Un récit classique mais une thématique marquante
Le peu prolifique cinéaste Furukawa Takumi signe en 1956 une chronique sur la jeunesse pleine de toupet, véritable fer de lance de "la génération du soleil" au cinéma, thématique qui fera les beaux jours de la Nikkatsu dans les années à venir, principalement au cours des années 60. Un cinéaste comme Masumura lancera aussi la machine, quoi de plus normal quand on sait ce qu'il apportera pour la firme durant les glorieuses années 60. Ici, Furukawa transpose le roman original de Ishihara Shintaro (frère aîné de Ishihara Yujiro ici acteur) pour le grand écran et met toujours en scène un groupe de jeunes japonais de bonne tenue, tous sans exception à la recherche de nouvelles sensations. Il y a ces plans dragues à la sauvette (sorte de speed-dating avant l'heure) où les jeunes hommes peu farouches (un peu lâches) sifflent les filles et cherchent à voir leur visage pour faire des comparatifs de beauté, il y a ces demoiselles propres sur elles, oubliant kimono et maquillage blanchâtre pour des vêtements que l'on peut qualifier de "fashion", portant d'énormes lunettes et totalement imbus de leur personne (mais toujours dans l'ère du temps), il y a ces virées en boîte où chacun cherche une compagne pour un slow. Furukawa prend aussi le temps de ridiculiser ses mâles, pas tout à fait encore passés à l'âge adulte. Ces hommes, dont certaines recherchent le contact au sens propre pour progresser, comme Tatsuya, basketteur mais qui préfère troquer son ballon rond pour des gants de boxe, donnant ainsi lieu à quelques combats de boxe peu réalistes mais d'une belle importance narrative.
Car si le film est entrecoupé de ballades estivales en bateau, où baisers et tentatives de flirt occupent une place non négligeable, le cinéaste préfère tout de même centraliser son récit sur le personnage de Tatsuya et la relation qu'il entretient avec Eiko (étonnante Minamida Yoko), donnant ainsi lieu à de jolis moments romantiques. A l'ouest musique jazzy, bagarres et rock'n roll, place à un peu de douceur. Et ce n'est pas plus mal, La saison du soleil évitant de tomber dans le piège du film jazzy comme il en existera tant au sein de la Nikkatsu (Suzuki en tête) pour ET s'orienter vers le mélodrame ET s'orienter vers la chronique sociale réaliste. En effet, Furukawa développe des thèmes universels dont la charge émotionnelle est à prendre en compte, il est par exemple ici question d'avortement qui tourne mal, de jalousie chronique, de la recherche d'une notoriété alors motrice de l'éveil d'une jeunesse aux idées utopiques : ils rêvent d'évasion à bord de leur bateau, fument pour paraître plus grand ou "tendances", ne vivent plus avec la tradition de leurs ancêtres (aucune bâtisse nippone "classique"), conduisent la voiture de papa, s'exposent en maillot de bain et ne semblent jamais travailler. A ce stade, Furukawa a tout compris et dépeint de manière réaliste cette "génération du soleil", casse les codes des valeurs et traditions jusque là "intouchables" comme lorsque Tatsuya brise un autel mortuaire en fin de métrage, filme comme il faut sans en faire des tonnes, à mi-chemin entre un travail de la nouvelle vague avec plans sous-marins et zooms intéressants et celui d'un hommage au pan du cinéma classique (encore à l'époque) par sa photo nuancée et son format plein cadre. La Saison du Soleil n'est pas un grand film au sens stricte, mais a marqué au fer rouge son importance au sein de la Nikkatsu.