After hours
Salman Aristo est actuellement considéré comme étant l'un des tous meilleurs scénaristes de la jeune vague de réalisateurs indonésiens. Ayant fait ses armes sur les comédies romatniques pour ados très populaires "Brownies", "Cinta Silver" et "Alexandria", il a décroché le jackpot en signant successivement les scénarii de "Verses of love" et "The rainbow troops", tous deux sortis en 2008 et encore aujourd'hui classés les plus gros succès du box-office indonésien de tous les temps. Même s'il a œuvré dans des genres plutôt populaires, ses histories se sont toujours distingués par un style unique d'écriture, qui abordait des nombreux problèmes actuels de la société indonésienne sans dramatisations inutiles, ni faux détours…On ne pouvait donc qu'être curieux de sa première réalisation en solo.
Le titre annonce la couleur: "Jakarta Maghrib" sera un film profondément ancré dans l'actuelle société indonésienne en situant l'intrigue centrale dans la capitale actuelle du pays et en faisant référence à la fois au coucher de soleil (traduction littérale de "Maghrib"), mais aussi – et surtout – à la quatrième des cinq prières obligatoires de la culture islamiste. Une prière, qui doit avoir lieu (en très gros) entre le moment du coucher du soleil et minuit…Si la récitation de la prière est tolérée plus tard dans la soirée, il est de vertu de la réciter au plus tôt au moment du coucher de soleil, se passant aux alentours de 18 heures…une heure extrêmement contraignante pour les fidèles, car elle se passe généralement en fin de journée de travail, au retour (pénible) du lieu de travail dans des transports en commun surchargés ou bouchons interminables ou au moment du retour en famille…Une contrainte évoquée, mais jamais exploitée au cours des cinq histoires distinctes, qui composent ce film et dont l'ensemble des individus vont tous se recroiser lors du dernier épisode.
Comme dans tout "film omnibus", les sketches sont de qualité inégale…mais au moins, on sait, qu'ils se termineront également plus vite, qu'un long. S'il n'y a pas de franche réussite dans le tas, il n'y a pas non plus d'échec total, mais plutôt une collection de courts fort agréables, extrêmement ciselés au niveau des dialogues et qui donnent surtout la part belle à la belle brochette de comédiens intervenant au cours des différentes histoires. Un regard extrêmement lucide porté sur la société actuelle indonésienne, avec des histoires se passant dans différentes classes et couches sociales de la population, dont le sentiment d'authenticité est encore renforcé par la mise en scène extrêmement réaliste avec une caméra mobile et portée à l'épaule. On sent évidemment un budget extrêmement restreint pour ce film tout sauf commercial, mais il n'en démérite pas pour autant.
Si ce n'est pas (encore) le coup d'éclat attendu de la part de ce talentueux réalisateur, il n'en demeure pas moins un exercice concluant et une nouvelle bouffée de fraîcheur et avancée dans une cinématographie en perpétuelle progression ces dernières années – et notamment grâce à la liberté d'expression et présence répétée de jeunes réalisateurs comme Aristo, qui apportent beaucoup à une cinématographie autrement très formatée et standardisée. Vivement la suite !!