Passons sur le flingage des USA : succinct, à peine plus poussé qu’une critique des vilains scientifiques dans E.T ou autre The Blob (1988), sauf dans l’introduction, brève mais magistrale, où l’on voit un américain demander à un sud-coréen de faire une bêtise. Et le sud-coréen de s’exécuter malgré sa réticence manifeste. Cette approche et son traitement – qui évoquent l’ironie d’un Dr Folamour – synthétisent bien une certaine vision des relations ambiguës entre ces deux pays. Par-delà cette critique, qui plaira à beaucoup parce qu’elle justifie ainsi un attrait pour un (honte sur eux!) blockbuster, rarement un mélange d’humour et de sérieux aura aussi bien été dosé dans un film. Là où, d’habitude, ce type de cocktail débouche systématiquement sur des bisseries trop décalées, The Host arrive à tout obtenir – tout -, prenant des risques énormes tout en s’amusant à intégrer un autre cocktail, Molotov cette fois, pour tenter de zigouiller la sale bestiole.
Le film ose beaucoup. Il fallait oser créer une créature aussi loufoque qu’effrayante, à l’image du film. Il fallait oser la laisser se balader sans que personne ne la recherche vraiment, en dehors de notre famille « héroïque ». Il fallait oser montrer cette même famille, en larme après la disparition de la petite dernière, en faire à ce point des tonnes dans la crise d’hystérie que le drame, gênant, finit par glisser progressivement vers un passage grotesque et risible à priori aussi inconvenant qu’inconcevable. A priori seulement, car les personnages n’en deviennent pas pour autant ridicules ni même antipathiques. Ces excès, plus proches de la réalité qu’on ne pourrait le croire(1), restent éloignés d’une norme comportementale relayée depuis X années par le cinéma, et aussi par la TV, norme retranscrite telle quelle dans le monde réel, forçant un peu tout le monde à devenir acteur au quotidien pour coller à ces standards. Ô miracle, les personnages, tous interprétés par des acteurs « monstrueux », gagnent à être différents de ce formatage imposé, gagnent à revêtir des défauts rédhibitoires pour certains, gagnent enfin à être eux-mêmes, cassant ainsi complètement la notion même de « perdant »(2), le faux perdant (grandiose!) du film restant l'immature Gang-du, incarné avec force par un Song Kang-ho nous dévoilant ici ses talents d’acteur de – bonne - composition. La culture manga du réalisateur ressort alors autour de ce drôle de bonhomme. On reconnaît là quelques gimmicks typiques, la progression de son personnage collant grosso modo au concept même du shônen/Nekketsu(3). Ca faisait un bail qu’on ne s’était senti aussi impliqué par le sort d'autant de personnages.
On a longtemps jasé - à tort et à travers - sur les nouveaux « Spielbergs » ; qu’il s’agisse de Tsui Hark – filiation largement galvaudée depuis -, de Stephen Sommers (huh ?) ou, pourquoi pas, de Gore Verbinski (agah ?), mais Bong Joon-Ho, lui, correspond largement au profil. A la fois par la vigueur de sa mise en scène, très proche de l’ampleur celle du réalisateur d’Indiana Jones, mais aussi par ses prises de risques, insouciantes et jeunes, ainsi que par sa propension à vouloir absolument donner ses lettres de noblesse au divertissement haut de gamme. The Host est un chef d’œuvre du genre, égalant en qualité les indétrônable Dents de la mer du maître – référence avouée ici -, ceci étant balancé sans « l’extase de l’instant » du cinémasien s’emballant un peu trop vite après s’être mangé une baffe de pseudopode. L’engouement général est plus que mérité.
(1) Bong Joon-Ho: « Les situations les plus désastreuses ont toujours des aspects tragiques et comiques ». (interview revue de presse).
Vu la rumeur depuis Cannes annonçant un film monumental et surprenant, on pouvait s'attendait à un spectacle fabuleux. Et d'ailleurs, on ne se sent pas volé à la sortie. Il y a en effet beaucoup de surprises, et pour ceux qui, comme moi, pensaient voir un film plus orienté suspense, avec un certains mystère entourant le monstre, c'est assez déroutant dès le début de voir la bête en gros plan courrir au travers de la foule. The Host s'oriente donc plus dans le style ''chasse au monstre'' à la Godzilla qu'en ''chasse à l'homme'' à la Alien. Bong Joon-Ho s'offre en plus le luxe d'apporter quelques touches d'humour bien placées au milieu d'événements qui sont sommes toutes plutôt tragiques. De ce point de vue, on évite le bon ton toujours présent dans les grosses productions pour une optique plus dramatique (il n'y a qu'à voir la fin qui en laisse un peu gros sur le coeur, sans vouloir gâcher le résultat). Cela n'empêche tout de même pas de gros clichés, comme les éléments se voulant effrayant, mais qui se révèlent très téléphonés. Enfin ce n'est pas si c'était réellement gênant.
Quelque chose d'un peu plus agaçant et un peu trop récurrent dans les films coréens, c'est de montrer qu'un gros problème vient toujours d'un élément étranger, et tant qu'à faire américain. Certes les américains sont loin d'être des modèles en matière d'écologie, mais je ne vois pas l'intérêt d'en remettre nécessairement une couche ici. A part ca, d'un point de vue technique, la compagnie américaine Orphange, qui s'est occupé de la bête, a plutôt fait du bon boulot. Même si les mouvements ne sont pas aussi fluides que le Godzilla d'Emerich, elle est graphiquement très bien réalisée et bien pensée. On regrette juste le flou dans sa dernière scène mais encore une fois, cela ne gâche en rien la qualité de la scène en question.
Finalement, on se retrouve face à un très bon divertissement, avec quelques clichés habituels dans un blockbusters mais aussi apportant quelques surprises bienvenues.
Dans la série "J'arrive après la bataille", voici donc mon humble avis sur ce film que tout le monde a déjà vu au cinéma :-) A la lecture des critiques dithyrambiques, je m'attendais bien sûr à une claque, à une démonstration, à un tour de force ; même Ordell avait mis 4, à un film coréen !
Donc voilà, j'ai sans doute du manquer quelque chose, parce que là je comprends pas : ce Host fut pour moi 2 heures d'ennui intégral, d'anti-américanisme primaire (cf. MLF), de sourires polis devant les quelques gags qui parsèment les 20 premières minutes, puis de gêne véritable durant tout le reste d'un film qui ne trouve jamais son rythme et ne fait bien sûr jamais monter la tension, tant l'ironie était de mise dès le départ. Ajoutons à cela une famille de débiles légers parfaitement insupprtables pour laquelle tout ce qui peut bien lui arriver nous est totalement égal, et le tour est joué : une grosse envie de balançage de DVD par la porte-fenêtre...
Dans un frigo, une sorte de médecin légiste –probablement- américain ordonne à son adjoint coréen de vider les bouteilles de Méthanol dans l’évier. Quelques années plus tard, un pécheur voit une drôle de petite bête dans le fleuve Han. Plus tard encore, un homme va se jeter dans le fleuve du haut d’un pont et y voit une drôle d’ombre noire. En 2006, à la belle saison, l’hôte du fleuve Han déboule au milieu d’une foule de gens venus pique-niquer, faisant un massacre.
The Host fait parler, et couler de l’encre. La chose la plus intéressante est le consensus autour du film : tout le monde en dit la même chose. C’est un fait plutôt amusant pour un film qui semble s’attaquer à la pensée unique, au discours unique (le père dit à son fils : si le gouvernement te dit que c’est comme ça, c’est que c’est comme ça). Un film qui semble critiquer le discours unique, pensée unique engendre à son sujet un discours unique, une pensée unique. Ainsi, je vais moi aussi tenter de rentrer dans le moule et répéter ce que d’autres ont dit avant moi et que d’autres répèteront après moi.
Le film est sans concession à l’égard des américains. C’est avant tout un américain qui est à l’origine de la mutation que déclenche –selon ce que la construction du film nous incite à penser- le méthanol. C’est aussi le soldat qui délaisse instantanément sa copine coréenne pour plonger dans la bagarre. Il veut visiblement –et avec insistance- en découdre avec le monstre. On retrouve aussi le rapportage journalistique qui diffuse continuellement les commentaires que font des représentants américains sur le gouvernement coréen et son inaptitude à gérer la situation. Le dispositif se présente comme parfaitement légitime, la Corée n’est qu’un sous-fifre des américains, un groupe d’éclaireur devant répondre de ses actes devant son supérieur.
La caricature extrême se trouve représenté avec le scientifique qui rappel en tout point le médecin légiste du début et qui est lui-même accompagné par un adjoint coréen. Manipulateur, vicieux, menteur. L’Américain est définitivement un sale con finit qui bénéficie en plus d’une logique absurde et d’un délie de sale gueule.
Les Coréens, sur l’aspect critique, ne sont pas en reste. Bong Joon ho s’attaque à leur docilité. Ils obéissent sans réfléchir au moindre ordre. « Fais ce qu’on te dit » commence par dire le père à son fils. Puis il lui dit quand même : « si on te demande, ne dis pas ça ». Mais le fils, un lobotomisé fini, répond malgré tout, docilement à tout ce qu’on lui demande. Il n’agit pas différemment de l’adjoint du médecin légiste qui, bien que sachant pertinemment le mal que risque d’engendrer la toxine sur l’environnement, vide tout de même chaque bouteille jusqu’à la dernière goutte. Le discours unique -les informations sont toujours données par le même personnage à la télévision-, la pensée unique –comme quand le père dit à son fils que si on lui dit qu’il est malade, c’est qu’il est malade-.
La question de l’impact du produit sur le fleuve est d’ailleurs, au-delà de l’écologie, d’un symbolisme assez évident : le fleuve à donner son nom au pays Hanguk, le pays de Han. La Grande est belle Corée (Deyhanminguk) porte en elle une toxine qui a été déversé probablement vers 1953. Cette toxine est sombre et sait jouer de sa couleur pour se camoufler. Cependant, elle reste bien visible vivant au cœur même de la capitale (Itaewon ?) Et sa présence a fait quantité de victimes, de morts parmi le peuple coréen. Le scientifique nous le dit très clairement : il n’y avait aucun virus dans le corps du soldat américain. S’il y a un virus il ne peut être qu’ici. Et le scientifique montre du doigt le crâne de notre héros benêt. Le virus, le mal originaire vient de la présence américaine en Corée, comme du méthanol dans le fleuve. La dégénérescence est en partie associée à l’endoctrinement. Le virus a atteint le cerveau, son indépendance, sa faculté de penser. Le cerveau est endormi.
Comme tout le monde, je dois dire qu’il y aurait beaucoup à dire en ce sens, que chaque idée pourrait être travaillée, développée. Comme tout le monde je dirais qu’il s’agit d’une comédie relevant du burlesque, un comique d’action plus que de situation. Comme tout le monde, je donnerais comme exemple tous ces personnages qui trébuchent tout le long du film, du héros jusqu’au monstre lui-même en passant par ce fier représentant en combinaison jaune. Ou encore le lancé de cocktail Molotov…..
Comme tout le monde…. Mais pourquoi dit-on à ce point tous la même chose et de manière si précise ? Au fond, la première caractéristique de The Host est son manque absolu de subtilité, de finesse. Qu’arrive t-il quand un mammouth traverse un poulailler ? Tout dans The Host est voyant, criant du discours caricaturé pour être sûr que tout le monde le voit, aux personnages stéréotypés au maximum jusqu’à l’humour gras, brutal, à la mécanique mille fois utilisées et le plus souvent complètement téléphoné C’est par exemple le cas avec la sœur qui perd le tournoi de tire à l’arc parce qu’elle est trop lente. Il est, à ce moment du film évident qu’elle ne sera pas trop lente à la fin du film et qu’elle touchera sa cible comme il se doit. Sa lenteur annonce également l’un des gags visuels les plus réussit lorsqu’on la voit armer son arc dans une image au ralenti et que le monstre la charge. L’arrivée du monstre dans l’image rend à l’image son rythme d’origine et la sœur vole comme une quille de bowling.
Bref, après l’excellent souvenir que m’avait laissé Memories of Murder, je ne peux qu’être déçu de The Host. Si j’avais un tant soit peu d’enthousiasme en sortant de la salle, celui-ci avait disparu avant que je ne sorte du métro. Au réveil, il ne me reste que la satisfaction de ne pas avoir payé ma place.
Après le succès public (en Corée) et d'estime (en Occident) de Memories of Murder, c'est peu dire que The Host était très attendu (au tournant). Nanti de moyens financiers plus conséquents, Bong Joon-Ho ne déçoit pas avec une intrusion dans le kaiju eiga l'imposant comme le véritable chef de file du cinéma populaire coréen actuel.
Soif de tragi-comique, goût du grotesque, culture manga et citations cinéphiles dans le rétroviseur, soif de virtuosité formelle: le programme de cinéma de The Host avait déjà été mis en oeuvre par d'autres cinéastes de la jeune garde apparue dans la foulée du boom de l'industrie cinématographique locale. Mais jamais de façon aussi convaincante. Encore plus sur la corde raide que Memories of Murder, The Host joue ainsi en permanence la si asiatique carte du mélange des genres. Ainsi que celle d'une véritable Korean touch avec ses ruptures de tons brusques à l'intérieur d'une scène. Ruptures de tons négociées sans sombrer dans le bancal parce que Bong Joon-Ho n'appuie jamais trop ses effets. Un montage n'hésitant pas à faire par moments ressentir la durée n'est pas non plus pour rien dans cette réussite. Le travail sur la cadre sent quant à lui l'influence de la mangaphilie du cinéaste sans jamais non plus sombrer dans la surstylisation. Influence manga qu'on retrouve dans la caractérisation des héros du film.
The Host n'est pas thématiquement aussi ambitieux que son prédécesseur mais il fonctionne très bien comme pur blockbuster. La machine à entertainment fait ainsi feu de tout bois et ridiculise aussi bien l'occupant américain que les réactions risibles des Coréens au monstre et au cirque médiatique l'accompagnant. Malgré des clins d'oeil à l'histoire coréenne et à l'actualité locale, le pitch n'est qu'un prétexte à divertir, prétexte tout aussi acceptable qu'il l'était pour les meilleurs blockbusters d'action hollywoodiens. Et Bong de déployer de façon convaincante références cinéphiles (le kaiju eiga, Spielberg, Kubrick entre autres...) et jeu sur les codes des genres abordés. Sans jamais non plus que Bong Joon-Ho fasse preuve d'une distance cynique vis à vis de ses personnages, piège dans lequel tombe parfois le cinéma coréen. Mentionnons également un bel usage de percussions coréennes lors des scènes d'action, des passages musicaux sous influence Bregovic bien digérée et un casting (Song Kang-Ho, Bae Du-Na, Park Hae-Il) débordant d'énergie. L'art du plan séquence du cinéaste offre enfin au film quelques grands moments d'action.
Vrai art du divertissement à l'asiatique et sens du spectaculaire n'ayant rien à envier au grand frère hollywoodien se retrouvent réunis dans The Host. L'équilibre fragile du film est néanmoins rompu par quelques petits ratés. En cherchant le feu d'artifice permanent, Bong Joon-Ho sombre ainsi parfois dans la facilité avec l'artifice formel de la caméra à l'épaule pour créer de la tension dans une scène, la torture transformée en gros gag ou encore l'usage du faux raccord pour produire un effet comique. Recettes pour la plupart trop vues dans le mainstream coréen actuel... Et à mi-parcours la belle mécanique du film s'enraye en même temps que sa narration se disperse avant de repartir crescendo jusqu'à la fin.
The Host réussit donc à courir (presque) tous les lièvres à la fois. Malgré quelques ratés, il impose son auteur comme une des figures de premier plan du cinéma de genre asiatique actuel dans un contexte où ce dernier peine à dégager des réussites majeures comparables à celles offertes par HK et le Japon en d'autres temps. Pas un mince exploit...
Ca faisait longtemps. Trop longtemps peut être. A quand remonte votre dernière baffe ciné? La mienne est fraîche d'aujourd'hui avec cet extraordinaire The Host, aux ambitions gigantesques dans la mesure où il détourne les codes de la simple satire sociale en y apportant un déluge d'idées à la minute, de la petite étincelle qui raviverait le feu du cinéma de genre trop longtemps oublié au pétaradant feux d'artifice final nous renvoyant illico sur Terre, oui, The Host est bel et bien terminé et l'on peut reprendre -hélas- une activité normale en sortant de la salle. On appréhenderait presque le retour à notre quotidien tant l'expérience fut mémorable.
Le chef d'oeuvre de Bong Joon-Ho est un sidérant melting-pot de genres, passant de la comédie loufoque au survival-horror, du suspense intenable au polar, de la SF à l'expérimental, de l'aventure au drame, l'ensemble couvrant une critique sociale assez féroce. Rarement l'ensemble n'aura été aussi bon et aussi parfaitement agencé de telle sorte à ce qu'un genre n'en dépasse un autre, tout en évitant de tomber dans le démonstratif lourdingue. On sait très bien que le cinéaste veut pointer du doigt l'occupation américaine et leur naïveté au niveau des expériences chimiques; c'est pourquoi il saisit l'occasion avec The Host et son animal mutant prétexte à la satire. Contrairement à ce que laissait présager l'honteuse bande-annonce, la créature n'est pas l'élément principal du film. Il y a cette image d'un père désabusé (incarné par l'acteur multi facettes Song Kang-Ho, extraordinaire) vivant dans la pauvreté totale, il y a ces coréens dégradant l'environnement (les jets de canettes et autres détritus dans le lac Han), mais aussi ces scientifiques américains qui déversent du formole dans les eaux du pays, sans se soucier des problèmes potentiels que cela peut engendrer. On peut encore continuer sur les problèmes sociaux pointés par Bong Joon-Ho, on en aurait pour la nuit.
Les "héros" de The Host sont tous des tâches. Hie-Bong est un vieil homme naïf et utopique, Kand-Du est un père de famille plus occupé à dormir qu'autre chose, Nam-Il est alcoolique et Nam-Ju (Bae Du-na méconnaissable) est l'incarnation de la rêveuse. Dans cette affaire, il n'y a que la petite gamine Hyun-Seo incarnée par une étonnante et très touchante Ko Ah-Seong qui se révèle être la plus tenace et perspicace malgré son jeune âge. Pourtant malgré leurs énormes défauts, chacun va faire tout son possible pour d'un côté tuer la bête, et de l'autre s'en échapper. Cette série B est alors transfigurée par une interprétation extraordinaire, faites de nuances. On passe du rire (les vingt premières minutes étouffantes et paradoxalement amusantes) aux larmes (on ne compte plus les moments difficiles) à la vitesse de l'éclair, c'est pourquoi malgré son caractère évidemment Bis, The Host ne mérite pas cette appellation facile et caricaturale. Ou alors du Bis de luxe, une série B dopée. Oui, il en existe beaucoup des réalisateurs de cinéma de genre (John Carpenter, au pif) qui peuvent faire des miracles avec trois fois rien, ça s'appelle le talent et l'inspiration. Et ce ne sont pas les SFX que l'on retiendra (équipe de Peter Jackson certes, mais le travail n'est pas miraculeux), mais bien cette satire amère jusqu'à en donner la nausée qui mettra tout le monde d'accord, dans un plan final nihiliste et incroyablement pessimiste. A cet instant, j'étais au bord des larmes. Triste réalité.
Drôle de film, vraiment. The Host est très difficile à décrire, suscite aussi difficilement une franche adhésion, mais quelles que soient les critiques qu'on peut faire pleuvoir sur le film, aucune chance qu'il laisse indifférent. Unique, particulier, bizarre, sont des qualificatifs qui mettront tout le monde d'accord, libre à chacun de les interpréter de façon positive ou négative. Sans surprise, n'importe lequel cinéphile connaisseur du cinéma coréen et de Bong Joon-ho en particulier versera sans nul doute du côté positif. Car The Host est tellement coréen qu'on peut douter de son succès hors de ses frontières natales. Par contre, le carton local est prévisible. Bong Joon-ho ne parle en effet qu'aux coréens. Et en plus, avec sa petite voix bien reconnaissable. Il invente le "blockbuster burlesque" et dans la catégorie "politic entertainment", dans laquelle joue les meilleurs films américains, il fait entendre un point de vue coréen.
Bong Joon-ho, en fait, n'en a rien à faire du monstre. Non pas qu'il le néglige (la CGI est OK), mais s'il avait voulu juste remplir le contrat "film de monstre", ça n'aurait pas été ce film. Il semble surtout profiter de l'occasion pour pousser encore plus les Coréens à se regarder autrement, après les avoir comparé à leurs chiens dans Barking Dogs Never @!#$ et leur avoir mis le nez dans le doute avec Memories of Murder. Tout le monde en prend pour son grade. Ainsi le sujet qui fâche, le rapport aux Etats-Unis. La séquence d'ouverture montre un très méchant américain qui intime l'ordre à un sous fifre coréen de jeter des litres de produits chimiques dans la rivière Han. Le Coréen exécute consciencieusement la besogne. Sous entendu : l'Américain est fourbe, c'est mondialement connu, mais le Coréen, qu'est ce qu'il est con pour respecter à ce point l'ordre et la hiérarchie ! Séquence suivante, un salaryman typique veut se jeter du haut d'un pont dans la même rivière. Il regarde l'eau et y voit de tellement drôles de remous qu'il hésite à sauter. Coréens dépressifs, semlbe interpeler Bong Joon-ho, vous qui adorez vous apitoyer sur vous-mêmes, regardez d'abord dans quelle mouise vous aller sauter, elle est peut être pire que ce que vous penser fuir. Dès le début, le message est clair : y'a du boulot sur la (bonne) conscience coréenne.
Par la suite, c'est simple, le monstre déclenche un vrai jeu de massacre, selon le principe de l"invité" ("The host") qui fait exploser les convenances. Song Kang-ho fait le débile, son frère joué par Park Hae-il un psychotique qui digère mal son chômage, leur sœur Bae Doo-na est (adorablement) nunuche, le père de famille un gros mou qui va vite mourir, voilà notre fine équipe qui va sauver Seoul, secondé par un gouvernement incapable qui se laisser berner par les menteurs d'américains. Bong Joon-ho prend un malin plaisir à ridiculiser chaque personnage. Du coup, et il faut le dire une bonne fois, c'est hilarant. Palme de la loose peut être pour un envoyé du gouvernement qui débarque au milieu du stade rempli de réfugiés traumatisés. Il est engoncé dans une combinaison anti-virus et arbore un air méga sérieux. Puis tout d'un coup il se vautre lamentablement en arrière, sans qu'on sache sur quoi il a glissé. Se casser la gueule devient le gimmick du film. Song Kang-ho se rétame à plusieurs reprises et même le monstre va glisser.
Non content de ne pas savoir tenir debout, les Coréens tirent comme des nazes. Dès le début, Bae Doo-na nous est présentée comme une grande championne du tir à l'arc mais elle est plutôt leur Henri Leconte, à chaque fois le mental flanche. Elle va manquer une médaille parce qu'elle a hésité une seconde de trop et dépassé le temps imparti. Elle va se rattraper à la fin du film, mais bon, le monstre c'est quand même une cible inrattable de la taille d'un cachalot. Et juste avant, son frère s'est lamentablement escrimé à lancer des cocktails molotov en visant aussi bien aussi qu'un lycéen flippé en manif. Bong Joon-ho ne respecte même pas les manifestants pour la démocratie dont il a fait partie. Et en guise de sacro-sainte réconciliation familiale, sans dévoiler la fin, il faudra aussi repasser. Bong Joon-ho continue ainsi son inversion des codes du cinéma américain entreprise dans Memories of Murder.
On peut multiplier les exemples car le machin est particulièrement touffu. Il demande une grande attention de la part du spectateur, qui ne sait jamais sur quel pied danser à chaque seconde. Le montage comme les cadres sont d'une variété folle pour nous prendre toujours par surprise, au début de chaque séquence (heu, qu'est ce qui se passe?) comme à la fin (waouh, qu'est-ce qui s'est passé?). Fabuleux, aussi, la façon dont certains personnages se font culbuter par le monstre, c'est "paf tu l'as pas vu venir", d'une incroyable brutalité. Bong Joon-ho fait aussi durer certains plans bien au-delà de la moyenne des films d'actions. La séquence de l'évasion de la petite fille est ainsi un prodigieux moment d'angoisse silencieuse. Il tente enfin quelques plans séquences ahurissants, notamment plusieurs lors de la première attaque du monstre, un immense morceau de bravoure.
Il y a vraiment beaucoup à dire, ne serait-ce que rappeler la perfection du casting, mais l'essentiel, c'est ce culot à tous les étages doublé d'une grande intelligence. Chez Bong Joon-ho, le personnage reste au centre du film, il n'y a pas d'égo, d'épate ou de cynisme ricaneur autour. L'humain est ridicule mais oh combien touchant, si chacun est tombé une fois il a aussi à un moment l'occasion de relever la tête, les Américains y compris. Alors pourquoi on a plus la sensation d'un "drôle de film" que d'un chef d'œuvre? Parce que l'ensemble est quand même brinquebalant, traîne les pieds au milieu ou qu'on a jamais vraiment peur de cette bête? Parce que les choix musicaux sont nettement plus pauvres que le reste des partis pris de mise en scène? Parce qu'on doit supporter une séquence sirupeuse à la fin totalement décalée dans le ton du film? Difficile à dire. En tous cas, assurément, on ne voit pas ça tous les jours.