Arno Ching-wan | 2.75 | Le (no?) futur du courant "Steam Punk" |
Découvrir cette petite série animée, c'est nous donner l’occasion de faire un point sur cette vague d’œuvres d’inspiration dite « Steam Punk » récemment apparues dans le paysage de l’animation japonaise (« SP » dans le texte ci-après). La traduction serait un truc du genre «Punk Vapeur» (Et pour moi un punk c’est, euh… bah un punk), appellation étrange dont l’objectif n’est pas culinaire mais plutôt un complément de concepts liés, on l'imagine, au futur et au passé. Bien que le mot «steam » évoque assez bien une vieille locomotive en action maîtrisée d’une poigne de fer par Jean Gabin, le punk inspire d’avantage le «no futur » qui le caractérisait dans les années 80. Ce qui, au vu du résultat final, n’est peut être pas si inadapté.
Ce nouveau courant participe d’un élan général quant à une vision fantasmée de l’avenir, une vision qui se veut d’apparence novatrice et qui reste à la fois très référentielle, voir fétichiste et « vintage » comme on dit dans les milieux autorisés. Les US ont déjà entamé cette approche en habillant quelques longs métrages SF avec un look rétro affiché type années 40/50, comme par exemple Bienvenue à Gattaca (l’aspect économique d’un tel choix est également évident), Passé virtuel, Dark City et Sky Captain and the world of tomorrow pour les principaux. Plus en arrière, le Japon avait déjà fait mouche avec le superbe Les ailes d'Honneamise, démarquage culotté de L’étoffe des héros de Philip Kaufman, ainsi que le Laputa, le château dans le ciel de Myazaki. Ces 2 films font figure d’exceptions en regard de la déferlante dont nous sommes victimes depuis quelques temps. Les séries Giant Robo et The Big O par exemple, ont relancé la machine à vapeur, mais c’est le Steamboy de Katsuhiro Otomo qui, en déboulant (et déboulonnant, reboulonnant…), souhaiterait certainement s’imposer comme LA nouvelle référence SP. Malheureusement, au-delà d’une esbroufe visuelle évidente, cette mouvance relève d’avantage d’un aspect sociologique assez triste que d’une découverte fun et visionnaire, ce Last Exile n’encourageant pas à penser le contraire…
Tous ces films et séries ont une particularité : ils s’inscrivent dans un futur où notre bonne vieille terre aurait déjà eu un passé différent de celui que nous connaissons, quand il ne s’agit pas carrément d’une autre planète. Si un film comme Jin-Roh avait le mérite de proposer une alternative temporelle pour un concept propice à évoquer les répétitions de l’histoire dans le cadre d’une relecture du petit chaperon rouge, ici que nenni et pas de justification en vue. Hier leader dans la représentation d’un avenir futuriste riche, damant le pion à nos représentations Metal-hurlantesques, l’animation japonaise semble aujourd’hui souffrir d’un sérieux manque d’imagination ou de visibilité. Est-ce juste un bête syndrome post an 2000, ancien symbole d’un futur maintenant derrière nous, ou bien alors est-ce plus représentatif de ce que Mamoru Oshii développait dans son chouette Patlabor 2 lors d’un long dialogue maritime, un problème lié au choix paix injuste / guerre juste, un ressentiment général et mondial de stagnation larvesque, donc de régression ? Les deux approches semblent bonnes et complémentaires. On pourrait même tenter (soyons fous) une comparaison avec la France. Mais si c’est pour aborder Les choristes, Amélie Poulain, Les fautes d’orthographes et autre Reality show de type Le Pensionnat, mieux vaut peut être s’en passer. A chaque pays ses repositionnements.
Last Exile ne mérite peut être pas de porter sur ses épaules ce constat gavant. Sans chercher midi à quatorze heures, dans la continuité de Blue Submarine n°6 et de ses mélanges 2D/3D, ce produit est gentiment distrayant, mais n’apporte pas grand chose de nouveau. Sous couvert de nous montrer un monde SP cohérent, sorte de croisement entre le Laputa de Myazaki et les trames militaires des premiers Macross, on découvre un scénario simple fait de péripéties aériennes peu passionnantes. La faute principalement à des personnages creux et à des situations vues et revues. Un poncif reste un poncif, qu’il soit d’apparence SP ne change rien à l’affaire.
Steam Punk, no futur et retour en arrière ? Pour l’instant oui, c’est le cas, mais restons optimistes et gageons que de ce maelstrom jaillira quelque chose de beau et de constructif. Après tout, l’idée est de faire du neuf avec du vieux. Il y a apparemment un besoin général de se ressourcer, de mélanger tous les acquis pour mieux aller de l’avant ensuite. Et, pour l’instant, qu’elles soient divertissantes ou non, les œuvres SP ont toutes en commun d’être déjà des travaux d’orfèvre de qualité. Ne reste plus qu'à faire émerger un peu de vie de ces gros morceaux de ferraille brûlants et ça devrait être bon.