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Haru tono tabi
les avis de Cinemasie
1 critiques: 3.75/5
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5 critiques: 2.6/5
Promenade de santé
Ah, Kobayashi. Une véritable histoire d'amour et de haine entre lui et moi. J'avais fait l'impasse sur The Rebirth à Locarno en 2007 après avoir entendu tout mon entourage le qualifier de « film chiant », ce qui a quand même de quoi calmer. Le seul film en compétition cette année-là que j'avais loupé, et évidemment quelques jours après il fut primé du Pardo d'Oro. Deux ans plus tard, Kobayashi était de retour au même festival avec Wakaranai, qui m'a plutôt exaspéré dans ses tentatives de cinéma auteurisant pour festivals.
Mais malgré ces mauvaises expériences, et sans rien savoir de ce Haru's Journey, j'étais déjà parti avec un bon pressentiment, et même une certaine attente durant toute la semaine passée à Vesoul. Et son petit concert qui a suivi la projection fut d'autant plus appréciable pour moi qu'il célébrait enfin ma réconciliation avec ce cinéaste. Il m'a directement conquis dès lors que j'ai réalisé que ce visage de vieillard ne m'était pas inconnu, et qu'il ressemblait même à ce monstre sacré du cinéma japonais que je vénère : Nakadai Tatsuya !
Hara Kiri, la Condition de l'Homme, Goyokin, Kwaidan, le Sabre du Mal, et tant d'autres ! Une véritable collection de chefs-d'œuvre dont il partageait les mérites. Le retrouver dans un rôle principal, affaibli, avec un visage aux traits fatigués, bien que reconnaissable entre mille, a eu sur moi un effet incroyable. Cet acteur saisit le regard. D'une simple déglutition ou tremblement du rictus, il transmet bien plus d'émotions que des inutiles effusions de sanglots telles qu'on en trouve plus tard dans le film. Sa posture en tant qu'acteur prend presque le pas sur son personnage, de la même manière que Clint Eastwood apportait un sens particulier à Gran Torino grâce à son passé cinématographique. Ici, Nakadai Tatsuya, ce rônin solitaire, doit s'en remettre aux autres pour pouvoir survivre, où se résoudre à perdre tout honneur en en allant en maison de retraite.
Les recettes de ce road-movie de boiteux (Haru a une démarche tout aussi saccadée que son grand-père) sont finalement extrêmement simples et il ne faut attendre que la dernière demi-heure pour voir un peu de surprise. Mais ça fonctionne. Chaque frère ou sœur reflète l'égoïsme du frère aîné qui ne s'est jamais inquiété pour personne, malgré le destin pas franchement brillant de certains d'entre eux.
Quand le voyage semble venir à son terme, c'est alors à Haru de vouloir profiter de l'occasion pour rendre elle aussi une visite à une personne qui lui est proche. Un moment inattendu qui apporte beaucoup, voire même trop, de révélations dont on ne sait que faire. Le début est un modèle du genre, simple, efficace, et directement au début de l'action, au moment-même où le grand-père claque la porte de sa maison derrière lui. Durant un bon quart d'heure, on suit ce couple étrange en voyage sans en connaître le but, les raisons, ni même le lien exact entre eux. Cette économie d'informations fait la force du film, et est donc sacrifiée sur la fin par une overdose de confessions et de souvenirs qui ne semblent avoir pour but que de tirer quelques larmes supplémentaires dans le public.
Et ce n'est pas le seul problème avec cette fin. On sent vraiment que Kobayashi ne savait pas à quel moment mettre un terme à son histoire, et à plusieurs reprises, lors des dernières scènes, on s'attend à voir un fondu au noir suivi du générique. Durant les dernières minutes, cela ressemble même à de l'acharnement ou à des prolongations. Et c'est vraiment dommage, car, selon moi, la fin idéale se trouvait quelques minutes auparavant, lors d'un vrai moment de complicité entre les deux personnages.
Le mieux est l'ennemi du bien, dommage pour cette fois, mais au moins Kobayashi aura réussi à regagner mon intérêt.
La ballade de l'un, possible
"Haru's Journey" marque la continuation de l'œuvre de Kobayashi avec des films tels que "Rebirth" ou le récent "Where are you", où il traitait déjà de ses problèmes personnels avec un fils, qu'il n'a jamais connu suite à la séparation avec sa première femme ou son difficile rapport avec son propre père…à la différence, que cette fois, il a reçu l'appui financier de la Toei pour financer ce road-trip entièrement pensé pour un nouveau public revenant en nombre dans les salles obscures: les retraités…Et c'est ainsi, que cette nouvelle tentative de confier des projets plutôt commerciaux à des réalisateurs plutôt indépendants (comme les derniers Miike ou le "Cobalt Blue" de Nakagawa) se soit soldé par un très grand succès…uniquement rendu possible par un public plutôt très mature venu en nombre voir ce film.
Un fait d'autant plus curieux, que le projet était à l'origine pensé comme un autre film indépendant. En fait, le scénario a été inspiré à Kobayashi, quand il a dû précipitamment rentrer au Japon à la mort de son père, alors qu'il se rendait au Festival Asiatique de Vesoul. Durant le voyage de retour, il a écrit la première ébauche de ce scénario, qui imaginait Kobayashi à la place de Haru à accompagner son propre père pour trouver une dernière résidence adéquate; d'ailleurs le film est entièrement dédié aux directeurs du festival de Vesoul pour ne pas avoir su honorer de sa présence lors de sa première invitation.
"Haru's Journey" porte la patte de son réalisateur, mais malheureusement une patte largement graissée par les moyens plus conséquents et des impératifs plus économiques…Alors que les films du réalisateurs (que l'on aime ou non) marchent sur le non-dit, tout est ici appliqué en grosses couches explicatives, par des mots, des inserts ou une bande-son envahissante, dictant au spectateur quand pleurer ou non. Fini aussi, les fins largement ouvertes pour permettre au spectateur de s'imaginer sa propre suite de l'histoire…ici, on assiste même à une véritable cascade de fins possibles pour ne surtout rien laisser au hasard et donner à chacun de piocher dans ce qui lui plaira au plus. Ca perlera peut-être à un "grand public", en même temps, je suis plutôt partisan à ne pas prendre les gens trop pour des moutons…ce qui est loin d'être le cas ici.
Reste quelques moments magiques rendus possibles par le jeu inspiré de la plupart des comédiens et la réalisation toujours aussi malicieuse de Kobayashi comme cette découverte d'un terrain vague en lieu et en place de l'ancien immeuble de l'un de frères du protagonistes avec le reflet des nouveaux hauts immeubles dans l'une des rares maisons encore debout dans le même quartier. Une page est définitivement en train de se tourner, dans le quotidien des japonais, comme dans l'industrie cinématographique nippon actuel.
PS: Le film, comme le précédent film de Kobayashi, "Where are you going", a été essentiellement tourné dans la région du Nord-est du pays, où Kobayashi disposait d'un pied-à-terre et de nombreux amis. Suite au tremblement de terre, il n'en reste quasiment rien de tous ces endroits et la pupart des amis figurants sont portés disparus. Le coup du destin, qui donne un ton un tout petit peu différent à la lecture de ce film, comme - sans oute - de beaucoup d'autres films japonais à (re)découvrir d'avant le terrible séisme.