Dans la famille des trésors du cinéma coréen des années 30 je demande Military Train plus qu’un autre. D’accord, le film fait toujours parti de ces œuvres tournées durant l’ère coloniale nippone n’hésitant pas à glorifier l’armée du pays du soleil levant à travers deux scènes/deux discours sacrément appuyés de ce côté. De plus, le film n’hésite pas à montrer la puissance des machines à vapeur coréennes à coups de plans larges sur ces dernières, sur ses mécanismes et mouvements démontrant toute l’étendue du savoir-faire des coréens dans ce domaine. C’est ce qui est dit, surligné au stabilo rose fluo. Il est aussi question de trahison dans Military Train : Won Jin est fiancé à la sœur de Jum-Yong, son meilleur ami. Malheureusement la jeune femme travaille comme geisha et souhaite à tout prix quitter ses « fonctions », seulement sa patronne ne l’entend pas de la même oreille et désire 2000 wons pour fermer les yeux. Sans argent, la jeune femme n’a pas de solution et ne pourra pas se marier avec Won Jin. Jum-Yong est quant à lui conducteur de train, son rêve est d’ailleurs de pouvoir disposer des commandes d’un vrai et beau train militaire. Plutôt proche de l’armée japonaise, ce dernier dispose de plans secrets à propos des machines à vapeur militaire ce qui aura don d’attirer les espions. C’est d’ailleurs le cas et Won Jin va être la principale victime de la roublardise des vilains espions tous préoccupés à découvrir le secret des coréens : ce dernier va en effet être approché par l’un d’entre eux, lequel lui proposera 2000 wons en échange d’informations secrètes étant donné qu’il fréquente Jum-Yong…
Dans Military Train il est question de trahison, d’amour et de repent. Quoi de mieux comme cocktail pour un film de l’âge d’or du cinéma coréen : cirer les pompes du pays colonisateur (sans toutefois les faire briller), divertir son audience avec tous les ingrédients parfaits du bon mélodrame de base où le repent se transforme en suicide, brisant alors un mariage espéré. Mais la trahison a un prix, tel est le message du cinéaste. Il est d’ailleurs « amusant » de voir comment une amitié peut prendre fin simplement à cause d’un coup de tête pour aider la sœur du principal concerné. Mais non, la patrie (collaboration) compte plus que tout surtout si l’on a les clés en main pour devenir un conducteur de machines puissantes et véloces estampillées Armée. Film de propagande que ce Military Train ? Sûrement à de nombreux égards, mais il n’oublie pas en chemin d’être plus que potable cinématographiquement en faisant fort là où un Fisherman’s Fire se vautrait méchamment. Ici la mise en scène souvent faite de plan-séquences marque par ses cadres rigoureux et ses raccords cohérents (à se demander si les pertes ont été moins nombreuses qu’ailleurs) faisant de Military Train un vrai film de cinéma plus qu’une simple récup’. La thématique du mouvement est souvent de mise avec de nombreux plans au niveau des roues ce qui a le don –tout bête- de donner du rythme au film (là où d’autres classiques plan-plan du cinéma coréen ont de dynamique que la parole, un peu chiant à la longue). Les plan larges n’ont rien de Fordien mais dépaysent lorsque le film est souvent baigné dans le noir quasi-total, dû entre autre aux négatifs salement abîmés par le temps. Des films coréens des années 30 retrouvés par les maisons d’archives, Military Train est sans doute l’un des plus intéressants. Pas un chef d’œuvre ni un monstre de symboles de la société coréenne d’époque (Sweet Dream est en cela plus intéressant), l’œuvre de Seo Gwang-Je montrait déjà pourtant la qualité d’écriture (que l’on soit d’accord ou non avec la lourdeur du message) et de mise en scène d’un auteur du cinéma de l’âge d’or que personne, ou presque, ne connaît. Déterrons encore !