MangaKon
One-shot publié en 1990 au Japon, Kaikisen, Retour vers la Mer est le premier... et unique manga d’envergure mené à son terme par KON Satoshi. En dehors de ce titre et hormis les « artefacts » Seraphim et Opus (mangas inachevés dont le premier sur un scénario de OSHII) , le reste de sa production manga semble faire majoritairement dans les histoires plus ou moins courtes.
Malgré son statut « d’œuvre de jeunesse », Kaikisen fait preuve de réelles qualités d’écriture. KON s’inscrit certes dans une thématique déjà visitée (l’opposition entre tradition et modernité, entre nature et urbanisation), traitée sous l’angle de la fable fantastique, mais il le fait avec assez de subtilité et de naturel pour gagner l’adhésion du lecteur. A la peinture de la vie provinciale dans la ville côtière de Amidé, se superpose la chronique « générationnelle » (fils – père – grand-père) de la famille Yashiro. Même si les ressorts dramatiques restent convenus, le ton juste et les personnages crédibles rendent le tout plus que digeste. KON fait preuve de maturité pour un premier manga d'envergure, proposant un cocktail très bien dosé d'étude de moeurs, de critique sociale, de comédie, d'action et de fantastique. Il mène ainsi sa barque avec assez de retenue pour garder le bon équilibre, accélérant le rythme de sa narration dans le dernier tiers du récit seulement. Probablement que les amateurs de fantastique en manque de sensations fortes risquent de rester sur leur faim, mais il est clair que Kaikisen ne s’inscrit nullement dans le registre du gros fantastique qui « tâche ».
Graphiquement, KON « fait le métier » selon la formule consacrée. Et pour un auteur débutant, sur un format long, il s’agit là d’un vrai compliment. La mise en page ne sort ainsi pas des sentiers battus, mais sert bien la narration. Pas « d’excentricités » dans ce domaine donc, même pas de pleines pages et tout au plus deux « fausses » double pages sur l’ensemble du volume. Un classicisme ne nuisant pas au récit, d'autant plus que le découpage s'avère maîtrisé et pas avare en vignettes, variant les plans, alternant entre scènes de foules et moments plus intimistes, le tout sans perdre le sens du récit... Quant au dessin, réaliste, très bon techniquement, il reste encore "sous influences". Stylistiquement, Kaikisen se situe entre les histoires courtes Joyfull Bell et Les Visiteurs (voir critique du recueil World Apartment Horror). Pour faire lapidaire et donner dans les raccourcis, on le qualifiera comme étant à la croisée du style de OTOMO (en moins "énervé" et plus sensuel) et de celui de TANIGUCHI (en moins raide et plus sensuel). Sans être aussi agréable que le trait plein de personnalité dont KON fera usage pour la version manga de World Apartment Horror, celui de Kaikisen ne manque tout de même pas de qualités. (1)
Enfin, une sympathique histoire courte (Un Eté Mouvementé) traitant des émois amoureux d’un adolescent sur le mode de la comédie estivale, vient conclure ce manga.
Kaikisen est une lecture à conseiller pour qui s’intéresse particulièrement à la carrière du réalisateur, une lecture agréable pour tous les autres.
Note
(1) OTOMO reste la référence incontournable des débuts de KON. L'auteur d'Akira lui a non seulement "mis le pied à l'étrier" dans le monde de l'animation, mais il apparaît comme la grande influence de jeunesse de KON. Dans une interview de 1998, ce dernier déclare ainsi :"J'ai été considérablement influencé par le Domu (1980) et le Akira (1982) de Katsuhiro Otomo. J'ai particulièrement aimé Domu, et je me suis dit que si je ne devais faire qu'un film à partir d'un des mangas que j'ai lu, ce serait celui-là."
05 décembre 2006
par
Astec
L'oeuf de l'ange
"Satoshi Kon était le parfait lien entre Miyazaki et Otomo", dixit
JP Dionnet sur la 4ème de couv'. Alors : non, en rien - on causerait d'abord ciné de genre italien j'imagine - mais concernant cette BD, oui, c'est tout à fait ça. C'est aussi ce qu'on disait d'un anime,
Origine, sympa, mais sans trop de caractère, une constante des studios Gonzo. Je vais être vache, mais je me suis toujours dit que quand on se mettait à causer sirènes, ça voulait dire qu'on ne savait pas trop quoi dire, qu'on partait en quête d'une chimère comme d'une inspiration.
Ponyo, Lou et l'île aux sirènes, tout ça, c'est sympa, mais manque comme un truc, non ? Et rayon BD je conseille
Bluebells Wood de
Guillaume Sorel. On y reste aussi un peu en surface, mais côté ambiance et graphisme, c'est autre chose. Ici, l'histoire est convenue. Bien narrée, mais convenue. Reste cet oeuf contenant une femme hors norme, femme qui grandira pour incarner, libérée de sa queue, cet avatar en perpétuel mouvement qui synthétisera autrement mieux l'oeuvre du Maître.