Ordell Robbie | 2.5 | un mélodrame correct mais un Fukasaku mineur |
Pas de doute, cette Rivière Dotonbori est un mélodrame de facture correcte. Déjà parce que son scénario écrit offre une gallerie de personnages hauts en couleur bien développés et attachants: Kunihiko avec ses espoirs, sa fougue de jeune homme et ses sentiments sincères pour une Machiko plus agée que lui, la geisha Machiko touchée par sa pureté de caractère, Masao qui cache la tristesse de son existence derrière ses apparences de joueur de billard/flambeur invétéré, son père ancien joueur de billard dont le passé trouble sera progressivement révélé par le film. Sans compter un casting pas en reste pour rendre ces personnages-là touchants: Sanada Hiroyuki et son allure d'eternel adolescent, Takeuchi Testuo aux jeux de regards nuancés, Matsuzaka Keiko aussi charmante et talentueuse qu'elle l'était dans la Marche de Kamata. Si la photographie n'est pas extraordinaire, le film est dans l'ensemble bien mis en scène: une bonne réalisation classique meme si les zooms sont parfois quelconques, n'hésitant pas à changer de style -zooms plus brusques ou ralentis- lorsque le film devient plus intense d'un point de vue dramatique, un filmage des scènes de billard pas aussi virtuose que du Scorcese mais quand meme carré et efficace. Mis à part un solo de guitare trop daté eighties, le score est bien fait, lyrique ou bien mielleux juste ce qu'il faut pour du mélodrame.
Pareil pour le dosage du pathos: pas de trop plein à la Lars Von Trier qui serait imbuvable vu un scénario en faisant des tonnes rayon malheurs de ses personnages mais pas de trop de retenue qui aurait rendu le film trop froid. Et au final ça finit par offrir quelques moments vraiment émouvants: la rencontre accidentelle Kunihiko/Machiko, le moment où il lui déclare sa flamme en pensant pouvoir lui offrir la jeunesse éternelle grace à sa fougue, la face à face final par billard interposé de Masao et son père avec son coup de théatre et enfin alors qu'on croirait avoir atteint le sommet dramatique du film un final tragique qui porte l'estocade rayon émotion. Mais malgré tout meme s'il est touchant le film n'est pas pour autant un Fukasaku mémorable. Que manque-t-il? Quelque chose qui puisse lui faire dépasser le stade de film de commande exécuté par un yes man consciencieux qui a eu la chance de tomber sur un scénario moins navrant que ceux du Hollywood d'aujourd'hui et des producteurs qui ne lui ont pas imposé des mèches rebelles à la place de vrais acteurs.
Avec ses limites et ses défauts il restait quand meme un peu des thématiques de Fukasaku dans la Marche de Kamata; ici, il n'y a meme plus d'auteur cherchant à imprimer un peu de sa marque à une commande à la barre. De la part de n'importe quel yes man un tel film ne serait pas indigne mais on n'y reconnait jamais le cinéaste qui traumatisa les Tarantino, Woo et Kitano. Qu'on retrouvera un peu avec un Battle Royale en forme de revanche face aux années passées à cachetonner.