Ce réalisateur taiwanais est en effet comme un poisson dans l’eau dans chaque genre qu’il aborde ; après les comédies taiwanaises grinçantes Garçon d’honneur et Salé, Sucré, après le film anglais en costume Raison et Sentiments, et avant le film sino-américain de kung-fu Tigre et Dragon, le voici s’attaquant à la révolution sexuelle aux USA ! C’est même plus qu’un touche-à-tout, c’est un caméléon : jamais on ne ressentira la moindre influence asiatique dans ce film. C’est un film US pur et dur, peu importe la nationalité du réalisateur.
Le thème abordé est donc le sexe, selon 2 grands points de vue : celui d’adultes mariés et celui d’ados en pleine puberté. L’action se passe dans les années 70 près de New York City, alors que la petite ville est engourdie par un froid glacial et par des pluies verglaçantes qui font déraper les voitures autant que les esprits vers la tentation. Le mot « ice » du titre a aussi une autre connotation : celle du style de la mise en scène, très distante pour un tel sujet et une telle époque.
Evidemment, les acteurs sont à l’honneur ici, à commencer par Kevin Kline en pleine crise des 40 ans, mais aussi avec les 4 jeunes acteurs tous très bons (Elijah Wood et Christina Ricci notamment). Tous servent parfaitement le propos d’Ang Lee, qui est très bon lorsqu’il s’agit de décrire des scènes intimes avec tact et sensibilité : ainsi, les scènes d’amour entre Christina et le fils cadet des voisins, ou entre la femme de Benji et le voisin, qui représentent toutes des scènes de premières fois (1ère nuit, 1er adultère) sont plutôt émouvantes. La complexité des rapports humains montrée ici laisse à penser que les principes séculaires de fidélité et d’amour imposés par l’Eglise ne sont que douces utopies et qu’ils sont difficiles à appliquer dans la vie réelle.
Cependant, une morale assez… moraliste prend le dessus sur la fin, faisant ressembler Ice Storm à The Big Swap (de Niall Johnson/ GB/ 1998) où l’adultère et l’échangisme étaient sinon condamnés, du moins déconseillés. A croire que les principes de l’Eglise sont toujours vainqueurs dans un pays très puritain comme les USA aux vues de tous les malheurs s’abattant sur ces pauvres pêcheurs. Seule la repentance les sauvera ! Ce tableau des années de liberté sexuelle est vu sous un angle trop critique et trop bien pensant pour être tout à fait convaincant.