s'ils veulent pleinement profiter du fil dramatique qui court entre les 2 productions. On retrouve d'ailleurs le même noyau créatif à l'origine du premier Gunbuster, mais avec une distribution des rôles un peu différente. Ainsi, Hideaki ANNO ne s'occupe t-il cette fois que du storyboard d'un épisode, tout comme une autre figure emblématique du studio, Shinji HIGUCHI passé depuis à la réalisation de films live, alors que les deux cumulaient les postes dans la première série. D'autres rempilent aux mêmes fonctions : Kôhei TANAKA aux musiques avec le thème principal du premier Gunbuster comme leitmotiv, Yoshiyuki SADAMOTO au chara-design et à la direction de l'animation des personnages... Le plus grand changement dans la continuité dans le staff des deux séries reste tout de même la présence de Kazuya TSURUMAKI, qui de fonctions plus « subalternes » dans la première série, hérite pour Gunbuster 2 de la réalisation. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que ce dernier succède à Hideaki ANNO au poste de réalisateur, il avait accédé pour la première fois à cette fonction en 1998 lors de la production de la série Entre elle et lui, lorsqu'ANNO avait quitté la production en cours de route pour différents artistiques. Entre temps, TSURUMAKI a confirmé en réalisant un autre anime culte de Gainax, FLCL.
Gunbuster 2 partage d'ailleurs pas mal de points communs avec FLCL. Outre le scénariste Yoji ENOKIDO et Yoshiyuki SADAMOTO, il y a surtout la présence d'animateurs talentueux comme Sushio (Gurren Lagann) ou Hiroyuki Imaishi (Dead Leaves, Gurren Lagann). Résultat : l'univers, la narration, les designs, le ryhme de Gunbuster 2, ont beaucoup à voir avec celui de FLCL, sans évoquer la qualité de l'animation qui se montre digne de celle d'un long-métrage, dans un style vif et exhubérant, avec une bonne utilisation de la 3D et une intégration maitrisée. Néanmoins, le premier Gunbuster garde pour lui un développement des personnages beaucoup plus consistant quand sa suite repose essentiellement, pour sa teneur dramatique, sur les bases de la première série. Ici, pas de saisissement "métaphysico-exisentiel" et seul le dernier plan, en faisant un raccord clair avec la première série, fait écho à cette émotion. Pour autant, une fois évacuée la "problématique de la suite", l'histoire propose plein de bonnes choses, avec rythme, les coup de théatre succédant aux affrontements toujours plus dantesques, faisant appel à des technologies toujours plus édifiantes.
Si Gunbuster 2 reste donc une oeuvre plus anecdotique, elle n'en propose pas moins beaucoup plus que le gros de la production animée dans le genre : animation de haut vol, univers riche et SF démesurée, mecha-design inventif... Ce n'est pas encore le choc qu'a été la première série, mais la suite préfigure sans aucun doute le choc que sera Gurren Lagann. Et peut-être ne pouvait-il en être autrement. Pour que Gainax réivente - encore une fois - le style mecha, pour que le studio se réinvente lui-même, il fallait sans doute plus qu'un changement dans la continuité dans l'ombre des figures tutélaires du studio. Ce changement, cette rupture qu'est la prise de pouvoir de la nouvelle génération au sein de Gainax, c'est finalement avec Gurren Lagann qu'elle va s'opérer...
Mais il ne faut pas bouder son plaisir, Gunbuster 2, quoi qu'il en soit, fonctionne, et bien.