Fablin | 3 | |
Xavier Chanoine | 3 | Souvenirs et espoirs brisés : une romance sensible et pleine de charme |
Elise | 2.75 | Toujours délicieuses, ces comédies romantiques taïwanaises |
Anel | 2.5 |
Bande annonce
Il souffle dans le film de ce tout jeune réalisateur un vent d’insouciance, de légèreté et d’amour timide. La prudence est de rigueur, tout comme le dévoilement des sentiments, pour ne pas froisser celle que l’on aime au détour d’un baiser sur le front. Wong Kar-Wai et ses acolytes de Jet Tone ont confié ce projet à un nouvel arrivant, pas rien. Le film se déroule à Taïwan, de nos jours, et prend lieu et place au départ au sein d’un lycée accueillant un nouvel arrivant, une jeune et timide japonaise plus connue sous le nom de Miao Miao. Au départ draguée par ses futurs camarades masculins, la petite va rapidement être prise sous l’aile de Xiao Ai. Ce « petit amour » de jeune adulte (elle vient d’avoir 18 ans) s’attache rapidement à Miao Miao, japonaise mais au chinois parfait, et la convie dans son équipe de cuisinières représentant leur école. Logique lorsque cette dernière maîtrise le fouet bien mieux que ses nouvelles amies. Mais au fur et à mesure que les deux nouvelles amies passent du temps ensemble, entre les repas à l’école, les sorties nocturnes et les squattages de chambre, Xiao Ai semble être plus qu’une amie auprès de Miao Miao. Tomberait-elle amoureuse ? Le problème est qu’à trois pâtés de maison de là, Miao Miao tombe sous le charme d’un vendeur de disques d’occasion, Fei, discret et très silencieux, alors qu’elle cherchait un disque que lui faisait écouter sa grand-mère durant son enfance. Il s’avère néanmoins que Fei tente d’oublier le passé, à l’époque où il était guitariste d’un groupe de rock indépendant avec son petit ami malheureusement décédé…
Cheng Hsiao-Tse, réalisateur mais également scénariste, tourne donc son histoire autour d’un trio amoureux très simple, mais plus complexe qu’il n’y parait. Complexe parce que Miao Miao et Xiao Ai sont à l’aube d’une nouvelle vie, celle des adultes, et ne semblent pas encore familières avec ces sentiments opposés : l’une ressent des choses pour l’autre, mais pas de manière réciproque. Du moins, pas de la manière qu’aurait espérée Xiao Ai, petit bout de femme pleine de vie et d’énergie communicative. Moulin à paroles sans être braillarde, elle fait découvrir les joies du Taïwan nocturne à sa nouvelle amie en lui mettant sous le nez quelques spécialités locales comme ces pattes de poulet achetées au détour d’un marché qui la répugne plus qu’autre chose. Cette dernière vit plutôt bien l’aventure bien qu’elle reçoive régulièrement des coups de téléphone de sa grand-mère atteinte de la maladie d’Alzheimer, qui se croit être sa copine. Le film prend donc le temps d’étudier ces rapports naissants entre deux amies proches. Parfois même très proches même s’il ne sera jamais question de roulage de galoches, au grand dam de nos cinéphiles les plus vilains. Juste des câlins, une épaule sur laquelle on peut se reposer en cas de pépins sentimentaux, mais également des larmes de désillusion dues à un amour impossible entre trois personnes à la sexualité bien différente. Résultat, un amour forcément impossible, mais beaucoup de non-dits. Mais du fait de ces non-dits, Xiao Ai et Miao Miao gardent espoir aveuglément. Il ne sera jamais question de rejet.
Xiao Ai aime Miao Miao, un peu comme dans Les amants du Spoutnik de Murakami Haruki, où Sumire désire Miu sans pour autant que cette dernière accepte les sentiments de la jeune fille : elle les comprend, tout simplement. Elle veut son bonheur et éviter de la froisser. Ce n’est qu’une idée, mais les deux jeunes filles étant ici si proches que l’on ne peut qu’évoquer cette idée. Juste y penser, comme ça, l’air de rien. Et puis, ce n’est qu’une expatriation de 6 mois pour Miao Miao, ce n’est qu’une expérience à la fleur de l’âge. Seul le personnage de Fei, impassible vendeur de disques, apporte un peu de piment et de jalousie, forcément. Mais l’intérêt de ce personnage approfondit la narration qui s’accommode alors de nombreux flash-back sur le passé de guitariste de ce dernier et la relation qu’il entretenait avec le chanteur du groupe. Sans être non plus particulièrement intéressante, cette histoire pousse Miao Miao un peu plus vers les sentiers du film larmoyant. Son dernier tiers est d’ailleurs un récital de procédés lacrymaux chers à l’industrie : une ballade mandarine assez mielleuse, des larmes, et un final réalisé et monté dans le simple but de faire pleurer la ménagère, logique lorsque Miao Miao repart pour son pays en laissant celle qui l’aime (et qui ne lui a pas dit) désespérément seule. Seule avec son père dont elle finira par se rapprocher et mieux comprendre à l’avenir en faisant un travail sur elle-même, tandis que le film penche alors vers un happy-end finalement honorable et préférable. Le film est beau, mignon, et doté d’une admirable photographie concoctée par Kwan Pung-Leung qui travailla notamment sur The Postmodern Life of My Aunt de Ann Hui. Son travail ici se rapproche des plans virtuoses et légers en caméra portée des films de Iwai Shunji, avec ses couleurs saturées, ses flous artistiques en pagaille et son montage d’une exquise discrétion (à l’image des sentiments des deux amies) concocté par William Chang, directeur artistique et monteur de géni. Sans être renversant ni même un tant soit peu innovant, Miao Miao reste une petite bouffée d’air frais naïve et rêveuse, sans doute mielleuse mais loin d’être idiote.