Superbe évocation de l'Art
Teshigahara Sofu était un maître d'Ikebana, cet art typiquement japonais consistant à rechercher la beauté éphémère, la symétrie et l'élégance dans une composition florale. C'est donc tout naturellement que son fils Hiroshi, qui débute dans le 7ème Art, lui consacre un documentaire le mettant en scène. On y suit, en même temps que plusieurs ménagères de moins de 50 ans, des cours en bonne et due forme où l'on apprend sous l'oeil bienveillant du professeur à casser les tiges des fleurs pour les faire pencher, à rajouter tel plante derrière telle autre pour une question d'harmonie, à placer une fleur d'hortensia dans une petite coupole en ne dépassant surtout pas la moitié du récipient,... Passionnant et véritablement dépaysant, voire presque relaxant, le sujet du fils Teshigahara se double d'une réflexion très pertinente sur l'évolution d'un Art existant depuis plus de 1000 ans (Sei Shonagon l'évoquait déjà dans ses Notes de Chevet), mais qui s'intègre aussi parfaitement dans la modernité, avec des oeuvres contemporaines de toute beauté. Les dernières minutes de ce magnifique documentaire virent sur la sculpture, Art qui résiste bien plus au temps que l'Ikebana et qui survivra peut-être à l'Homme lui-même si l'on en croit l'interprétation que l'on peut donner à ce champignon nucléaire vu à travers l'oeil d'une statue !
Dès ses premiers courts, Hiroshi faisait preuve d'une sensibilité artistique hors du commun. On comprend donc mieux que des chefs d'oeuvre comme La femme des sables ne soient pas tombés du ciel...
Un beau documentaire en couleur
Les 23 premières minutes sont consacrées à une présentation didactique et agréable de l'art de l'arrangement floral (avec entre autres la présence du père d'Hishiro Teshigahara).
Les dix minutes restantes proposent, en lien plus ou moins direct avec l'Ikebana, des variantes ayant évoluée avec le temps puis "glisse" vers les travaux de Teshigahara père comme la sculpture, l'utilisation de matériaux organiques ou non.
Ce doc. fait partie des bonus de l'édition dvd Carlotta du film "Le Visage d'un autre".
Science plastique et art naturel
Teshigahara entretenait une relation quelque peu ambiguë avec son père: à l'ombre de son padre reconnu pour son don dans l'art floral, il rejetait bien évidemment son affiliation pour se faire un propre nom, comme il admirait ses talents; mais il disposait également d'un sacré avantage: de la fortune familiale, qui lui posait bien moins de soucis qu'à la plupart de ses autres collègues de percer dans le cinéma et qui lui avait déjà permis de financer son premier, "Hokusai".
"Ikebana" était donc une nouvelle fois financé par son père – quoi de plus naturel que de le remercier sous la forme d'une réalisation immortalisant ses talents à tout jamais sur pellicule.
Au-delà de l'hommage congratulatoire, "Ikebana" a pourtant comme vertu de rendre compte de l'art particulier de l'arrangement floral. Une courte introduction historique revient sur les origines, puis sur la continuité de cette tradition particulière, jusqu'à le replacer à l'ère "moderne" du Japon des années 1950 et de la nécessité de faire évoluer l'art pour l'adapter aux nouvelles architectures.
La seconde partie se consacre aux créations dans leur ensemble de Teshigahara Senior et permet également à son fils d'éprouver image et son, donnant lieu à une magnifique série d'instantanés des sculptures évoluant dans un milieu naturel. Du "Land Art" sans en être, incluant également la toute première référence à la bombe atomique de l'œuvre de Teshigahara.