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3.36/5
Le Mariage de Tuya
les avis de Cinemasie
5 critiques: 3.55/5
vos avis
8 critiques: 3.47/5
Contrastes et mutations
Fin portrait de femme doublé d'un témoignage sur les mutations d'une Chine en perte d'une partie de son identité,
Le Mariage de Tuya joue subtilement des contrastes pour attirer l'attention sur une culture menacée par le développement agressif d'un pays en pleine transition. Wang Quan-an, adoptant une approche réaliste, donne à voir la réalité sociale des minorités de son pays, dressant un portrait qui fait à la fois figure de témoignage critique et d'hommage chaleureux.
Comment survivre, vivre et aimer
Avec un titre d'une simplicité détonante, Le Mariage de Tuya reste une oeuvre d'une grande sincérité, au charme divinement sensible et d'un réalisme pur. Une pureté que l'on retrouve au niveau du cadre et des décors, épurés, désertiques et mystérieux, cadrés intelligemment par Wang Quan An, usant sans artifices quelconques de la technique caméra sur épaule afin de capter les moments forts et vifs (Tuya en début de métrage, affolée, Bater ingurgitant des litres d'alcool...) ou de manière plus posée lorsque le metteur en scène filme le quotidien blasant d'une famille et met en avant leur difficulté pour survivre. Il est question de survie aussi bien physique (il faut aller au puits pour récupérer la précieuse eau) que morale (éviter le suicide, aller de l'avant) et c'est là tout l'art de Wang Quan An, cette facilité à véhiculer la rage de son héroïne, impeccable Yu Nan, qui même constamment emmitouflée dans une peau et vêtue d'un foulard, arrive à paraître gracieuse et "femme". Un portrait de femme dont on ne compte plus les demandes en mariage.
Un documentaire? Un mélodrame? Un survival Mongol? Peut-être que Le Mariage de Tuya est tout ceci, alchimie parfaite des genres sur la condition de vie des paysans mongoles, parfois touché par la grâce (la tentative de suicide de Bater, Tuya humiliant son mari sur son lit d'hôpital) sans jamais tomber dans l'ennui. Une grosse surprise qui va droit au coeur, abordant des thèmes sans retenue (le mariage bénéfique), proposant des personnages élaborés et une mise en scène de grande facture pour un film doté d'un budget très limité. Il y a aussi ce contraste intéressant où l'on verra un court instant une partie du pays dans sa moitié "développée" avec ses hôtels luxueux et une autre, bien plus sableuse et impénétrable, pourtant bien plus accueillante. Un paradoxe social intelligemment abordé par le cinéaste, confrontant deux êtres socialement éloignés et dans cette perspective, sentimentalement éloignés. Tuya préférera ainsi "fonder" un foyer en compagnie de paysans de moyenne condition plutôt que d'aller perdre son temps sur les routes bitumeuses et les grattes ciels tapes à l'oeil. La condition d'une femme courageuse vue par Wang Quan An de la plus belle des manières, à la fois drôle et touchante, calme et hystérique, sûrement sauvage. Dépaysant.
Pas un poil ne dépasse !
Mille arpents de terre aride sans un brin d'herbe en trop, pas un nuage mal venu, pas un mouton pelé, pas un ger rapiécé, pas un fonctionnaire corrompu, pas un coffre à la peinture écaillée, pas la moindre allusion à la religion (faut le faire, en Mongolie même intérieure), pas de morve au nez des gosses, une idée de début de scénario, une galerie de personnages truculents, tout pour plaire à tout le monde.
(Pas à moi, mais je suis de parti-pris. Passant par la Mongolie il y a quelques années, j'avais choisi la solution de facilité d'un trek organisé, dont j'ai de mauvais souvenirs : quatre jours à s'enquiquiner dans la steppe, pour deux heures fantastiques à Karakorum, et le sentiment de m'être fait arnaquer ; le film m'a fait exactement la même impression.)
La femme et l'avenir de l'homme
Difficile de faire désormais la distinction ente les films typiquement formatés à un circuit festivalier et ceux bénéficiant d'un réel statut d'auteur – surtout au sein du cinéma chinois. "Le mariage de Tuya" est de ceux-là. Sympathique, à l'histoire (et l'héroïne) attrayantes (aux dents blanches immaculées et impeccables), le dépaysement est assuré avec cette romance entre plusieurs amours se situant au fin fond de la pampa mongole. Suite aux succès du "Chien Jaune" et "Mongolian Ping Pong", la Mongolie est définitivement un pays à avoir le vent en poupe – et de s'attirer les faveurs des sélectionneurs festivaliers et du public.
En revanche, l'histoire tourne assez rapidement court et rappelle même furieusement quelques succès du cinéma chinois du début des années 1990, "Qiu Ju" et "Ermo" en tête. La fin est évidente dès le début du film; restent quelques moments d'une beauté fugace, tel le dromadaire dans la neige.
En revanche, le réalisateur Quan'an ne semble ni vouloir exploiter son postulat à fond (sujet délicat désamorcé par un humour gentillet), ni être en mesure d'adapter sa mise en scène à l'ampleur de son sujet. Il est notamment fort regrettable, que la splendeur de la nature mongole ne soit mieux captée et intégrée au sein du récit. La scène du dromadaire dans la neige est – notamment – un moment très fort, mais platement capté à travers des plans insuffisamment élaborés. Tuya ne semble jamais perdue dans les vastes étendus et le drame de perdre en intensité.
Reste un spectacle haut en couleur, exotique, dépaysant et formaté à une gentille sortie en famille – mais sans le talent nécessaire à en faire une œuvre impérissable.