Astec | 2.5 | Hack, le hic ? |
On peut dire de cette série qu’elle a su créer un véritable « buzz » autours de sa diffusion. Conçu comme un vaste projet multimédia, Hack se décline aussi bien en série TV, en OAV, en manga qu’en jeu vidéo. Certes, le concept n’est pas nouveau au Japon et on ne compte plus les titres lancés de cette façon, c'est-à-dire sur plusieurs supports, mais rarement de manière simultanée. Ces derniers sont en effet souvent envisagés, au-delà de leur référent de départ commun, comme des segments respectivement indépendants. Hack innove en voulant faire de chacune de ses déclinaisons un rouage de sa machinerie d’ensemble. Cela ne veut pas dire qu’il faille se farcir l’ensemble de la production liée à la série pour en comprendre les tenants et les aboutissants, chaque produit se suffisant autant à lui-même qu’il apporte un éclairage nouveau à l’univers de Hack... Enfin, ça se présente comme ça sur le papier...
Nous avons donc .Hack//Game, déclinaison ludo-numérique dont le premier épisode est sorti cet été sur PS2, accompagné d’un OAV inédit d’une trentaine de minutes. La suite ne devrait pas tarder à voir le jour toujours sur PS2... Nous avons ensuite le manga .Hack//Dusk, puis la série d’OAV .Hack//Liminality, sans oublier la première saison TV de .Hack//Signe et de sa suite qui sera diffusé début 2003 au Japon. Pour une série d’à peine quelques mois d’existence, cela fait tout de même une quantité impressionnante de déclinaisons dont on est en droit de questionner la pertinence. Malgré tout, la validité commerciale d’une telle approche est confirmée par l’accueil positif des différents produits marqués .Hack. Et Bandaï de se frotter les mains avec leur nouvelle idée de série « tout en un », capitalisant ainsi sur tous les segments liés à l’entertainment made in Japan.
Mais .Hack ne se réduit pas qu’à une brillante idée marketing et il faut lui reconnaître un pitch relativement intriguant à défaut d’être totalement novateur. Il est vrai que le thème de la réalité virtuelle (et du jeu vidéo qui lui est irrémédiablement attaché) est Le sujet de l’animation japonaise de ce début de millénaire, tout comme il l’avait déjà été lors de ces dix dernières années. En ce sens, .Hack n’innove pas en s’inscrivant dans une thématique déjà balisée mais fait preuve d’originalité dans la façon de la mettre en scène, situant quasiment l’ensemble de son action dans l’univers virtuel du RPG massivement online qu’est The World. C’est dans cette « mise en abyme » que le scénario est vraiment malin en titillant non seulement la curiosité du spectateur lambda de par son « concept », mais aussi le grand nombre d’animefan pratiquants coutumiers de jeux vidéo, en particulier des RPG qui en sont la catégorie reine au Japon. On ne voit donc que très rarement les vrais personnages au centre de l’histoire car ce sont à travers leurs avatars numériques qu’ils agissent dans l’univers du jeu. En cherchant à résoudre la nature de l’existence de Tsukasa, personnage qui paraît réellement « vivre » dans le jeu puisqu’il est incapable d’en sortir (il arrive pas à faire « reset » quoi !), c’est la nature même du jeu qui est dès lors questionnée dans son rapport à la réalité. Présenté comme ça on ne peut que penser au scénario de Avalon et ce n’est pas étonnant puisque c’est Ito Kazunori le scénariste au commande des deux œuvres. Reste que la série .Hack//Signe est un peu moins ambitieuse dans ses perspectives « philosophiques » et insiste plutôt sur la dimension sociale (« déficit de communication » comme on dit maintenant) de la thématique du virtuel (en tout cas dans cette première saison) là ou le film de Oshii en dégageait essentiellement la nature existentielle.
Hélas, au bout de quelques épisodes on réalise très vite qu’il y a loin des intentions à la réalité. Toutes ces bonnes idées « sur le papier » se voient en effet non seulement desservies par une mise en scène mollassonne mais également, comme en écho, par une technique défaillante. Si le cœur de l’intrigue est constitué par la quête de l’artefact nommé « Clé du Crépuscule », censé apporter des réponses aussi bien sur la situation de Tsukasa que sur la nature du jeu, plus de la moitié de ces 26 épisodes se résument en diverses palabres axées sur les tourments des uns et des autres, sur leurs raisons d’aider Tsukasa et sur leurs motivations de joueurs. On ne voit ainsi que très rarement ces derniers véritablement jouer, passant le plus clair de leur temps à discuter, notamment au travers de la messagerie électronique associé au jeu, sans que cela ne fasse vraiment avancer l’intrigue ni n’apporte plus de densité à leur caractère. L’idée de mettre en scène la pratique de joueur était intéressante, en particulier du point de vue des japonais qui privilégient plutôt l’aspect communication des jeux massivement en ligne là où les américains, par exemple, mettent en avant le côté action. Ceci est d’autant plus valable lorsque l’on connaît l’engouement des japonais pour tous les gadgets high-tech qui mettent en avant leurs possibilités de télécommunication, ou encore les jeux faisant la part belle aux échanges (Pokemon, Yugioh...). Le « bavardage » dont font preuve les protagonistes/joueurs de .Hack ne serait finalement donc pas si loin de la réalité actuelle des gamers japonais. Dans une certaine mesure nous sommes assez proches du sujet de « l’incommunicabilité de l’être » au centre d’une série comme Lain ou, plus près de nous, de Boogie Bop Phantom pour ne citer que ces dernières. Malheureusement le produit de Bandaï est loin de faire preuve de la même richesse et de la même efficacité dans sa réalisation que ses prédécesseurs, « l’incommunicabilité de l’être » se réduisant trop souvent à une « incommunicabilité de l’intrigue ». Ceci n’empêche pas cette partie de l’anime de nous livrer quelques moments singuliers, comme lorsqu’un joueur se voit obligé de s’absenter quelques instants en pleine partie en délaissant son personnage/avatar devenu aussi raide qu’un pantin : le spectateur, habitué à identifier les personnages à leurs « personnages », est troublé par ce rappel du caractère délétère de la réalité de ce qui lui est proposé. Trop rares, ces moments ne parviennent pour autant pas à rehausser l’intérêt des 15 premiers épisodes qui auraient pu tout aussi bien n’en faire que quatre, tant l’histoire fait du surplace. Ce n’est ainsi que très tard que la série s’accélère un peu mais le mal est déjà fait, l’œuvre n’est définitivement pas à la hauteur de ses prétentions...
Techniquement .Hack ne tire pas complètement son épingle du jeu malgré une apparence plutôt avenante côté visuel. Sans être mauvaise la qualité de l’animation reste tout de même moyenne, les personnages se mouvant trop souvent avec raideur ne sont pas aidés par le manque de dynamisme de la mise en scène : "animation limitée" rime ici rythme limité. Bien entendu, .Hack ne se veut pas une série d’action et souhaite avant tout œuvrer dans le registre de la réflexion et de l'ambiance, mais cela ne dispense pas d’un peu de variation temps à autre, d'effets de contraste. Cette « platitude » du montage dessert les décors typiques des RPG japonais (îles flottantes, donjons...) qui constituent les niveaux de The World et dont certains sont particulièrement réussis. Quant aux thèmes musicaux, s’ils sont dans l’ensemble plutôt agréables, leur omniprésence dans l’anime les rendent vite fatiguant, comme si la musique tentait de combler les nombreux vides de la mise en scène. Tandis que le character design, assuré par le célèbre Sadamoto collaborateur attitré du studio Gainax, il déçoit un peu par un certain manque d’imagination, à l’image de celui de Bear ou de Mimaru (sans parler du design des Scarlet Knights, les modérateurs du jeu) qui sont tout juste digne d’un cosplay de milieu de tableau. A côté de cela il reste de très belles choses au niveau graphique, comme le personnage de Subaru ou l’énigmatique personnage félin qui paraît lié à Tsukasa.
Série définitivement moyenne, .Hack à tout de même rencontré le succès escompté lors de sa diffusion, tout comme le reste de la gamme des produits liés au projet. La raison en est probablement à chercher, avant tout, dans la présentation très tendance qui met la série « en phase » avec les préoccupations et les goût d’une bonne partie de la jeunesse japonaise. Avec le lancement orchestré de l’anime et du jeu qui plus est, Bandaï a réussit à faire prendre la mayonnaise ou à créer une bonne « synergie » comme le dirait les gens du marketing. Quant à la présence dans le staff de Ito Kazunori, Yoshiyuki Sadamoto et d’un Kajiura Yuki sortant tout juste de son succès de Noir, la déception peut être de mise à la fin des 26 épisodes. Sans préjuger de la qualité de la suite de la série ainsi que de celles des autres produits estampillés .Hack, il reste tout de même une impression d’inconsistance persistante qui tend à faire douter de la valeur de l’ensemble du projet...