Xavier Chanoine | 2.75 | Le style est là mais l'ensemble reste brouillon |
Murder Plot est l'adaptation d'un ouvrage de Gu Long, auteur dont il s'inspira majoritairement dès la fin des années 70 pour nous pondre quelques très grandes réussites du wu xia pian mystique. Le récit met en avant Shen Lang, un honorable guerrier vagabond à la recherche d'un maître, à cheval entre le bien et le mal dans la mesure où il ne fait pas parti d'un clan à proprement dit. Il se retrouve mêlé à une drôle d'affaire : le monde des arts martiaux est menacé par le puissant Roi Heureux face à une armée de guerriers bien décidés à préserver les valeurs de cet art. Comme tout bon Chu Yuan qui se respecte, Murder Plot est un forum de rencontres à la manière d'un jeu de rôle. Chaque guerrier pris indépendamment possède un vécu, un passé, et leur nombre assez considérable apporte autant de richesse à l'histoire (remaniée par Chu Yuan) que de difficultés pour bien la suivre. C'est aussi l'un des inconvénients d'une adaptation de l'écrit à l'écran et le cinéaste semble enchaîner les séquences spectaculaires et délirantes au possible sans se soucier de la cohérence, de la ligne directive de l'oeuvre, tout part un peu dans tous les sens et il n'est pas rare de voir apparaître de nouveaux personnages parfois lors d'une même scène. Le film débute dans la cité Yi et annonce déjà la couleur, au sens propre : baigné dans de classiques nappes brumeuses, les décors fourmillent de détails et de personnages et les lieux mystiques rappellent ses inspirations clairement orientales. Que dire face à cette salle aux trésors aussi kitsch que gracieusement illuminée, où ses assaillants ne doivent pas céder à la tentation et rester humbles face aux trésors déposés à leurs pieds : et ce héros, installé sur une balançoire, rappelle à la fois les maisons hantées et les attractions de fêtes foraines effrayantes d'un point de vue purement visuel. Oscillant entre réussite et audace esthétique, les premières vingt minutes extrêmement colorées ne font jamais preuve d'un très bon goût dans la mesure où l'utilisation de la couleur n'est que très rarement justifiée, à contrario d'un Dario Argento avec ses plus grandes oeuvres ou d'un Godard avec Le Mépris, où la couleur trouvait un sens, une signification. L'utilisation aberrante du vert annonce un Chu Yuan auto caricatural mais heureusement il n'en est rien.
Le film trouve un rythme et retourne aux sources qui font le succès de ses meilleures oeuvres : l'entourloupe, la manière vicelarde de se fiche du spectateur tout en le respectant. Rien n'est sûr, tout est programmé, travaillé pour freiner l'avancée des guerriers vers le repère de Sa Grandeur. L'une des séquences les plus amusantes tout en faisant office de "pause" guerrière, c'est bien cette partie de jeu du hasard entre Shen Lang et Sa Grandeur, grand moment d'amusement et de montage ultra efficace donnant un semblant de charisme supplémentaire à un David Chiang correct sans être étincelant. Le cabotinage habituel des grands fieffés, la soumission des sbires et leur apparition d'on ne sait où contribuent à donner du caractère à l'oeuvre, apportant ainsi un semblant de fantastique et de délire assumé : la bagarre de jarres contre ce faux vendeur de vin, les nombreux lancés de flèches glacées de séduction, les attaques au corps à corps paralysantes, le moine Paon et la liste est encore longue. C'est ce qui fait la réussite d'un Chu Yuan, ses audaces aussi bien sur le papier que sur la forme, même si cette dernière ne semble pas aussi maîtrisée qu'au milieu des années soixante-dix, et l'ensemble des combats orchestrés par Tang Chia manquent clairement de punch. Une semi réussite donc, confirmant en revanche Chu Yuan comme l'un des esthètes les plus intéressants du pan Shaw Brothers.