Arno Ching-wan | 2.75 | A boire et à manger |
Ordell Robbie | 4 | Nuits des Chasseurs |
Xavier Chanoine | 3 | Une bonne réussite mais pas encore marquante |
Un an après Bandit contre Samourais, Gosha Hideo lui offre un véritable frère cinématographique avec ce Hunter in the dark, yakuza eiga féodal où Gosha se montre tout aussi à l'aise que dans le pur chambara. Hunter in the dark n'a certes pas le parfum de récapitulatif du jidaigeki de Bandits contre Samourais mais il n'en a pas moins de sérieux atouts à faire valoir. Avec ce film-là, Hunter in the dark partage le tableau d'une féodalité déclinante et d'un monde aux apparences trompeuses, un coté feuilletonesque ainsi qu'une dimension de film noir en costumes au travers de portraits de personnages finissant par voir revenir leur passé. La maestria formelle de Gosha donne au film une ambiance crépusculaire au propre comme au figuré (ambiance renforcée par le beau score de Sato Masaru) ainsi que son petit lot de combats mémorables. Nakadai fait toujours montre d'excellence aidé par un casting moins all stars sur le papier que celui de Bandits contre Samourais mais excellent, composé de rien de moins que Tanba Tetsuro, Kishi Keiko, Harada Yoshio, Natsuyagi Isao, le second couteau du yakuza eiga Umemiya Tatsuo et enfin Sonny Chiba. Qui plus est, la dimension sérialesque est cette fois un peu moins souvent synonyme de scénario embrouillé. Sans parler de ce face à face final Chiba/Nakadai plus déceptif que décevant. Spoilers Diurne dans un film si nocturne, il frustre l'envie de climax dramatique avec sa dimension grotesque -le poulailler- proche des exagérations spaghettiesques d'un certain chambara. Mais ce grotesque fait finalement très bien écho à la vanité d'un face à face tant attendu mais sans vainqueur. Fin Spoilers Comme une fin sentant le culot d'un cinéaste qui n'avait plus rien à prouver...
Gosha s'amuse avec Chasseurs des Ténèbres. Dans son film précédent, il tissait déjà des portraits de clans sous un jour particulièrement mauvais où la corruption et la trahison étaient véhicules et moteurs de la narration. La descente aux enfers de Nakadai Tatsuya, déjà piégé par le passé, trouve un écho ici avec son personnage de Chasseurs des Ténèbres, sorte de jidai-yakuza-chambara eiga de plus, certes, mais aux qualités évidentes faisant de Gosha aussi bien un grand metteur en scène à l'importance ultime au sein de l'industrie cinématographique nippone qu' un artisan ayant bien du mal à faire mieux que ses mentors ayant déjà donné dans le domaine (ou donnant au même moment, comme à l'époque d'un Yojimbo / Trois Samouraïs hors la loi) comme Kurosawa qui emportera sa notoriété rapidement en dehors du Japon. Gosha c'est un peu, à une époque, son pendant "bis" dans le domaine du film en costume / film de sabre, c'est à dire sans l'ampleur des grandes figures romanesques qu'on trouve chez Kurosawa, mais avec une énergie aussi redoutable et un sens aigu de la mise en abyme du côté dark des dits "grands" clans du Japon féodale du 18ème. Kurosawa aura su diversifier son style en faisant mouche dans tous les genres, alors que Gosha restera plus ancré dans le jidai-geki malgré le "hors série" mémorable Portrait d'un Criminel qui est le meilleur exemple de ce "changement" radical. Que trouve t-on alors dans Chasseurs des Ténèbres? Des personnages aussi nombreux que développés en particulier le ronin Tanigawa amnésique doté d'une balafre lui masquant l'oeil gauche et lui conférant un charisme assez remarquable dans le genre, Gomyo joué par un Nakadai Tatsuya qui recycle un peu ses personnages déjà interprétés chez Gosha (ce qui en soit n'est pas chose mauvaise), Tamba Tetsura campant le rôle d'un homme puissant qui arrive à effrayer rien qu'en restant assis à côté de son perroquet et d'autres rôles moins présents à l'écran en particulier celui de Shimoguni, dont Chiba offre une interprétation de bonne facture, loin de ses excès cabotins voulus dans le génial The Street Fighter.
On retrouve un casting habituel chez le cinéaste, qui livre ici une fresque criminelle sanglante aux séances de discussion très nombreuses ponctuées d'affrontements graphiques bien mis en boîte, quoique l'on préfèrera le style posé et efficace de Morita Fujio malgré une palanquée de cadres époustouflants. La direction de Nishioka Yoshinobu est toujours aussi réussie, donnant un cachet parfois unique aux séquences anodines du film comme notamment ces magnifiques murs violets contrastant drôlement avec le style tout sauf pop du film. Et c'est justement parce qu'il manque un peu de fantaisie que ce Chasseurs des Ténèbres ne marquera pas plus les esprits qu'un Bandits contre Samouraïs et son duel final s'avère même être cent fois inférieur au superbe affrontement de Tanigawa contre des femmes diaboliques en milieu de métrage. Mais avec une telle filmographie, peut-on en vouloir à Gosha?