Astec | 3.25 | Excellent remake dans le contexte du factionnalisme de Rayalaseema |
Ordell Robbie | 2 | Remake banal car le KEATON contenait déjà les clichés de Bollywood. |
Je le trouve plus amusant que le Buster Keaton (Our Hospitality, 1923. Très bon et visible sur YT) et je suis un grand amateur de cinéma muet. Rajamouli garde le scénario, la structure, certains gag, mais l'adapte totalement au contexte indien du sud et à son industrie ciné (le film propose une variation comique du sous genre Tollywood "film de factions"), insufflant ainsi une nouvelle vie à l'histoire originale (elle même inspirée d'une fameuse vendetta de l'histoire US).
Une vieille querelle entre deux familles du Sud est ravivée lorsqu'un héritier perdu revient dans sa ville natale pour réclamer la succession de son père. Optimiste, il revient sans se douter des dangers qui l'attendent. Invité à la maison de la famille qui veut se venger par leur fille qu'il a rencontré dans le train lors de son voyage aller, il réalise le danger, et aussi que ces derniers ne peuvent l'assassiner tant qu'il reste dans la maison car cela irait à l'encontre de leur tradition de bonne hospitalité...
J'ai pris le résumé du film de Keaton et simplement enlevé les noms. Rajamouli semble d'ailleurs plutôt à l'aise avec ça, il en parle ouvertement, déclarant comment il a notamment essayé de retrouver des ayants droits de Our Hospitality (désormais dans le domaine public). Dommage par contre que Maryada Ramanna ne cite pas le film de Keaton quelque part dans ses crédits, en tous cas si c'est le cas cela n'a pas été traduit. La bonne inpiration de Rajamouli est d'avoir vu le potentiel de l'histoire dans le contexte indien, plus spécifiquement dans le contexte particulier du phénomène du "factionnisme/factionnalisme" de Rayalaseema, une région de l'Andhra Pradesh, un des 2 états du sud de l'Inde de langue télougou. Le factionnalisme, c’est-à-dire dans ce cas la solidarité verticale entre des dominants et leurs clientèles au sein des castes dominées, qui dans un contexte de violence sociale et politique peut s'exprimer dans des révoltes paysannes (dans la réalité souvent menées par les différents groupes maoïstes indiens), des guerres de clans politiques, des vendetta classiques (comme dans le film), ou encore d'entreprises criminelles se battant pour le contrôle des trafics ou des ressources naturelles dans le contexte de la mondialisation... C'est souvent, visiblement, un peu de tout ça dans la réalité, moins dans les films. Pour ce qui nous occupe ça veut dire une vengeance encore plus vengeresse, plus de monde qui cherche à se venger, avec des gueules bien plus menaçantes et une radicalité toute locale que Rajamouli prends le temps de bien souligner dans la séquence d'introduction. Il faut aussi ici comprendre que ce qui paraît du folklore pour nous ne l'est pas pour ce film, que ce soit au moment de sa sortie ou aujourd'hui : c'est toujours la réalité de l'Inde, les faits divers liés au factionnisme n'ont pas disparu, les meurtres (dans les plusieurs dizaines de milliers cumulés depuis 40 ans) n'ont pas cessé...
La partie d'introduction du personnage principal - très bien campé par Indukuri Sunil Varma (dit "Sunil") - est quant à elle enlevée, comique et s'offre déjà une des séquences folles du film, la scène que j'appelle "La chanson du chômeur télougou", lorsque le héros chante sa détresse juste après s'être fait licencier : une séquence devenue virale sur le net, la grosse scène sfx de cette séquence (chantée) étant bien connue des jeunes amateurs d'animation qui l'ont détourné à foison. Un mème... Ne serait-ce que pour cette scène et son impact mondial (je lisais encore un gros thread twitter très récent qui soulignait la "qualité d'animation" de la scène: "peak animation" comme disent les djeuns), le remake "se justifie". Dommage que les 2 autres séquences de chant ne soient pas aussi fun. Une fois déplacée dans le village natal du héros, l'action se déroule essentiellement dans la maison familiale, avec plein de personnages, de situations vaudevillesques et de quiproquos, avant le grand final en forme de course poursuite et une résolution toute positive (comme dans le film de Keaton).
Un mot sur le vélo en passant, accessoire de modernité présent chez Keaton qui introduit son personnage sur un vélo, tout comme Rajamouli qui fait du sien un coursier à vélo et dans le processus le sort du champ de la technologie/modernité (qu'il n'est plus de toute façon) pour le verser dans celui de la magie : il positionne le vélo comme un personnage secondaire, le dotant de la parole (juste méta, en direction du public) avec la voix de l'acteur Ravi Teja et le met en vedette dans deux scènes d'action.
Une très bonne comédie malgré quelques longueurs, filmée avec qualité (il y a plein de plans excellents), qu'il est possible de voir légalement en ligne sur YT, avec sta.