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Mai Mai Miracle

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les avis de Cinemasie

2 critiques: 3.38/5

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6 critiques: 3.42/5



Astec 3.75 Les ombres du passé...
Ordell Robbie 3 Des influences écrasantes mais parfois un début de personnalité.
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Les ombres du passé...

Quand en 2006 le studio Madhouse annonçait que ce serait Sunao KATABUCHI qui réaliserait l'adaptation en série animée du manga Black Lagoon, tous les amateurs d'animation japonaise pensaient le réalisateur quasi définitivement perdu. Cette annonce ponctuait plusieurs années plutôt anonymes pour l'ancien collaborateur et assistant clé de Miyazaki. Son premier film Princesse Arete (2001), produit par le studio 4°C après qu'il eut quitté le giron « miyazakien », avait  été difficile à monter et malgré ses qualités indéniables, ne lui avait visiblement pas permis « d'enchaîner » une fois le film achevé. KATABUCHI va alors passer quelques temps à faire des "piges" essentiellement pour le compte du studio Madhouse et de 4°C. C'est finalement Madhouse, en bien meilleures capacités financières, qui lui propose de diriger à nouveau un projet d'envergure, l'adaptation de Black Lagoon. Une façon de le remettre en jeu tout en servant les intérêts supérieurs du studio avec une série à succès. Car elle en a eu au point de motiver une suite sous forme d'OAV, encore réalisée par un KATABUCHI entre 2 films après Mai Mai Miracle. Visiblement, avec cette alternance entre projets défouloirs et rentables, et des oeuvres plus ambitieuses et personnelles, l'homme semble avoir trouvé la bonne carburation. Et Madhouse aussi qui gagne sur tous les tableaux.

Black Lagoon pour les chaînes TV et Mai Mai Miracle pour les festivals. A lui seul KATABUCHI résume bien une des caractéristiques de la politique de Madhouse. Et le réalisateur y trouve complètement son compte puisque Mai Mai Miracle fait une tournée plus qu'honorable de ces derniers. Le film est une réussite et KATABUCHI un réalisateur enfin "installé". Quasiment libéré après qu'Isao TAKAHATA, avec qui il a également travaillé dans le passé, lui ait fait part de son soutien après une projection publique de son film dans une salle de Tokyo (1). A la vision de l'émotion bien réelle manifesté par le réalisateur lorsqu'il relatait cet épisode, on imagine toute l'importance que revêt encore sa période Ghibli. La  séparation fût difficile, accentuée sans doute par la réaction visiblement sans concession de MIYAZAKI (2) pour ce qu'il a sans doute assimilé à une espèce de trahison ou de démission. Mais l'assentiment de TAKAHATA à son travail, à son film, n'est pas seulement une forme de réconciliation entre KATABUCHI et son passé, c'est également la manifestation du lien entre son travail et celui de TAKAHATA.

               

Car contrairement à l'opinion généralement entendue en sortant d'une projection de Mai Mai Miracle, le film est bien loin des influences de MIYAZAKI. Passé les ressemblances formelles entre le style Ghibli et les designs de Mai Mai Miracle, le film de KATABUCHI a bien plus à voir avec la façon dont TAKAHATA aborde l'animation, explorant une voie divergente (opposée ?) de celle de MIYAZAKI, une voie qui évite le choix de la pure fantasy et des séquences animées artificiellement excitantes pour ancrer ses sujets bien profond dans la réalité. On mésestime toujours, injustement, l'importance de TAKAHATA dans l'histoire de l'animation japonaise, l'impact qu'à eu son travail sur MIAYZAKI déjà, mais sur plusieurs générations d'animateurs. Si MIYAZAKI est admiré, TAKAHATA est étudié. Et c'est ce qu'à fait Sunao KATABUCHI quand il était plus jeune : " Ce qui est sûr concernant le travail de Mr Takahata c’est qu’à une époque la série Heidi (1974), qu’il a réalisé, a constitué pour moi une sorte de référence très importante. Il y a une période vous savez où j’ai vu et revu cette série de façon très répétée et j’en ai retiré une impression de très grande profondeur. Ça m’a marqué au point que dans des scènes de cette série, à priori totalement anodines comme des séquences de la vie quotidienne, j’ai pu être ému aux larmes alors même que j’étais déjà adulte. C’est une expérience et une impression que j’ai essayé de retrouver à travers Mai Mai Miracle.  Et si bien entendu en tant que réalisateur cela ne fonctionne pas sur moi, apparemment un certain nombre de spectateur du film ont pu être ému aux larmes de la même façon que je l’avais été au spectacle de la série de Mr Takahata ". 

Princesse Arete
, tout en accordant une vraie part à l'imagination, dénotait déjà le même esprit dans la façon dont les structures traditionnelles du contes y étaient investie par un impératif de réalité quasi naturaliste. On retrouve le même soucis de réalité et d'authenticité dans Mai Mai Miracle, et avec une place toujours aussi importante accordée à l'imagination non comme moyen d'évasion mais comme voie d'exploration. Il y a de vraies accents communs lorsque KATABUCHI dit en parlant de Mai Mai " (qu') il y a une chose primordiale dans ma démarche lorsque je fais  travailler mon imagination pour donner forme à quelque chose, c’est de prendre garde à ne pas me perdre dans l’exploration de mondes purement chimériques, déconnectés de la réalité. Il me semble que ces éléments issues de l’imagination ne peuvent prendre un sens réel, solide, qu’en étant inséré et enraciné dans un univers lui-même porteur d’un effet de réel, un monde chargé d’une forme de réalité "; et que l'on reprend les propos de TAKAHATA lorsqu'il évoque (3) sont propre travail en indiquant que " ce qu'’il y a également d'important pour moi dans Horus réside dans une posture qui consiste à maintenir le spectateur dans sa position (ndr- à distance) et non à le saisir et à l'euphoriser comme dans le travail de Mr Miyazaki. (...) Notre ambition était de raconter une histoire réaliste, crédible, et dans ce cadre créer une certaine distance ".

               

Mai Mai Miracle est-il un film destiné aux enfants ? Autant que l'oeuvre d'origine serait-on tenté de répondre, à savoir une autobiographie d'une personne née en 1946. C'est d'ailleurs à l'initiative de Jungo Murata, président du studio Madhouse, que le projet s'est monté après qu'il ait lu le livre qui lui rappelait sa propre enfance, lui-même étant originaire de la région où prend place l'action. Si le film s'adresse aux enfants, et ils s'adresse à eux, il s'adresse tout autant aux adultes, et sans doutes un peu plus lorsqu'on écoute Sunao KATABUCHI en parler : " Je voulais décrire cette période de la vie non pas comme un moment qu’il s’agit de traverser seul et isolé, mais  en compagnie d’amis, car on se découvre en gagnant des amis. Par ailleurs Mme Takagi est un auteur qui écrit de la littérature " pure ", si on peut se permettre cette étiquette, ce qui signifie d’emblée que son livre n’est pas un roman qui s’adresse exclusivement aux enfants. C’est aussi un roman en direction des adultes, un roman découpé en 26 épisodes et à leur lecture je me suis rendu compte que dans chacun de ces épisodes, d’une façon ou une autre, se trouve abordé un sujet lié à la perception de la mort vue par un regard d’enfant. C’est pourquoi je me suis aussi attaché à traiter ce sujet dans mon adaptation et au-delà de la description des jeux propres à l’enfance, c’est la réelle question qui sous-tend le film. "

A cela KATABUCHI a ajouté une dimension supplémentaire en introduisant une réflexion sur le temps dont la force tient à la façon dont l'animation permet de naturellement mettre en scène réalité et imagination. C'est ainsi qu'évocant les réactions du public originaire de la ville où l'histoire se déroule, le réalisateur résume bien un des points forts de son film  : " Il y a une forme de superposition – de strates - de moments différents, de temps différents dans le récit et à travers le film les gens de la ville peuvent les percevoir de façon plus nettes : il y a d’abord la région telle qu’elle était plus de 1000 ans dans le passé, il y a ensuite le temps du récit, juste après-guerre, qui nous présente une autre vision et enfin notre temps qui est celui des spectateurs. Tout cela leur permet de percevoir le temps dans son épaisseur, pas ce qui manque où ce qui a changé simplement… " (4)

               

Mai Mai Miracle est un film émouvant, pas larmoyant mais émouvant. Mis en scène avec intelligence et sensibilité, le film est porté par une réalisation de qualité. Sans bénéficier d'un budget à la Summer Wars (face auquel Mai Mai tient parfaitement la comparaison dans son registre, et peut-être un peu plus selon les goûts) également produit par Madhouse presqu'en parallèle, le film s'en tire très bien artistiquement et dénote la qualité du staff. Tout au plus peut-on pointer, au milieu d'une pléthore de scènes à l'animation exemplaire (voir la scène où les enfants se saoulent avec des bonbons à l'alcool), quelques séquences un peu plus faibles, mais il faut avoir l'oeil. A défaut de le voir en festival, sur grand écran, Mai Mai Miracle est un film qui méritera sans réflechir son achat en DVD.

Notes :

(1) A ce propos KATABUCHI raconte : " Un jour que j’étais en train de présenter mon film dans une petite salle de Tokyo, un cinéma où j’avais l’habitude d’intervenir de cette façon tous les jours, j’ai eu la  surprise de voir Mr. Takahata venir assister à l’improviste à la projection. Et en sortant de la séance il est venu me voir sans rien dire et il m’a simplement tapoté l’épaule de cette façon… (ndr : mime une tape amicale et encourageante). Pour moi c’est quelque chose dont je suis très fière car ayant été assistant de Mr. Takahata dans le temps et tout au long de mon parcours j’ai eu à de nombreuses fois l’occasion de recevoir de sa part des avis  très sévères. Et donc recevoir de sa part une réaction de cet ordre là à mon travail, c’est un peu comme recevoir une médaille.

(2) Une anecdote personnelle qui vaut ce qu'elle vaut : un ami qui dinaît avec Katabuchi alors que ce dernier était invité par le festival Nouvelles Images du Japon à Paris en 2001, année de la venue de Miyazaki au festival également, a ressenti un malaise bien palpable lorsque le réalisateur de Ghibli, accompagné de son producteur Toshio Suzuki, s'es tretrouvé au même endroit pour dîner sans qu'un mot ne soit échangé...

(3) Propos receuillis en décembre 2003 au Festival Nouvelles Images du Japon. Pour lire l'intégralité de ses propos : http://www.cinemasie.com/fr/fiche/oeuvre/horus/presentation.html

(4) Tous les propos de KATABUCHI Sunao rapportés ici sont tirés d'une interview réalisée en février 2010 . Pour de plus amples renseignements sur la carrière de ce dernier se reporter à l'interview disponible sur sa fiche CinemAsie : http://www.cinemasie.com/fr/fiche/dossier/436/



30 mai 2010
par Astec


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