Un pays en reconstruction
Une idée simple et un peu culottée suffit parfois à lancer un concept télévisé réussi. Dans le cas présent, un frenchy s’amuse à parcourir le monde tout seul avec 3 caméras (2 fixés à sa ceinture, 1 mobile) en ayant pour objectif de manger et de dormir à l’œil chez un quidam pris au hasard dans la rue. Cela surprend un peu au départ (c’est quoi ce type ? Il est gonflé !), mais on s’y fait rapidement et cela se transforme bientôt en jeu à suspense (Dormira ? Dormira pas ?) auquel on devient accroc au bout de 2 ou 3 épisodes. D’autant que le routard Antoine de Maximy a une bonne bouille, joue efficacement les grands naïfs paumés et curieux, possède un sens de l’humour certain et préfère toujours mettre en valeur ses interlocuteurs plutôt que lui-même. Un type bien en somme, courageux mais pas téméraire, ne craignant pas d’aller au contact tout en fuyant les situations délicates (cf. les mémorables prises de bec au Vanuatu ou en Bolivie), et qui, en tant qu’ambassadeur de la France à l’étranger, renvoie finalement une image sympathique et ouverte d’esprit.
De son passage au Cambodge, on retiendra la sensation bizarre et triste que les effets du terrible génocide, comme chez Rithy PANH, sont encore palpables au sein de la population. Ce pays pauvre aux rues souvent boueuses recèle pourtant bien des surprises. Au-delà de l’incontournable site d’Angkor Wat, la ville de Battabang nous réserve une curieuse rencontre avec des moines très portés sur les nouvelles technologies et pas forcément très hospitaliers de prime abord ; le village de Ban Lung, perdu au fin fond de la cambrousse et se résumant à quelques grandes cabanes sur pilotis qui se battent en duel, donne quant à lui naissance à un moment hors du temps, quasi-mystique, entre des étrangers incapables de se comprendre par des paroles, donc silencieux pendant un bon moment, s'observant, se souriant, avant de se découvrir un intérêt commun dans la musique. Ou l’universalité de l’espèce humaine…
Paroles et musique
Le principe de l'émission d'Antoine de Maximy est vraiment bien trouvé: grâce à une habile installation de caméra (à laquelle il faut un tout petit temps d'acclimatation, de voir ainsi l'animateur et ses vis-à-vis de biais), il parcourt la France, puis l'étranger pour faire des curieuses rencontres, puis tenter de se faire inviter chez l'habitant. A avouer, que la présence de la caméra y doit être pour beaucoup dans l'hospitalité offerte par certains individus – mais au contraire d'un "Pékin Express", elle réussit souvent à rentrer davantage dans l'inimité des gens.
Toutes les rencontres ne s'avèrent pas très passionnantes – mais de Maximy a de la ressource, passant l'ennui avec des commentaires franchement drôles ou coupant rapidement court pour repartir le lendemain pour d'autres aventures. Et une nouvelle fois, un constat universel: ce ne sont pas les riches, qui vont partager le plus de choses, loin de là; en revanche, le cœur des démunis sera également le plus gros et partageur…
Sans doute l'un des épisodes les plus dépaysants à la découverte d'un pays asiatique largement méconnu. Là encore entre passé (la ville de Battambang; le personnage du vieux en fin de reportage) et présent moderne (les moines branchés sur Internet), le Cambodge est un pays qui évolue chaque jour vers un système capitaliste – ou du moins libéraliste- universel.
La boisson locale incluant les mygales et la poétique rencontre avec le vieux en fin de reportage sont à classer parmi les moments les plus mythiques de cette excellente série.