Xavier Chanoine | 2.5 | Hear my train comin'... |
Junta | 4 | Kitamura en mode yes man insolent adapte Barker... ça marche ! |
Arno Ching-wan | 3.75 | Filer le train du boucher |
Continuant de croire, jusqu’à preuve du contraire, que l’entreprise Kitamura est une belle arnaque, l’adaptation d’une nouvelle de Clive Barker a de quoi surprendre. En effet, comment allier l’univers clippesque et peu sérieux du réalisateur de Versus, lol, et l’étrangeté asphyxiante de l’œuvre du romancier spécialiste du fantastique contemporain ? L’alchimie est possible, mais dans tous les cas elle ne produit pas l’effet escompté si l’on s’attend à être transporté dans une espèce de moiteur sortie des entrailles de l’enfer, à la manière du vieillissant premier volet d’Hellraiser. Prenons alors Midnight Meat Train comme une bonne pièce de viande à la cuisson bleue plutôt qu’une côte sèche, sans toutefois espérer un met qui ne soit pas persillé entre les meilleurs morceaux : ici, on trouve du gras dans les hauteurs du métro, très nulles mais permettant aux bases du métrage d’être posées, d’allonger un peu le récit : Léon est un photographe qui se doit d’améliorer son travail pour être exposé lors d’une importante soirée. Habitué à capter la ville, il faut qu’il fasse néanmoins preuve de plus d’audaces en allant plus loin dans son travail. Le grand saut dans le glauque intervient lorsqu’il se retrouve face à une agression dans le métro, qu’il photographie sans attendre. La jeune femme, une fois débarrassée de ses agresseurs, rentre dans un des wagons du train mais ne sait pas quel sort on lui réserve. Le lendemain, Léon apprend dans les journaux que la jeune femme, une mannequin d’origine japonaise, est portée disparue. Le travail de Léon va alors peu à peu se muer en une véritable enquête policière qui aboutira dans les sous-sols de la ville.
Comme dit plus haut, tout ce qui ne concerne pas « le train de l’abattoir » frise très souvent le zéro. Du moins, l’excité Kitamura se transforme alors en cinéaste hollywoodien anonyme de plus, pas vilain mais sans aucune saveur : le gentil couple Léon/Maya se bécote, se protège et se fait confiance malgré tout. Magnifique, surtout lorsque la demoiselle s’improvise inspectrice avec le collègue et ami de son copain, on n’y croit pas une seconde mais l’ensemble participe à remplir le cahier des charges de tout bon thriller qui se respecte. Plus sérieusement, voir des boites crâniennes exploser à l’écran sont autant de sensations jouissives que gênées, tout l’art de Kitamura de décomplexer le film de genre en y apportant ce qu’il faut de « farce » (continuons à parler bouffe) pour rire du pire, dans une rigueur quasi psychopate : hommes et femmes sont alors écrabouillés, éventrés, suspendus à la cheville par un crochet de boucher, dans une hystérie quasi punk mais sincère. Kitamura n’expérimente rien comme on lit à droite à gauche, mais réussit à moderniser les techniques de cinéma en multipliant les effets sympathiques aussi bien visuels que sonores : vue subjective pendant la mise à mort, reflet d’un personnage dans un bain de sang sortant de sa jugulaire, légers filtres troubles provoquant la coupure des deux mondes à savoir le train et les hauteurs de la ville. Et si l’on croit jusqu’au bout que l’entreprise Kitamura persiste dans le gratos, le dernier tiers justifie les massacres et penche vers le fantastique davantage que le thriller. A ce tarif le personnage du boucher, machine encore plus impassible que le Schwarzy de Terminator, est sans doute plus qu’un simple maniaque. Au final, s’il est loin d’être un classique du film de genre, Midnight Meat Train propose un spectacle gore –synthétique- de bonne facture et garde le rythme malgré les pauses aériennes plus nunuches qu’autre chose. Rassurant, tout de même, à condition d'en rire.