La démesure comme seule mesure
L'année 2007 semble bien avoir été celle du passage de témoin définitif au sein de Gainax. Alors que la vieille garde s'en allait touiller encore une fois la franchise Evanglion sous la forme de nouveaux films, dans un studio spécialement monté pour l'occasion par le réalisateur Hideaki ANNO, les plus jeunes préféraient quant à eux se concentrer sur leur propre production. Double jack pot pour Gainax, le premier film Eva rencontrant le succès – escompté - en salle, et la série maison Tegen Toppa Gurren Lagann faisant souffler un vend e nouveauté et de renouveau à l'occasion de sa diffusion sur le petit écran. TTGL – allons-y pour l'acronyme affectif – finissait même l'année avec plusieurs prix (Media Arts, Tokyo Anime Fair...) dans sa besace, et différentes itérations plus ou moins commerciales (jeux vidéo, light novel, manga, jouets...) achevaient de lui donner ses premiers airs de « franchise » synonyme de « poule aux oeufs d'or ». même si le phénomène n'est pas du même ordre de grandeur que celui suscité par Eva. La sortie dans les cinémas japonais d'un film tiré de la série en septembre 2008 et le second film courant 2009, sont ainsi autant d'oeufs en or pondu par la poule Gainax, et les qualités des jeunes coq en charge de cette production n'y sont pas pour rien. Il y a d'abord Hiroyuki IMAISHI (Dead Leaves, FLCL, Gunbuster 2) à la réalisation, un animateur au style fort, il y a ensuite un staff qui prend des airs de véritable « who's who », des directeurs de l'animation aux animateurs clés, en passant par les directeurs d'épisodes. Et il y aussi les musiques d'un Taku IWSAKI qui portent complètement la série, une bande son qui à l'image de l'animation de TTGL provoque inévitablement une réaction type « chair de poule ».
Une affirmation : TTGL est une des meilleures séries d'animation de cette première décennie de siècle qui ringardise toutes les autres séries dans le style mécha, Eva compris. Car TTGL ose – designs flashy, dialogues survitaminés, amitiés viriles en pagailles et space opéra démesuré, drames humains, drame cosmique... – tout en faisant simple et direct. L'histoire se situe dans un futur lointain, où ce qu'il reste de l'humanité vit réfugiée sous terre pour se protéger de la menace d'une race humanoïde appelée les « hommes bêtes ». Le jeune Simon, mineur/foreur de son état plutôt doué, trouve un jour un artefact étrange sous la forme d'un petit mecha. Avec son « grand frère » Kamina, ami de son village à la forte personnalité, et la belle Yoko, il va partir à la découverte du monde extérieur puis de l'univers. Qu'y a t-il à la surface ? Que sont ces mechas géants en forme de grosses têtes qui détruisent tout sur leur passage ? Pourquoi l'humanité en est-elle arrivée là...? Autant de questions qui accompagneront Simon de son enfance à l'âge adulte. La naissance d'un héros...
Comme souvent dans les productions Gainax, la série joue sur différents registres, tout en maniant les codes très définis de l'animation mainstream avec maestria, n'hésitant jamais à donner dans le fan service en surface tout en le mettant en perspective en profondeur, et ce sans pour autant négliger le sens du "show". Dans le cas de TTGL, série se rangeant en surface dans la catégorie SF-mecha-shônen, c'est en premier lieu la façon totalement frontale dont le scénario aborde l'éternel thème de la quête initiatique adolescente, fond de commerce de tout shônen digne de ce nom, qui la distingue. Les personnages y sont entiers, consistants, ils aiment, vieillissent, haïssent, trahissent, périssent avec force, énergie et "réalité". Et le tout est mené dans un rythme crescendo, avec une inventivité permanente, des retournements poignant, une intrigue dense pleine de questionnements se prêtant à diverses lectures... Il y a de quoi pérorer sur TTGL. Et puis il y l'impact de l'animation qui tend systématiquement vers des moments de pure énergie, de réèlle libération. Une approche frontale encore une fois, tout comme celle du personnage de Simon qui avec son mecha aux multiples foreuses comme uniques armes, ne cesse de déclarer que sa foreuse percera tous les trous imaginables et lui permettra d'atteindre le ciel... L'enfant devient ainsi homme grâce et à travers sa foreuse. Besoin d'un dessin ? La série en fourmille... Une approche qui fonctionne au premier degré comme au second et qui trouve son prolongement visuel d'une force inouïe dans les combats de mechas, souvent comiques voir loufoques, mais néanmoins "hyper-dramatisés" et de véritables prouesses animées. Des scènes complètement orgasmiques où se déploie tout le talent de l'équipe d'animateurs et qui mettent pleinement en valeur les designs originaux de la série. TTGL réinvente non seulement le genre mécha, mais propulse également HIMAISHI sur une trajectoire orbitale tout en repositionnant dans le sens de la marche un studio Gainax qui se cherchait un nouveau souffle depuis quelques temps déjà.
Une réussite totale qui dans les meilleurs épisodes réussit le tour de force de faire rire aux larmes dans un moment d'action intense, pour immédiatement enchaîner sur une séquence dramatique pleine d'émotion et de panache. TTGL est une série pleine de panache, épique, folle, dynamique, galvanisante, généreuse, honnête, qui n'ennuie jamais, ne laisse pas de temps mort et provoque montées d'adrénaline sur montées d'adrénaline. Le « nekketsu » (littéralement « sang bouillant ») ultime.
Ô Gurren Lagann perceur des mystères de l'Univers, ouvre nous la voie vers l'éternel vérité!
Une folie furieuse, surcharge d'énergie shounen aussi stimulante que fatigante. Voyage initiatique faussement débile, mais toujours trop dans un imaginaire égocentrique. Ici les amis, les ennemis ne servent qu'à pousser le héros à une plus grande décharge d'énergie. Il n'y a qu'une seule méthode pour percer les mystères de l'Univers, ou vaincre ses ennemis, c'est foncer dedans avec le soutien de ses amis, sans trop réfléchir. La fin de la série semble nous faire comprendre qu'au fond tout ce que savait faire le héros, c'était percer des trous. Le dernier acte de celui-ci sera d'apprendre à un gosse qu'il croise dans une rue, comment percer une noix de coco... Pour vaincre l'Univers, ou venir à bout de la carapace de la noix de coco, même combat, même méthode, percer en faisant tourner son outil... Ô mystérieuse spirale, source de toute force lol. Ceci dit un grand coup de couteau pourrait tout autant faire l'affaire... cependant l'arme ultime du robot géant héroïque n'est pas ici la lame d'un sabre, mais une foreuse.
La forme et le fond (avis sans spoiler)
Cette première création du Studio Gainax a eu de quoi m'étonner. "Gurren Lagann" est mené à un train d'enfer et doté de personnages parfois épuisant (Kamina par exemple) mais jamais ennuyant ni réellement irritant. Tout cela grâce à la volonté de raconter une véritable histoire. J'entends par là soigner autant le fond que la forme. Les personnages attachants, les pistes de réflexions peut être pas très originales mais véhiculées par dialogues, symboles et métaphores visuels ainsi que des choix scénaristiques parfois surprenants et plus profond que je ne l'avais envisagé m'amène à placer cette série largement au-dessus du tout venant. Plus le récit avancera, moins l'humour aura sa place jusqu'à quasiment disparaitre au dernier tiers environ. L'aspect purement divertissant est progressivement dantesque, délirant et plus d'une fois connecté directement (concernant l'action) à l'évolution des personnages principaux sans lourdeur narrative. Aucune "fausse note" n'est venu entacher mon plaisir. Il y a bien les lunettes de Kamina, très moches mais bon...
23 février 2020
par
A-b-a