Film à défendre, parce que fragile et attaqué.
A en juger par les critiques qu'on lui fait, la complexité deviendrait un défaut. Certains reconnaissent que c'est eux aussi qui manquent de disponibilité pour un tel film, ce n'est pas un film pour le matin, ou pour le soir quand on est fatigué. Maintenant il faut des films qui réveillent ou sont digérables. Notre guide suprème adoré François dit même qu'il faut de l'efficacité, "une B.O. dangereuse", des tubes quoi, du truc qui pulse. Eh tous les films vont pas être comme "Supergrave" non plus?
Members of a funeral souffre de la comparaison avec le percutant Breathless. IIs se retrouvent comme deux potes dans les sélections depuis Pusan, Breathless c'est le grand sportif caillera qui plait aux filles et repart avec la plus belle, Members c'est le souffreteux littéraire qui tient la chandelle. On dit que Members s'exprime pas très clairement. C'est sûr que Breatless, il est cash : shipal, shipal... Members c'est plutôt "heuh, excusez moi, il me semble qu'on peut dire cela autrement..."
Members of a funeral n'est quand même pas un génie incompris, mais peut être bien un génie précoce. En tous cas, un fort en thème comme on en a rarement vu ces derniers temps. La première heure du film est somptueuse parce qu'elle introduit dans le cinéma asiatique un souffle romanesque issu de la littérature (un personnage se fait appeler Mary Shelley), de Truffaut, du cinéma indépendant américain (il y a du Donnie Darko ici) et de la série feuilletonesque.
L'ensemble se base sur une idée de scénario brillante : celui qu'on enterre est raconté, imaginé, voire incarné par un des proches qui assistent à ses funérailles. Une manière de raconter le souvenir autant que les fantasmes qu'un être suscite. D'où une structure complexe ou l'on se perd un peu, certes, mais souvent avec fascination. Le film a le même défaut que ses camarades asiatiques actuels : il se délite, ne sait pas finir, tire jusqu'à 2h alors qu'il aurait du s'arrêter un quart d'heure avant.
Mais cela reste un premier film, et même un film de fin d'études (à la KAFA). Et là comme dans d'autres films coréens, la qualité d'ensemble est sidérante : acteurs parfaits, beaux cadres. Une démonstration de talents bouillonants, il y a milles envies de cinéma ici, mais sans citation directe ou plagiat honteux. Juste l'envie de viser haut, de ne pas faire un teenage movie comme le bon voisin de classe. Baek Seung-bin (Members of a funeral) est tout aussi hors du commun que Jang Ik-june (Breathless). Le second a les honneurs, c'est le héros de la classe, le premier a les bonnes notes, c'est le chouchou du prof, alors forcément il est pas invité aux teufs. Mais un jour une fille du lycée se dira qu'il a quand même de la classe et le choisira pour le bal de promo (dans un monde où les teenage movies américains disent vrai).