L'effet d'une bombe
"Hiroshima 28" est sans aucun doute le projet le plus ambitieux de Kong. Après une série de films plutôt commerciaux, le réalisateur connaît un sérieux coup de fatigue. Trader le jour, il prépare tous ses projets la nuit – sauf que l'âge avançant, son corps et son esprit sont mis à rude épreuve et il finit par tomber malade. C'est là, qu'il décide de tourner un projet vraiment personnel et de dire toutes les choses qu'il a toujours laissé entrapercevoir dans tous ses films sans franchement aller jusqu'au bout.
C'est le début des années 1970, la fin des années 1960 contestataires a laissé des profondes traces dans le cœur des gens et la guerre froide entre Etats-Unis et la Russie laisse à nouveau planer l'ombre d'une possible menace nucléaire.
C'est donc Kong, le moralisateur, qui parle, en imaginant un bon gros mélodrame de derrière les fagots avec une femme atteinte de leucémie et son aspirant mentalement retardé, qui souffre en silence…sauf que l'intrigue se passe au Japon, à Hiroshima exactement, à la date d'anniversaire commémorative des 28 ans depuis le largage de la fameuse bombe H et que si les personnages principaux colportent des telles tares, c'est qu'ils souffrent des affreux effets secondaires dus à la bombe.
Il faut un certain temps d'acclimatation pour accepter, que ce soit un casting 100 % hongkongais, qui endosse la défroque de la famille japonaise et à ne pas remarquer les nombreux panneaux de signalisation hongkongais. Kong est parti en équipe réduite tourner quelques séquences au Japon (dont l'impressionnante scène commémorative, un grand moment d'émotion pure); mais le gros a été tourné à Hong Kong; mais comme dans les précédentes productions du réalisateur, il faut regarder au-delà des apparences pour se laisser imprégner par ses messages plus profonds. Et c'est ainsi que 15 ans avant le polémiste Imamura, Kong ose affirmer, que si les japonais ont dû subir la bombe H, c'est en partie de leur propre faute…Une affirmation par rapport à un sujet hautement tabou, qui est une véritable bombe en soi et qui trouve son aboutissement dans une séquence finale apocalyptique, où un homme commet seppuku au nom de sa propre nation japonaise. Un pamphlet politique d'une très, très rare force et intelligence.