Babylone Babies
Avec Hanging Garden, Toyoda Toshiaki offre un film qui gagne en maîtrise par rapport à Blue Spring et Nine Souls ce qu'il perd en rock'n'roll attitude.
Les vélléités de rock'n'roll attitude de ses fictions précédentes sont cette fois laissées au vestiaire de même que l'utilisation du rock qui leur donnait quelques moments de grâce. Après des groupes d'étudiants et d'évadés, Toyoda offre ici le portrait d'une famille japonaise dont la "perfection" n'existe qu'en façade: on est censé tout s'y dire, ne jamais s'y mentir... Ce concept de départ gros comme une maison, le script éclaté du film le tient pourtant d'un bout à l'autre, partant de la chronique familiale douce-amère mille fois vue dans le cinéma japonais pour mieux la passer au vitriol. Le jardin suspendu du film renvoie ainsi selon Toyoda aussi bien à Babylone qu'à un Japon "sans racines". Derrière leur apparence de "famille parfaite" que Eriko voudrait maintenir coûte que coûte, cette cellule familiale est aussi éclatée que la narration d'un film basculant par moments dans le grotesque avec ses personnages.
Et la mise en scène de Toyoda contribue à démasquer le malaise derrière une apparence lisse. Toyoda fait ressentir le dérèglement au travers de cadrages penchés, de mouvements de caméra en hélice, de plans subjectifs de scènes cadrées à l'envers ou de mouvements de caméra en balancier. La récurrence de certains parti pris sombre parfois dans le tic de mise en scène et certaines des solutions formelles mentionnées n'évitent pas le clinquant mais ces scories formelles sont bien moins fréquentes que dans ses deux films précédents. Mais si le jeu de massacre parsemé de touches de drôlerie de Toyoda n'épargne personne (y compris une mère qui pourrait bien être la plus dérangée de la famille) son regard sur cette famille est très distant, sans réelle empathie pour ses personnages.
Il manque du coup au film la dimension d'humanité présente dans d'autres portraits de famille japonaise et qui l'était aussi par moments dans le portrait du groupe d'évadés de Nine Souls. Quelques "hasards et coïncidences" narrativements artificiels font aussi partie des défauts empêchant le film d'être une réussite majeure. Mais à l'échelle du cinéma de Toyoda Hanging Garden incarne une prise de risques réussie. Il pourrait même représenter une étape décisive de son travail de cinéaste. A suivre...
Visuellement un peu loufoque, mais bien écrit
La famille Kobayashi est dirigée suivant une règle simple : "on ne se cache rien, on se dit tout". Instaurée par la mère de famille, cette règle est le socle de leur bonheur, et doit être préservée à tout prix pour assurer la paix dans la famille. D'ailleurs, Eriko, la mère, semble vraiment heureuse, sourit tout le temps, de même que toute la famille lors du petit-déjeuner avant d'aller au travail, ou à l'école. Mais très vite, l'on sent que la règle est bafouée par les trois autres membres : Mana ne va plus à l'école depuis un moment, Ko est tellement renfermé qu'il n'a plus de vie sociale, et Takashi, le père, a ses maitresse régulières. Mais tout ceci va exploser avec l'arrivée de deux personnes qui vont chahuter les secrets et leur faire refaire surface. D'abord Mina, une des maîtresses de Takashi, qui devient également la prof particulière de Ko et est donc invitée dans la maison pour dîner un soir, et la grand-mère qui, selon les souvenirs de la mère, l'a traumatisée à vie et est la raison de la règle de vérité qui régie la vie familiale. La métaphore des Jardins Suspendus est ici assez difficile à cerner. Outre la référence visuelle de l'appartement et des jardins en terasse, Hanging Garden a l'air de se pencher sur le sort de la femme, déracinée de son environnement familiale, qui se crée un paradis artificiel à travers une nouvelle famille et de nouvelles règles de vie. Mais au final, cette famille qui parait si parfaite, n'est que l'une des familles éclatée cherchant à sauver les apparences. Lorsque les événements commencent à tourner mal, Toyoda se lance dans une mise en scène un peu lourde, faisant tanguer la caméra comme un bateau à la dérive, jusqu'à le faire chavirer. Au final, une histoire très intéressante sur les problèmes familiaux et une métaphore pas spécialement très réussie dans le sens où elle est très sujette à interprétation. Néanmois, bon jeux des acteurs, et surtout une confrontation jouissive entre la maitresse et la grand-mère.
Sur un sujet vieux comme Ozu, Toyoda Toshiaki ne nous offre pas grand chose de neuf si ce n'est une mise en scène lorgnant souvent dans un m'as-tu vu dénué de toute subtilité (n'est pas Suwa qui veut), pas réhaussée par un montage indécis (allant du banal à la copie des grands créateurs de durée asiatiques). Le style aujourd'hui connu du cinéaste, s'accordant mieux aux loosers dépeints dans ses oeuvres de début de carrière, ne trouve pas ici écho dans un quotidien familial poussif et archetypé. Restent des qualités (lumière, acteurs, ...) rendant le film regardable et au-dessus de beaucoup d'autres productions japonaises actuelles.
himinitsu
"Dans notre famille, y a pas de tabou, pas de secret, c'est pour ça qu'on est si heureux." C'est pour ça qu'ils ont l'air si heureux, même s'ils ont tous leurs petits secrets...
Ca on l'a compris un peu dès le premier quart d'heure, et le film ira rarement plus loin que fustiger l'hypocrisie mal caché derrière le verni de l'ouverture d'esprit. Du coup, le film tourne un peu à vide. Et comme - même si on y trouve quelques idées - le réalisateur est amateur (au sein d'une réalisation pourtant classique) de panoramiques azimuthaux qui foutent la gerbe et autres bling bling de mise en scène pas hyper heureux, on se dit que, voilà, on peut s'en passer.