Xavier Chanoine | 2.75 | Quelques belles séquences ne sauvent pas un film médiocre |
Ordell Robbie | 2.5 | un quatrième volet très décevant |
Hana yo...kirei to...odaterare...refrain maintenant bien connu des amateurs de la saga Sasori, nous convie à un quatrième opus extrêmement inégal. En y repensant, cette longue série n'a jamais clairement été un modèle de finesse en dépit de ses qualités propres à la saga et propres au cinéma de genre d'exploitation en général. Toujours poursuivie par les autorités, Nami, incarnée pour la dernière fois par Kaji Meiko, est ici gravement atteinte par les attaques en succession des hommes de l'ordre, laquelle finira par s'en sortir inexorablement par sa fougue et sa faculté à se débarrasser de l'homme quelles que soient les situations dans lesquelles elle se trouve. Cependant, cette fois-ci la riposte n'a pas été de tout repos et cette dernière se voit contrainte à se cacher pour survivre. Récupérée par un employé de cabaret et ancien détenu amputé de son membre viril des suites d'un interrogatoire musclé par des inspecteurs de police voilà quelques temps, Kudo va tout faire pour s'occuper d'elle. Il la soignera, la protègera, jusqu'à ce que les inspecteurs de police finissent par retrouver leur trace dans un bidonville reculé. C'est à partir de là que les choses sérieuses commencent, le cinéaste -médiocre- Hasebe Yasuharu n'y allant pas avec le dos de la cuillère pour véhiculer au travers de cette bobine pas bien fameuse toute l'artillerie en puissance du cinéma d'exploitation bis. L'utilisation de la musique, extrêmement importante depuis la création de la saga, est ici particulièrement décevante dans la mesure où les élans ironiques des précédents opus sont aux abonnés absents. On retrouve les cuivres habituels mais la magie n'y est plus. Les superbes thèmes des deux premiers opus laissent place à de la musique pop glucose au possible, les ressorts Morriconiens dégagent un semblant de bis assumé, certes, mais ne sont que très rarement justifiés à part un ou deux morceaux inspirés, Urami Bushi inclus. Niveau mise en scène, le cinéaste ne s'est pas non plus grandement amélioré et ne s'approprie pas l'identité de la série à part peut-être ces basculements de caméra, ces grands angles et ces filtres de couleur, marques de fabrique de la saga mais aussi marques de fabrique du cinéma d'exploitation d'époque. Les seuls grands moments du films apparaissent au cours des dix dernières minutes, notamment lorsque Nami se retrouve avec l'inspecteur de police dans un désert ocre et sépia de toute beauté, véritable paysage mortuaire bien mis en valeur par un échafaud à l'importance toute particulière. Et de ce fait, c'est à dire par son manque d'audaces visuelles, cette Mélodie de la rancune ne marque pas les esprits. Sans doute parce que Kaji Meiko n'est pas aussi superbe qu'avant. Sans doute parce que le film se veut plus une critique des services policiers qu'une véritable satire amère sur le monde de la prison et la condition de la femme, caricaturée comme un vilain objet manipulable par la gente masculine débordant d'ego démesuré.
Et puisque le cinéaste n'est pas homme à faire dans la dentelle, le seul moyen de faire hurler de rage les principaux coupables du film, paradoxalement la police, c'est de frapper là où ça fait mal, c'est pourquoi la séquence où Kudo et Nami séquestrent la femme de l'inspecteur de police à leur trousse se transforme en pur moment de bis assumé avec une froideur sidérante : en plus de tomber par accident du haut d'un balcon, on apprend que la femme avait un polichinelle dans le tiroir. Dans le genre coup bas mais petit plaisir pour les plus sadiques des spectateurs, Hasebe a fait fort, sans pour autant atteindre la maestria du précédent cinéaste puisqu'à part une scène de castration à l'eau bouillante et quelques bagarres tranchantes, le film ne fait pas preuve de sadisme exacerbé. Les séquences sensées se dérouler au pénitencier sont décevantes puisqu'elles n'ont pas la dimension fantastique des précédentes réalisations, elles basculent même dans le romantisme noir à deux balles entre cette femme qui se lie d'amitié pour Nami et ces innombrables pleures entendus dans les couloirs. La partie au sein de la prison n'est donc pas intéressante, hormis ce méchant passage à tabac sur la pauvre Nami, ruée de coup sans que le cinéaste use du hors champ pour tempérer la chose. Sévère et sans distinction aucune, normal pour un artisan du cinéma d'exploitation, il réalise simplement ce que la police n'a jamais été capable de faire en trois épisodes, les séquences de viol à part : taper sur la tronche de la femme la plus dangereuse de tout Tokyo sans retenir ses coups. Mais dans l'ensemble et si cette Mélodie de la rancune manque de punch et d'idées, on suppose que le cinéaste a voulu dramatiser le personnage de Kaji Meiko en la montrant sous un autre angle. Pour une fois elle réussit à approcher un homme sans lui arracher la joue, c'est à peine si l'on y discerne une séquence de sexe avec un homme qui n'a pourtant pas l'essentiel. De plus, Hasebe tend à humaniser ses personnages et à leur faire prendre conscience de leur bêtise, d'où une certaine naïveté dans les propos, notamment lors de la séquence où Kudo est sermonné par sa mère amenée (de force?) dans sa cellule. Manque de bol, l'espoir n'était que de courte durée, le cinéaste terminant son oeuvre dans un climax sombre au possible et esthétiquement inspiré, l'une des dernières images où ce corps, mort, descend dans le néant est non sans rappeler une descente aux enfers. Pas de pitié pour les salopards?
Suite au départ forcé d'Ito Shunya, c'est Hasebe Yasuharu qui prend les commandes de ce quatrième volet de la série Sasori. Volet qui est aussi le dernier de la série avec Kaji Meiko dans le role titre. Au vu du résultat, on comprend qu'elle ait eu envie de quitter le navire. Bien lui en a d'ailleurs pris vu que c'est suite à ce départ qu'elle établira définitivement son mythe avec le chef d'oeuvre Lady Snowblood, Blizzard from the netherworld. Si Hasebe Yasuharu avait montré de belles aptitudes de styliste avec Black Tight Killers et Stray Cat Rock: Sex Hunter, il n'arrive pas ici à imposer sa marque à la franchise Sasori. Female Convinct Scorpion: Grudge Song est en effet visuellement bien moins inspiré que les précédents volets. On a néanmoins ici et là quelques belles idées : un usage à bon escient du grand angle, le filmage heurté très dynamique du début du film, le beau générique d’ouverture, l'usage du faux raccord créant un rythme haché, le filtre chromatique rouge pour marquer les «flash» psychologiques d’un personnage. Reste qu'Hasebe use trop souvent de cadrages penchés et zooms brouillons et ne dépasse ainsi pas les clichés visuels du cinéma de genre nippon de l’époque. Quant à la relation entre Sasori et le terroriste, elle n'est pas assez développée par un scénario ayant encore plus de longueurs que celui du précédent volet: le passage en prison ne dépassant pas le tout-venant du film de prison par exemple. Tout ceci se laisse suivre sans déplaisir. Mais malgré le charisme toujours présent de Kaji Meiko cela ne dépasse pas assez l'ordinaire du cinéma d'exploitation de l'époque.