De l’arcade à la simulation ?
J’ai Lu s’est fait une spécialité de l’auteur en publiant les versions françaises de Captain Tsubasa et de sa suite World Youth, mais c’est Asuka qui a édité en France la nouvelle série de l’auteur intitulée Hungry Heart. Au programme tacles sur les terrains mais aussi en dehors...
Pré publié pour la première fois au Japon dans un spécial du magazine Shônen Champion de l’éditeur Akita à l’occasion de la coupe du monde 2002, Hungry Heart est le dernier manga en date de TAKAHASHI Yoichi, mangaka surtout célèbre pour sa longue saga footballistique Captain Tsubasa, plus connu chez nous par le titre de sa version animée intitulée Olive et Tom. L’auteur, passionné de sport et de football en particulier, ne change pas fondamentalement ses habitudes créatives (et commerciales) avec Hungry Heart dont le sujet principal reste encore le ballon rond. Arrivée à son terme au Japon, Hungry Heart a connu une périodicité sporadique mais a tout de même su captiver les fans de l’auteur comme un public plus large avec la version animée qui en a été tiré (Hungry Heart Wild Striker, édité en France par Mabell). Car au-delà des ressemblances et comparaisons inévitables avec sa série phare, TAKAHASHI s’est suffisamment renouvelé dans son approche pour ne pas tomber dans la simple redite.
Dans Captain Tsubasa les techniques irréalistes sont légion, la vie en dehors du football est quasi inexistante et le héros est plus positif qu’un adepte de la scientologie. Dans Hungry Heart les techniques irréalistes sont beaucoup plus rares et « réalistes », les joueurs se fatiguent et ont des limites, la vie en dehors du football est abordée et le héros se pare un peu plus des atours de l’anti-héros. Si on devait faire une analogie avec les jeux vidéo on pourrait presque dire que TAKAHASHI tente de passer d’un manga à la FIFA Soccer à un manga à la Pro Evolution Soccer doublé d’une partie simulation de vie lycéenne japonaise Toutes proportions gardées hein.... Alors que Tsubasa était une icône vivante, l’archétype du fantasme footballistique japonais, Kyôsuke est un jeune adolescent certes doué mais en bute à une crise identitaire qui le fragilise et l’humanise un peu plus. Le résultat, sans être révolutionnaire, se laisse découvrir cahin caha et apporte assez d’air frais au genre pour (re)séduire le public conquis. Et puis on ne la lui fait pas à TAKAHASHI, rompu à toutes les techniques narratives du style « nekketsu » (shônen empli d’esprit de combat et de camaraderie appuyée) le mangaka sait mettre en scène ses matchs avec efficacité. Son dessin qui n’a pas franchement évolué est certes peu engageant, mais reste redoutablement adapté aux nécessités de son récit tout comme sa mise en page claire et dynamique. Mais cette force, par l’usage de techniques narratives éprouvées et donc prévisibles, est aussi un défaut (et ça paye pas de pain comme formule...). Mais clairement Hungry Heart reste un divertissement efficacement calibré eut égard à sa cible, avec un fond scénaristique relativement plus conséquent que Captain Tsubasa.
Pour peu que TAKAHASHI continue à explorer cette voie on pourra peut-être dire à l’avenir qu’il a su évoluer dans la continuité (la seule façon de sortir de l’ombre de son grand succès Captain Tsubasa ?), même si c'est là le cadet de nos soucis. Mais la série manga s’étant arrêté au bout de six volumes malgré le succès relatif de la version animée, il faut croire que l’essai n’a pas été commercialement concluant. Il reste donc un manga très mineur juste bon à feuilleter s’il vous tombe entres les mains. Du shonen pur jus et moyennement dans la moyenne qui comblera de joie son lot de lecteurs à n'en pas douter, mais pas plus. Dans ce registre et pour la même tranche d’âge, le Heaven Eleven à venir incessamment chez l’éditeur français Taifu Comics paraît plus prometteur, plus dans l’air du temps et mieux gratté...
03 novembre 2005
par
Astec