un beau film sur le couple en crise et la famille recomposée
Là où la Milkyway réinventait le terme de série B un demi-siècle après les Tourneur, Egard G Ulmer et Joseph H Lewis, Nobuhiro Suwa semble vouloir redonner un sens au cinéma-vérité de ses aînés de la nouvelle vague. Les méthodes de tournage de Suwa sont d'ailleurs très proches des classiques de cette époque: elles laissent une très grande place à l'improvisation des acteurs sur une trame narrative donnée afin de recréer la tension diffuse de la vie quotidienne. Ce type de directions d'acteurs a déjà donné des prestations extraordinaires d'acteurs dans l'histoire du cinéma (chez Cassavettes, Ferrara ou Hou Hsiao Hsien) et c'est aussi le cas ici. Chaque acteur exprime avec talent toute la palette des sentiments humains: bonheur familial simple, colère, lassitude. L'improvisation des dialogues crée une spontanéité qui nous donne l'impression d'être vraiment dans l'intimité du couple (impression renforcée par la structure quasi-documentaire du récit). Le sujet du film est contenu dans son titre M/other. A l'instar d'Ayoama Shinji, Suwa traite de la famille recomposée. Il le fait au travers d'une héroïne qui n'arrivera pas à se substituer à la mère naturelle du fils de son concubin (d'où le / du titre). Au passage, au travers de ce couple très pris par ses responsabilités (il est directeur d'une chaine de restaurants, elle est informaticienne), le film souligne la difficulté de concilier vie privée et vie familiale rendue encore plus ardue par les rythmes de travail au Japon.
Comme pour contrebalancer l'extrême réalisme des situations, Suwa semble vouloir nous mettre à distance. Il utilise pour cela de longs plans-séquences hypnotiques qui rappellent beaucoup un autre grand cinéaste de la distance au réel, Hou Hsiao Hsien. Les écrans noir sont là pour nous rappeler que, malgré les apparences, M/other n'est qu'un film de cinéma. Les violons grinçants ajoutent à la distance. Les plans sur les vitres, qui permettent de faire exister deux personnages dans le même plan sans qu'ils aient de contact, la soulignent magnifiquement. Cette insistance sur le côté factice souligne aussi que, malgré les apparences, cette famille recomposée ne ressemblera jamais à une famille réelle. Mais quand le couple se met à douter (l'annonce de l'arrivée de l'enfant, la crise finale qui rend bien compte de la perte de repères que crée l'envie de rompre chez les deux personnages), Suwa a recours à la caméra portée mais sans excès de stylisation à la Dogma. Une autre belle idée de mise en scène est l'utilisation des cadrages rapprochés: M/other semble être filmé à hauteur d'enfant. En effet, si l'enfant n'est pas actif, il est malgré tout le problème central du film et il est donc légitime que les plans se construisent autour de lui.
M/Other révélait un cinéaste de talent. Mais pas non plus exempt de pose : pour pensé qu'il soient, la manière dont écrans noirs et violons étaient utilisés sentaient le (mauvais) réchauffé de modernité cinématographique années 60. La pose l'emportera d'ailleurs ensuite progressivement: H Story oscillera entre moments de grâce et mauvais Claire DENIS tandis qu'Un Couple Parfait touchera le fond de la Seine.
Une histoire simple, des plans à rallonge, M/Other est une expérience intéressante mais assez pénible.
Le cinéma emphatise généralement les situations de la vie courante, les condense, les compresse et les met en forme afin de
les transformer en un spectacle joué par des comédiens pour des spectateurs. Ici, c'est tout le contraire. On se croirait dans l'émission
Striptease sur France 3, où une équipe de télévision suit 24H/24 les péripéties de gens ordinaires pour arriver, à force d'être habitué
à la caméra, à les faire régir comme dans leur vie, en oubliant qu'ils sont filmés. Dans M/Other, les plans durent une éternité et laissent
libre court au jeu des acteurs, alors en semi-improvisation, et qui vont forcément puiser dans leur propre passé, leurs propres réactions
dans une même situation réelle pour donner à ces scènes une intensité dramatique, une crédibilité, une justesse rarement vu ailleurs.
De ce point de vue, M/Other est une splendide réussite grâce à ses 3 acteurs principaux, vraiment formidables.
L'histoire de M/Other est très simple : une famille recomposée, Tetsuro et Aki, qui n'ont pas eu d'enfants ensemble,
sont contraints d'héberger le fils de Tetsuro né d'un premier mariage le temps que sa mère se remette d'un accident de voiture.
Le jeu de mot inclus dans le titre résume bien la situation qui va se dérouler devant nos yeux : même si on peut le comprendre
de plusieurs manières, je préfère me dire que Aki devient pour quelques temps une mère (mother), mais la mère d'un enfant
qui n'est pas le sien, la mère d'un autre (other), d'où la barre entre le M et le O. Car en effet, Aki va difficilement accepter de
s'occuper de Shun comme s'il s'agissait de son fils. Elle va progressivement accumuler de la rancœur envers Tetsuro, péter
les plombs et songer à partir…
Présenté à Cannes en 1999, ce film intéressant n'est cependant pas exempt de tout reproche. Il est à mon avis
trop long d'une demi-heure, le manque de rythme rendant encore plus pénible la vision de ce film, et Nobuhiro Suwa
se permet des petites audaces formelles peu convaincantes (les accords insupportables à l'oreille au début de quelques plans,
la caméra à l'épaule dans des scènes où elle n'est pas nécessaire), ce qui fait que M/Other a une allure de film expérimental et reste une
expérience de cinéma qui n'est pas accessible à tout le monde.
"L'amour moderne"
M/other est une œuvre qui déplace les frontières de son sujet avec simplicité. Par un sujet qui s'y prête aisément: le couple- la forme universelle de l'union entre les êtres n'ayant pas de limites géographiques- nous plongeons au royaume où les déboires conjugaux concentrés sur eux-même percutent partout et surtout. M/other sait surtout particulièrement -et c'est pourquoi il soutient son écho jusqu'au pavillon tricolore- être le sismographe d'un couple où transparaît le visage d'une descendance émanant des amours passées. Dans cette splendide demeure à l'architecture si épurée, raffinée, pensée avec une finesse que l'on identifie immédiatement parce qu'elle est japonaise, Tetsuo et Aki vivent ensemble. Malgré l'origine des prénoms, nous sommes dans le domaine transversal de l'identification universelle libre. Tetsuo, propriétaire de trois restaurants, est un homme à l'abri du besoin. Il est occupé. Son passé c'est une femme dont il a divorcé, et un enfant, Shun de huit ans. Aki, cette femme venue partager sa vie avec lui, est visiblement un peu plus jeune. Elle vit d'un travail d'infographiste. Face il va de soit devant un écran. Et des écrans, dans M/other il va en être question. Des questions aussi, celles que l'on se pose, à soi, et pas toujours à l'autre.
Ils vivent ensemble. Eux deux. Loin de Shun dont l'existence n'est jamais venue croiser la leur. Surtout la sienne, à elle. Et puis l'accident survient. Une automobile a percuté celle de Shun et sa mère. Elle est hospitalisée tandis que Shun, très superficiellement blessé, doit sortir d'un hôpital qui n'a rien à faire de lui. Shun pèse. C'est un poids. On ne le considère pas en tant qu'être, enfant, mais plus comme une chose dont il faut s'occuper. Tetsuo va devoir prendre son fils en charge le temps d'un mois de convalescence d'une mère bloquée entre les murs de l'hôpital. Nous arrivons au point de départ du film. Son articulation suprême qui va tout décliner, tout basculer. Vers le sujet du film ou peut-être ses sujets. Parce qu'il y a dans M/other autant de sujet qu'il y a de personnages. La fausse piste maligne du titre peut en effet s'ouvrir sur chacun. M/other n'est pas seulement un film sur la position sociale et intime d'une femme dans un couple moderne, mais tout autant sur ceux qui l'aide à le former. Même si bien sur son intérêt principal réside dans le rôle de cette femme. Cette femme qui n'est ni épouse, ni mère, mais autre. Alors quoi ? Amoureuse, sans doute. Mais voilà, face à l'intrusion du charmant petit arrivant, les questions que l'on ne se posait pas; que l'on ne cherchait ou voulait peut-être pas se poser vont surgir. Blessantes, grinçantes comme la bande son. Opaques comme ses fenêtres croisées du cadre; troubles à l'égal des reflets miroir des situations tendues. Ou encore sombres et confuses comme ses fondus aux durées imprévisibles; ces raccords de lumières qu'une caméra portée souhaite oublier tant concentrée sur la foi de ses personnages/acteurs. Cadrant le film sur un objectif vissé à l'intime.
Ce que Aki va découvrir, outre le passé nébuleux (à ses yeux) de son compagnon auquel elle ne semble jamais eu avoir accès, c'est une part en elle-même. Une rencontre avec soi. Par l'intervention de l'autre, de l'enfant. Cet étranger venu faire ressurgir le passé de l'homme auquel son amour s'est voué, agit comme une remise en question. La poussant à se sentir soudainement étrangère elle-même d'un monde établi à deux. Cette notion de l'étranger est triangulaire. Elle se décline de chacun des personnages les uns envers les autres. Aki est étrangère d'une vie familiale qu'elle n'a jamais vécu (qu'elle ne vit pas et ne sait comment vivre), aux regards de l'enfant, et de son amant. Shun est étranger de ce couple, de cette femme qu'il ne connaît pas, et avec lequel il va devoir vivre. Femme qui va devoir jouer le rôle d'une mère qu'elle n'a pas. Et qu'il, réaction primaire, inconsciente de l'enfant il commencera par refuser; puis qu'il finira par accepter par une forme de complicité liée à l'affection qu'ils ont en commun pour Tetsuo. Tetsuo enfin, sera l'étranger d'une nouvelle situation familiale, aux regards des deux autres. Devant jouer le rôle d'un père qu'il n'a jamais dû avoir face ni à elle, ni même vis à vis de son fils, puisque ne s'étant jamais retrouvé en une situation commune les liant tous les trois.
C'est le jeu de rôle. Du rôle à tenir. Le rôle du père, du fils, et celui beaucoup plus ambigu d'une femme mêlée à eux. Il va falloir apprendre à se connaître, et à se re-connaître. Pour l'enfant tout d'abord traité avec embarras, pris comme une gêne, quelque chose dont Tetsuo a honte d'imposer la présence, qu'il voudrait faire discret et dont il promet de se charger pleinement, il va falloir trouver une place. Sa place sera au grenier, éloigné du cadre parfait et soigné du salon high-tech zen. Mais cette intégration des lieux finira par déborder. L'enfant laissera sa trace, ses jouets, ses jeux d'enfants, éparpillés aux quatre coins du salon. Marquant innocemment un nouveau territoire. Ces repères marqueront petit à petit une distance des rôles à tenir entre Shun et Aki. Distance écartée par les rôles, mais pas par l'affection qui va naître de leur relation. Aki sensible à cet enfant abandonné provisoire d'une mère malade, et d'un père maladroit qui démontre son affection à renfort de cadeaux. Shun commence par se protéger en voyant en elle une sorte de grande sœur, complice de ses jeux, partageant un lien envers la même personne. Seule façon pour lui d'accepter cette femme représentant une substitution de son amour maternelle absent physiquement, et psychologiquement par le lien qu'elle noue avec son père. L'autre lien liant Shun à Aki, réside dans une forme de solitude commune. Ils sont unis par le même secret. L'un et l'autre ayant été caché l'un à l'autre par Tetsuo. Tetsuo qui ne sait comment agir vis à vis de l'un et l'autre. Ne sachant comment gérer une situation de cohabitation au sein de son amour conjugal et paternel, lorsqu'il est réuni dans le même espace. Pour Shun, comme pour tant d'enfants et d'adolescents(aussi des adultes), l'échappatoire la plus propice aux contextes divers qui les opposent à une forme de réalité dite normale, c'est bien sûr la fuite dans l'image. Plus clairement vers les jeux vidéos. M/other en donne une approche d'une rare exactitude, que seul eXistenZ de Cronenberg avait su faire ressentir. Mais la vision qui en est donné dans M/other en est d'une proximité plus cinglante, plus affective. Shun s'enfuit dans l'univers virtuel là où il peut encore contrôler les évènements, agir sur une autre forme de vie. Aussi minimaliste soit-elle comme celle représentée par un Game Boy, c'est un moyen de se renfermer, de se couper du monde. On peut voir même un double enfermement lorsque Shun s'enferme dans les toilettes d'où ne proviennent que les notes malades du haut-parleur de la Game Boy. Il se coupe de façon radicale. Au double enfermement succède le point final, la double fuite. Lorsque Shun fugue pour rentrer dans sa maison, celle de lui et sa mère, là où sont ses repères, ce qui le cadre, et que son père le retrouve endormi face à sa Super Famicom made in Nintendo. C'est encore fuir et s'envelopper face à cet amour dont il est exclu, celui de son père et Aki. On pourrait même extrapoler jusqu'aux détails. Le seul cadeau demandé par Shun à son père, et dont il semble le plus comblé, contrairement au vélo offert délibérément par son père ou au cadeau de Aki auquel il ne prête pas même attention, c'est ce petit jouet électronique qui n'est autre qu'un de ces petits monstres virtuels, petit-fils du Tamaguchi. Encore une fois, on préfère contrôler le virtuel que le "réel", les conséquences sont toujours moins affligeantes.
La définition de père pour Tetsuo est abstraite. Son éducation récitée à mots couverts ne lui sert pas de leçon. Il est dans une situation instable, et de mensonge permanent. En se mentant à lui-même qu'il lui faille accepter simplement l'arrivée de Shun à son domicile, donc par conséquent dans la vie de Aki, il commencera immédiatement par brouiller la confiance sensée sceller le couple. Mensonge commis par gêne, peur, et surtout en réaction possible d'une quelconque fissure à son amour. Représentant pour lui une source d'angoisse qu'on pourrait imaginer s'apparenter au débris de son ancien mariage. Tetsuo est un homme vivant dans la contradiction. Entre des valeurs et une image paternelle dont il cherche à reproduire malgré et consciemment les effets. Paradoxe il va de soi, parce que conscient de ses actes, de leurs répercussions malveillantes, mais sans pouvoir agir autrement que de s'en faire la marionnette. Tetsuo cherche à tout prix à conserver un équilibre affectif entre ceux qui l'entourent. Toujours maladroit dans sa façon d'exprimer ses sentiments; il vend du bonheur et de quoi rassurer Shun en lui offrant constamment des cadeaux; il ne sait plus parler à Aki sans avoir l'impression de lui cacher des vérités, donnant lieu à un affrontement final critique incroyable de plan séquence.
Aki est la femme. Malgré l'aspect triangulaire de M/other, c'est bien sur vers elle que toute la concentration du film se pose. C'est sur ce statut de femme n'ayant pas sa place déontologique vis à vis du consensus familial, que réside l'essentiel de la subtilité de M/other. Aki est en quelque sorte le pôle de convergence sans qui le film n'existerait pas. Son rôle représente toute la question du film sur les familles éclatées. Famille au vingt et unième siècle pour le moins répandue. Grâce à elle, le film fait vivre douloureusement les conséquences propres à ce type de cas. Aki représente avec finesse le cas d'une femme "moderne" pour qui les valeurs de la génération de ses parents sont ébranlées. Surtout dans un pays comme le Japon. M/other se demande surtout comment vivre socialement un rôle dont les règles n'ont pas été encore définies. Il s'agit pour Aki de trouver des repères au sein d'un tissu que des siècles ont déjà prédominé de leur influences, et dont on ne peut se débarrasser. Aki n'est donc ni une mère, ce qui avec l'arrivée de Shun lui fait se poser des questions, ni une épouse. Ce déséquilibre, poussé en grande partie par l'attitude de Tetsuo, va l'amener à une sorte de solitude, de honte où elle prend conscience d'un brutal vide existentiel. Soudainement, tout est à remettre en question: l'amour et surtout sa relation quotidienne avec Tetsuo. Instinctivement, et à l'instar de Shun qui fugue pour rentrer chez lui, Aki va tenter de fuir, se trouver un nouvel appartement, mais, sans vraiment en cacher les traces aux yeux de Tetsuo; ce qui n'était peut-être en fait qu'un cri d'alarme pour Tetsuo, afin sans doute de lui rappeler le danger en cours.
La subtilité du film, qui se refuse à toute identification, est astucieuse car elle ne généralise pas. M/other n'est pas un film moralisateur, mais il sait faire peser sur son spectateur avec une précision écrasante les conséquences de la destruction du cadre familial. Si Suwa Nobuhiro se refuse à donner toute identification possible au spectateur vis à vis de ses personnages, ce qui s'avère juste, il n'en est pas néanmoins que l'identification joue en réalité pour chacun des personnages. Des personnages pris en charge par leurs acteurs d'un bout à l'autre. Tellement investis que la complémentarité qui les lie à une mise en scène cadrée par un état d'esprit tout en intériorité, se concentre avec fébrilité dans chaque plan. La caméra portée dans M/other se veut parfois maladroite, présente jusqu'à percuter les murs de son propre décor pour ne pas faire oublier sa présence. Mais ce quatrième étranger dont personne n'avait oublié la présence, regarde l'action en conservant sans cesse une pudeur l'éloignant de toute forme de voyeurisme ou de pathétisme. Cadrant parfois pour se sentir au plus près des animations sentimentales de ses acteurs. Mais aussi sachant se faire discrète, se plaçant des autres cotés; derrière une fenêtre, dans un coin, elle capte presque par timidité, préférant parfois même ne renvoyer que le reflet de ses personnages. Apparaissant alors comme de frêle figure dont toute la douleur jaillit vingt quatre images seconde plus tard jusqu'au premier rang. Suwa Nobuhiro est un cinéaste à suivre; un cinéaste qui lorsque la dernière scène de son film est aboutie, ose se décadrer pour prendre la fuite et enfin laisser vivre seul ses personnages/acteurs. C'est beau.
Amor.
joli : un film à voir
L'intrigue est simple. Un homme doit recueillir chez lui son fils de 8 ans, Shun, à la suite de l'hospitalisation de son ex femme. Le nouveau couple qu'il a formé avec Aki saura-t'il résister à l'arrivée de cet enfant ?
On pourrait penser que l'histoire n'est pas très interressante ... que le tout va s'étirer lentement sur la longueur (le film dure 2h30) mais ce n'est pas le cas. Il y a quand même des temps morts, c'est inévitable, mais un élément rend ce film interressant et fait qu'on ne le lache pas une fois commencé : c'est l'improvisation.
Des acteurs tout d'abord, puisque le réalisateur leur a donné carte blanche, ou presque, pour qu'ils jouent comme ils l'entendent ce couple déchiré par un enfant, dans le cadre qu'il leur impose. Presque tout est improvisé, et pour avoir vu le film avec une japonaise, je peux vous certifier que de tout cela ressort un ton et un jeu d'acteur des plus crédibles. On ne pense pas un instant que l'on voit un film, mais plutot que l'on est entré en catiminie chez ces personnes, et qu'on leur vole certains moments d'intimité. Par le biais de l'improvisation, ces acteurs ne jouent pas un rôle... ils SONT le rôle.
Improvisation enfin dans la réalisation. Suwa a pris des risques, c'est constamment visible à l'écran et c'est aussi ce qui rend la vision du film très facile. Cadrages, lumières, tout est remarquablement maitrisé et, parait-il, souvent improvisé sur le lieu même du tournage.
Alors voilà, M/other est un très bon film, pas un chef d'oeuvre cependant, et peut-etre pas à acheter en dvd. Mais à voir, ça c'est certain.
Co-mère
Suwa continue sur la lancée de sa particulière manière de mettre en scène après son précédent "2 Duo" en s'attachant cette fois à détailler les conséquences de l'arrivée d'un garçonnet dans un couple recomposé. "M/other" – film au titre génial – hésite constamment entre le psychologiquement réussi et l'artistiquement pompeux. Soit un incroyable tour de force dans la captation d'une réalité du quotidien saisissante: l'arrivée du garçon éprouve la fragilité relative du couple, renvoie la femme à son propre manque d'enfants et sa relation envers un ami plus âgé et au lourd passé et à la soudaine intrusion d'une absence / d'un non-dit. La mère du garçon avait interdit tout contact avec la nouvelle petite amie de son ex-mari; et voilà que le garçon fait une soudaine intrusion musclé dans le joli petit quotidien routinier.
En même temps, cette recherche d'une réalité s'accompagne évidemment de longues plages d'un ennui poli. Dans sa méticulosité de vouloir traduire en images un quotidien tout à fait banal, pas simple de se focaliser sur des longues minutes de dialogue sans grand intérêt, de plans laissés vides en raison des va-et-vient des personnages ou de longs silences entrecoupés de bâillements. Le cinéma comme représentation d'une certaine réalité – il faut donc être prêt de le voir comme un reflet, plutôt que comme un échappatoire.
Il n'empêche que dans la reconstitution d'une certaine réalité, Nobuhiro Suwa brille comme peu d'autres réalisateurs en seraient capables…