Xavier Chanoine | 3 | Un film |
S'il n'est pas d'un grand intérêt cinématographique, Love my Life est un film sur l'homosexualité traitant plutôt bien son sujet. Deux femmes, Ichiko et Eri la plus âgée vivent cachées du regard extérieur pour vivre pleinement leur relation. Un beau jour Ichiko décide de présenter son amour à son père qui vit seul avec elle depuis la mort de sa femme voilà quelques années. Ce dernier accepte la relation d'Ichiko et lui confie par la même occasion un secret qu'il cache depuis le début : il est homosexuel. Dès lors ce qui devait s'annoncer comme une terrible épreuve est un vrai soulagement aussi bien pour Ichiko que son papa, allant même jusqu'à présenter l'homme qu'il côtoie à sa fille. Le cinéaste évoque aussi la dureté d'être homosexuel(le) dans une société pas encore tout à fait tolérante sur le sujet, un comble quand on sait alors que le marché vidéo lesbien explose littéralement au Japon depuis quelques années. Délicat portrait de deux jeunes femmes dans l'air du temps malgré tout, Love my Life n'est pas pour autant fait que de rose et de jolies séquences de baisers, le film s'enlisant dans sa seconde moitié vers le mélodrame classique : Eri souhaite à tout prix réussir ses études d'avocate pour faire taire son père trouvant intolérable que sa fille suive un tel chemin, résultat, elle devra se séparer d'Ichiko jusqu'à la fin de ses études. Un cataclysme pour la petite, déjà pas bien sereine face à ses propres émotions qui la rend par moment très faible face à la tentation : elle est le genre de personne à tomber amoureuse d'une punk rien que pour ses cheveux, prête à tomber amoureuse aussi lorsque cette même personne se rend souvent au magasin de musique où elle travaille. Mais est-ce que cette coupure va jouer un rôle déterminant quant à la relation des deux filles? Non, au grand désarroi du spectateur qui attendait peut être autre chose de la part d'un cinéaste qui se contente au final que de brosser le portrait de deux jeunes femmes, d'évoquer les travers d'une société qui compte dans ses rangs plus d'homosexuels qu'on ne pense en insérant de-ci de-là quelques éléments scénaristiques histoire de tenir le film sur la longueur.
Malheureusement, ces petits "ajouts" ne sont qu'épisodiques : l'ex d'Eri, la punk et le petit ami du père d'Ichiko sont autant de personnages qui auraient gagné à être plus développés, mais qui ne font que combler les trous scénaristiques. Seul le meilleur ami d'Ichiko, lui aussi homosexuel, semble être plus important que la moyenne. D'autres à-côtés sont louables, comme la partie évoquant le rôle de traductrice d'Ichiko, mais là aussi on ne dépasse pas le stade d'épisode dans le film, juste là histoire de combler l'absence de sa petite amie perdue dans ses livres de droit et le roman "love my life" autobiographique qu'elle vient d'écrire, laquelle recevra le prix de meilleur nouvel écrivain en toute fin de métrage. Niveau happy end on est servis. Avec un sujet intéressant malgré quelques passes très convenues ne lui faisant pas oublier sa proximité avec le drama télé (gouffre à pognon lorsqu'il est question d'adapter un manga éponyme), Love my Life est une déception malgré de beaux moments de cinéma : la séquence d'ouverture et son jeu saphique en excitera plus d'un mais le traitement est d'une belle douceur, rejetant toute forme de vulgarité. De même, la première vraie sortie entre les deux filles dans les rues de Tokyo est aussi déjà vue que dynamique dans son exécution prouvant la bonne capacité des cinéastes nippons à filmer à l'arrache dans les rues bordéliques de la capitale, cependant la mise en scène en général ne fait jamais preuve d'une quelconque audace, elle en est même plate à l'image du score accompagnant le film, sorte de Superbus nippon pas bien frais. De jolis minois ne font pas forcément de bons films, mais Love my Life remplit correctement son contrat de drama réduit à 90mn avec ses qualités (belle interprétation, simplicité et vrai message social) mais aussi ses limites (mise en scène molle, rebondissements téléphonés).