Quel avenir ?
S’il n’est pas aussi passionnant que S-21, la machine de mort khmère rouge ou La Terre des âmes errantes, Les gens d’Angkor est cependant un documentaire intéressant qui a choisi de se pencher une nouvelle fois sur des gens en marge, les habitants et travailleurs du site touristique d’Angkor, visités chaque année par des milliers de personnes généralement aisées. Ces rencontres avec des tailleurs de pierre, managers de « fighting-coqs » ou jeunes vendeurs de souvenirs sont précieuses et riches d’enseignements : à l’interprétation des situations passées décrites sur les murs du site architectural, à la narration de légendes entourant les statues vénérées des temples, répond le quotidien difficile de ces hommes, ainsi que leurs craintes dans un avenir qu’ils estiment peu réjouissants : un jeune garçon rêve par exemple de devenir guide touristique et pouvoir présenter aux touristes l’immense culture de son pays, mais n’étant jamais allé à l’école, il ne se fait guère d’illusions. Et quand un gamin a son avenir bouché, impossible de ne pas être touché…
Je ne suis jamais vraiment rentré dans ce docu.
Souviens-toi les siècles derniers
Rithy Panh continue son travail de dépoussiérage de la Mémoire en s'attaquant cette fois à l'un des plus beaux monuments sur Terre, l'Angkor Wat. Bâtiment construit au XIIe siècle par le Roi Suryavarman II, la poursuite de sa construction fut délaissé à la mort du Roi pour véritablement "végéter" au cours des siècles (sans toutefois ne jamais être totalement abandonné) avant d'être "redécouverte" successivement au XVIe siècle par les portugais, au XIX par le naturaliste français (cocorico !!) Henri Mouhot avant d'être définitivement rénove tout au long du XXe. Classé au Patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1992, c'est le seul bâtiment à apparaître sur un drapeau national au monde…et il le mérite assurément.
Si le documentaire peut sembler avoir moins d'impact, que les autres œuvres de Rithy, c'est que les propos sont assurément moins glaçants, que dans la plupart de ses autres films. Il se dégagerait presque une zénitude et un bien-être à se balader entre ces vieilles pierres, emmené par le vivifiant guide Koy, qui apprend tout autant, que le spectateur au contact des autres guides, archéologues et restaurateurs présents sur les lieux.
En revanche, il faut voir au-delà des fresques, qui ne sont finalement que trompe-œil; car même dans cet endroit de calme et de quiétude, le souvenir du génocide est encore dans toutes les mémoires au détour de quelques discussions entre gens de la "vieille génération"; tandis que Koy, sans partager ces mêmes souvenirs, en est la conséquence directe, un enfant de la rue, qui tente tant bien que mal de survivre, en vendant ses services de guide aux touristes, en fonction de "leurs têtes" à monter ou réduire son prix…Un gamin incroyablement vif et débrouillard, mais que l'on sait condamné dans la société actuelle en raison de son manque d'éducation et de diplômes pour espérer embrasser un jour une grande carrière…
On pourra également s'agacer de certains artifices habituellement absents des films de Rithy, comme ces prières adressées aux Apsara, qui vont en partie se vérifier ou des impros forcément répétées avec les guides pour amuser Koy et le spectateur – une manière de faire, que l'on retrouvera d'ailleurs dans le futur "Les artistes…"; en même temps, elles n'enlèvent en rien la véracité des propos et s'intègrent parfaitement au récit, en explosant les carcans habituels du "photoreportage" de la plupart des documentaires.
Bref, une magnifique visite guidée de l'un des plus beaux monuments du monde, qui en dit bien plus long que la plupart des ouvrages et dépliants sur place en rappelant qu'au-delà des pierres et de l'ouvrage, il y a avant tout les hommes, leur travail et leur savoir-faire, qui aura autant perduré au fil des siècles, des tempêtes et des conflits essuyés, que ces vieilles pierres.