Cible Ratée
Certes, KT montre à l'instar de Go le cinéma grand public nippon solder enfin les comptes des rapports difficiles entre le Japon et la Corée du Sud: ici on trouve en vrac une dénonciation de l'usage à fin politique de la torture par les Sud-Coréens, le peu de scrupules des services secrets coréens à employer tous les moyens pour réduire à néant un opposant démocratique au début des années 70, les pratiques douteuses de l'Armée Japonaise d'Autodéfense et la fascination de certains de ses membres pour la vision de Mishima, l'obéissance inconditionnelle des services secrets nippons aux intérets de l'allié américain. Sauf que si les intentions sont louables, cela ne suffit pas à rendre un film intéréssant: à force de courir plusieurs lièvres à la fois, le scénario n'en attrappe aucun et les longs dialogues de tactique d'espionnage et d'enlèvement sont tout sauf palpitants. Sans compter un générique lourd et pompier, un personnage de fils d'immigré coréen à la psychologie sommaire avec une mère qui représente le stéréotype caricatural de la raciste (elle ne veut pas que son fils épouse une japonaise, cela fait un peu gros, de meme que la scène de la bagarre dans le cinéma) ou une histoire d'amour complètement parachutée par le récit.
Quant à la mise en scène, si elle est potable (du tout classique avec la caméra qui pivote légèrement autour des personnages, des mouvements de grue passe-partout ou encore des caméras portées représentant le regard des personnages), elle ne parvient jamais à transcender le scénario comme peuvent le faire un Mann ou un Harada. Les acteurs et la photographie sont aussi ternes l'un que l'autre et ce ne sont pas quelques tambours pachydermiques et un score pompeux de mauvais actioner us qui vont sauver la mise. Qu'y a-t-il à sauver? Peut etre deux clins d'oeil à Fukasaku (la scène du ciné où l'on passe un extrait d'un épisode de Combat sans Code d'honneur, le dialogue entre l'ancien militaire et le journaliste sur les porcs et les loups). En bref, un film qui ne méritait pas de sélection en compétition au Festival de Berlin (meme si ce festival a le mérite de ne pas se limiter au cinéma d'auteur pour ses choix asiatiques, cf les sélections de Iwai, Harada, ou Johnnie To).
Et surtout un film montrant l'ex-assistant d'Ishii Sogo Sakamoto Junji, auteur de quelques films prometteurs ( Scarred Angels, Tokarev et surtout Face), encore moins inspiré dans le blockbuster d'espionnage qu'il ne l'était déjà dans le yakuza eiga avec Another Battle.