Xavier Chanoine | 3 | Inégal, vraie évocation de la frustration sexuelle et de la perversité qui en d... |
Le hasard fait parfois bien les choses. En n’attendant absolument rien de Man, Woman & the Wall on ne peut même pas être déçu par la pauvreté de la mise en scène ou de la direction des acteurs « démerde-toi mais sors ton texte à peu près correctement ». Et puis avec en tête d’affiche Sora Aoi, star au Japon pour sa généreuse contribution au marché du film AV, on voit tout de suite l’état de la marchandise. Pourtant malgré tous ces petits aprioris (Sora Aoi n’en est pas un, au passage) le film de Yamamoto Masashi réussi à être particulièrement intéressant lorsqu’il s’agit d’évoquer la perversité masculine qui se cache derrière toute personne un temps soit peu propre sur elle, du moins en apparence, c’est le cas de Ryo et Yuta. Ryo vient d’emménager dans une résidence en banlieue et du fait d’une cloison murale particulièrement fine il peut entendre tout ce qui se dit ou se chuchote en tendant bien l’oreille. Il découvre donc que sa voisine, Satsuki, reçoit des appels téléphoniques d’un pervers, laquelle appelle immédiatement son petit ami Yuta qui rapplique aussitôt et qui curieusement en profite pour lui faire l’amour. Ryo imagine cette dernière et la configuration de son appartement simplement par le bruit de ses pas, le bruit de l’eau qui s’écoule de sa pomme de douche, les mâchements lorsque celle-ci prend ses repas. Tout comme Satsuki, Ryo vit seul dans son appartement et n’a que pour seul compagnon son casque et un capteur permettant d’amplifier le son : il épie par le son les moindres faits et gestes de la demoiselle, jusqu’à se masturber en pensant à elle. Car oui, même s’il n’est pas méchant, Ryo n’est qu’un « petit branleur ». Un peu comme Yuta, mais ce dernier est bien plus dangereux car en plus d’être l’auteur des appels téléphoniques pervers, il espionne Satsuki grâce à une caméra cachée dans son appartement. Depuis sa voiture il prend plaisir à effrayer sa petite amie et à se masturber en la voyant. Charmant programme que Ryo compte bien dénoncer par tous les moyens, lui qui commence à s’attacher à la jeune femme et à comprendre que Satsuki trouve son compagnon de plus en plus étrange.
La thématique de la solitude amoureuse est l’un des facteurs les plus intéressants de Man, Woman & the Wall. Le film débute d’ailleurs par une succession de scènes d’espionnage du quotidien où Ryo tente de voir sa voisine par l’œillet lorsqu’elle passe devant son palier, malheureusement cette dernière est toujours de dos. Et cette idée d’imagination (comment est-elle physiquement, comment est son appartement, comment est son petit ami ?) passe par la mise en scène et donc par la représentation des êtres et des lieux dans une forme purement fictive, avant que Ryo ne découvre le vrai visage de Satsuki qui est au départ jouée par une toute autre actrice que Sora Aoi, Ryo l’imaginant de cette manière et pas d’une autre. De même que son appartement qui s’apparente au début bien plus à un décor de film porno avec ses tissus roses et ses matelas moelleux, qu’à un vrai appartement. Cette idée de mise en scène est particulièrement intéressante et ne relève pas d’un tour de passe-passe de petit malin qui prendrait son pied à mener son spectateur en bateau, elle est la représentation de l’imaginaire. Pas de doute on est bien au cinéma. Le spectateur exigeant quant à la marchandise reculera devant l’absence de vrai sens du cadre et de lumière inexistante, donnant ainsi une saveur de produit amateur tourné par une bande de potes qui rêveraient de faire du cinéma sans en avoir réellement les moyens. Les idées sont là, comme les thématiques dangereuses du faux-semblant et de l’obsession symbolisées par la présence de deux individus masculins tous deux dérangés mais dont le degré de dangerosité varie bien plus chez l’un que chez l’autre. Si le cinéaste n’est pas un roi de l’image, l’ambiance étouffante est bien retranscrite par la présence de plans rapprochés sur Ryo lorsque celui-ci rase le mur qui le sépare de Satsuki. Des idées de mise en scène jouant la carte d’une certaine retenue notamment lors des passages en caméra cachée ne dévoilant rien de complaisant, la caméra s’attardant bien plus sur le personnage pervers –donc honteux- que sur la victime.
En revanche, avec une idole de l’ampleur de Sora Aoi, le cinéaste remplit son cahier des charges avec trois séquences érotiques qui n’exciteront personne, ce n’est pas le but recherché. Yamamoto Masashi préfère semble t-il là aussi s’attarder durant ces scènes sur le comportement « bestial » de l’être qui désire Satsuki pour sa paire de loches plutôt que pour sa personne, et va jusqu’à jouer de la séparation murale entre celle-ci et Ryo pour faire naître le désire. L’air de rien, il y a de vraies idées même lorsque le film enclenche la seconde pour mettre en scène Sora Aoi et l’inconnue Nishino Sho (le temps d’une scène) dans des ébats amoureux avec leurs hommes où le quota de palpages mammaires et de lèchements d’oreille est soigneusement respecté. Et lorsque le film part en sucette sévère lors de son dernier quart d’heure explosif, le spectateur ne prend plus personne au sérieux et espère bien qu’une seule chose, que Ryo puisse enfin laisse tomber « madame 5 » pour une vraie expérience charnelle avec celle qu’il épie depuis un petit bout. Cela tombe bien, elle semble consentante même après avoir découvert l’installation sonore de Ryo après s’être réfugié chez lui le temps d’une empoignade à côté. Une vraie coquine Satsuki ! Finalement Man, Woman & the Wall est un film bâclé dans pas mal de compartiments, il contient son lot de séquences absolument inutiles cassant un peu le rythme d'ensemble et fait preuve de vraies faiblesses d'écriture. Mais ses bonnes idées énoncées plus haut et son ambiance claustrophobe l'emportent sur tous les défauts possibles et inimaginables et dieu sait qu'ils sont nombreux. Du bon boulot un peu vicieux mais sincère.