Ordell Robbie | 2 | Académique et n'évitant pas toujours les facilités pour émouvoir. |
MLF | 1 | Et la propagande fut... |
Ghost Dog | 3.5 | Contre l’oubli |
La bombe atomique a pendant longtemps été un sujet tabou au Japon, du fait d’abord de la censure US durant les premières années, puis ensuite du fait d’une sorte d’omerta qui, mis à part Shido Kaneto dans les années 50, a plongé ce grand traumatisme dans la dissimulation et l’évocation indirecte (cf. Godzilla). Ce docu-fiction de Kinoshita sonne donc la révolte en 1983. Suivront notamment Pluie Noire en 1989 (Imamura) ou Rhapsodie en août en 1991 (Kurosawa).
Œuvre parfaitement cohérente avec la filmographie de Kinoshita, un réalisateur qui n’a pas peur de la rupture et de l’innovation, mais aussi qui a toujours évoqué de près ou de loin toutes les ambigüités de l’Homme avec la Guerre, Les enfants de Nagasaki aborde le sujet de front, sans fioritures. On est d’abord invité à revivre les jours, puis les heures, puis les minutes précédent le second Grand Eclair qui frappa le Japon en ce 9 août 1945, à 11h02. A ce moment précis, tout s’est figé, et des dizaines de milliers de personnes ont été vitrifiées, évaporées, horriblement blessées. A travers la vision de la communauté catholique de la ville, à laquelle le Pape est venu rendre hommage en 1981 (des images d’archives au début le montrent s’exprimant en japonais sur les leçons de ce désastre), on suit ensuite une famille de civils parmi tant d’autres qui choisit de reconstruire une maison sur des ruines, parmi les âmes errantes, la radioactivité en surdose et les souvenirs chaque jour plus douloureux.
L’accent est porté ici sur l’incompréhension de la population autochtone, notamment sur le fait que les autorités japonaises, en se bornant à croire encore en la victoire, aient laissé frapper une seconde bombe atomique sur la ville, alors que la première bombe sur Hiroshima aurait dû suffire à stopper toute velléité. A l’opposé, l’image des américains n’est pas reluisante non plus : censure, patrouilles, et séances photos particulièrement humiliantes sont le quotidien de ces relations contre-nature entre vainqueurs et vaincus oscillant entre révulsion et fascination. Mais le thème le plus fort abordé par le film est celui de la transmission de la dureté de la vie aux enfants de Nagasaki. Témoins de toute cette horreur sans parfois la comprendre, ils doivent être confrontés, selon Kinoshita, à la réalité pure et dure, à la mort, aux blessures, à la maladie, pour pouvoir devenir des adultes responsables et conscients, capables de diffuser pendant le restant de leurs jours un message pacifique à leurs concitoyens. Une position courageuse, surtout quand on assiste aux dernières images, horribles, de corps déchiquetés que frôle une caméra volontairement complaisante. Effectivement, on ne doit jamais oublier ça…