Un portrait finement ciselé et une réalisation privilégiant l'audace
Réalisé en 1973 à l'époque où Yoshida Kiju avait déjà un beau parcours derrière lui, notamment pour son apport évident à la "Nouvelle Vague" japonaise,
Coup d'Etat relate le parcours utopique de Kita, nationaliste révolutionnaire, intellectuel, philosophe et illuminé à ses heures perdues influencé par le mouvement socialiste au Japon au cours de sa jeunesse. Il fut arrêté puis exécuté juste après le Coup d'Etat échoué du 26 février 1936 pour complicité, dénoncé par un espion de la court militaire. Pourquoi
Coup d'Etat est l'une des grandes réussites du cinéma japonais des années 70? Sans doute parce que Yoshida a su, au travers ce saisissant et réaliste portrait de Kita Ikki, influencer l'image et le récit par sa plastique déstabilisante emprunte d'une dimension décalée donnant tout son sens au terme tendance "Nouvelle Vague" puisqu'à aucun moment le film ne joue dans la cours de l'ordinaire, du banal, du tout juste chiant. Il peut en revanche agacer par son absence totale d'action et les monologues illuminés de son auteur, interprété par un Mikuni Rentaro en état de grâce. Mais c'est tout le parcours du personnage qui importe encore plus que la patte du cinéaste, reconnaissable parmi tant d'autres (que l'on pourrait confronter à juste titre à Jissoji Akio à la même époque), et l'une des grandes forces du scénariste Betsuyaku Minoru a été de respecter cette partie de la biographie de Kita par l'intermédiaire d'écrits officiels et, espérons le, des propres écrits réalisés par ce dernier comme
Kokutairon oyobi Junsei Shakaishugi son premier bouquin où il développait déjà sa philosophie du socialisme d'Etat.
Et son personnage est en tout point fascinant car illuminé, illuminé comme un gosse qui rêverait de renverser l'Etat parce que les bonbons sont trop chers ou parce que les parcs à thèmes ferment trop tôt, pour caricaturer, et l'interprétation de Mikuni rajoute une couche dans l'ivresse utopique. Comme un général trop vieux ou trop paralysé par ses propres idées qui resterait à la maison au chaud, en prenant des nouvelles des troupes sur le "front", et en criant haut et fort que le suicide n'est pas une solution en cas d'échec (voir Lettres d'Iwo Jima). Kita aurait donc pu parfaitement s'apparenter à un véritable général meneur de troupes, tout en restant fervent politicien et philosophe à côté. Quelques scènes mémorables comme lorsque Kita s'éprend d'un vieil aveugle en le bassinant sur la présence spirituelle de l'Empereur, ou l'exécution finale d'une extraordinaire froideur. Audace? Pas certain, une chose est sûre, Yoshida n'a pas daigné faire les farceurs et guignols de l'audace formelle pour clore la biographie de Kita, agenouillé sur de la terre fraîche, bâillonné de tous les côtés, et rétorquant qu'il ne veut pas dire de bêtises avant de mourir comme ses "fidèles troupes" hurlant des "Gloire à l'Empereur" jusqu'à plus soif. Yoshida semble arrêter le temps durant cette ultime séquence gênée par la musique malsaine du peu prolifique Ichiyanagi Sei. Et puis ce générique interminable contrastant avec les "fin" habituels. Jusqu'au bout l'oeuvre de Yoshida aura su se distinguer du simple réalisateur de film Historique comme on l'entend, surtout lorsque celui-ci fait part de son éventail de solutions visuelles marquantes, la mise en scène stricte est aussi déstabilisante que visuellement chiadée. Abus de grand angle, utilisation récurrente de focales longues ou courtes, caméra jamais placée à hauteur d'homme, cadre laissant tout juste apparaître une tête, une silhouette, une ombre, objectif souvent placé à hauteur de plafond comme à hauteur du sol créant une véritable rupture avec la monotonie de l'ensemble : pas une voix plus forte que l'autre, pas un pète de rythme -lent- décourageant mais au pouvoir de fascination immense, il est certain que Coup d'Etat est un condensé d'idées à la pelle qui pourra à juste titre créer le malaise par son absence de codification.