Xavier Chanoine | 2.5 | Violated Angels |
Bande annonce
Mandara de Jissoji Akio est à l’image de This Passing Life, sa précédente réalisation et premier long-métrage de cinéma, une expérience formelle de tous les instants. Pour sa seconde collaboration avec le studio ATG, le cinéaste réussit à développer une intrigue étouffante sous fond de religion (ou de secte, c’est au choix), où tous les repères spatio-temporels semblent être partis en fumée et ce, dès le départ. Comme une envie manifeste de créer le décalage entre la perception du spectateur vis-à-vis de ce qu’il voit, et les sensations des protagonistes vis-à-vis de ce qu’ils vivent. Au travers de dialogues philosophiques abscons, où cette « nouvelle génération » de bouddhistes tente de donner une véritable définition à ce qu’est le genre humain ou l’érotisme, entre autres, le cinéaste prend le risque de manipuler les sens du spectateur pour le mener vers des territoires brumeux.
Dès son entrée chaotique où deux couples s’échangent leurs partenaires, il est difficile de se situer quelque part : entre cette lumière blanchâtre et ces chambres du motel rappelant l’expressionisme allemand des années 20, de part leur architecture biscornue et les angles de vue improbables, tout arrive très vite. Il est en effet fréquent de voir plusieurs types de mise en scène dès lors que l’on passe à une autre scène : croisement là-aussi improbable entre le cinéma théorique et expérimental de Yoshida Kiju et la verve révolutionnaire des marginaux du cinéma de Wakamatsu Koji, Mandara impressionne autant qu’il rebute. Sur le plan strictement formel, le film enchaîne les prouesses délirantes en usant et abusant du grand angle pour étirer les lieux, les rendre irréels, ou souligner la folie qui s’empare des protagonistes en grossissant les traits des visages, comme pour les rendre absurdes. Absurde, à l’image de ce petit groupe sectaire recrutant des fidèles par la force, le viol et la violence. D’où cette impression d’écœurement à force d’assister à une série de viols plutôt abjectes, où les protagonistes ne se cachent pas de vouloir faire l’amour à des « corps », vivants ou inanimés. Le film peut paraître également misogyne à cause du discours peu clair du cinéaste, de son rapport à la sexualité et de son manque de distanciation vis-à-vis des actes d’un autre âge qui sont ici exécutés. De plus, si l’expérience visuelle est détonante, le cinéaste s’amusant à jouer sur les fausses pistes (l’usage du noir et blanc n’est ici pas synonyme de retour dans le passé) et l’espace (deux personnages ne discutent pas à même distance lors d’une coupe) comme pour semer une fois de plus le trouble, l’intrigue met un temps fou à se mettre en place. Mais étonnamment, le film ne paraît jamais trop long malgré ses 2h15 bien remplies, Jissoji Akio réservant systématiquement sa petite surprise formelle sortie d’un imaginaire farfelu : ses travellings effrénés en bord de mer font à chaque fois mouche par leur intensité, et sa dernière partie désespérée est un immense moment de cinéma, symbole d’un échec collectif plutôt rassurant au final. Il fallait bien cela pour garder l’attention du spectateur jusqu’au bout.