Un univers solide malgré une tendance à l'endormissement
Une belle expérience que ce Mushishi. Adaptation du manga original de Urushibara Yuki, l'histoire ne bouge visiblement pas d'un iota puisque l'on retrouve Ginko, un vagabond aux pouvoirs mystérieux capable de guérir les villageois qu'il rencontre tous très gênés par la présence des "insectes", sortes d'esprits qui se terrent dans les cloisons des bicoques ou dans la nature. Deuxième réalisation live d'Otomo, après le coup d'essai World Apartment Horror salué au festival de Yokohama, Otomo signe certes une oeuvre tentée par la facilité de faire du matériau original un produit formaté pour un public d'adolescents notamment dans son filmage contemplatif donnant cette désagréable sensation de faire ce que tout réalisateur japonais devrait faire pour s'en mettre plein les poches, c'est à dire du Final Fantasy-like, certains plans rappelant furieusement les cinématiques du jeu éponyme. Heureusement ce sentiment nous parcoure qu'à de rares instants contemplatifs (et étrangement les plus beaux) et l'absence totale d'action pourrait exacerber l'attitude poseuse des interprètes, mais Otomo réussit par un coup de géni à mettre les mauvais plats de côté. Pourtant, et à n'en pas douter, Mushishi appartient à cette catégorie de films où le calcul est roi : le ton monocorde irritant de Odagiri Joe hérisse le poil et titille notre esprit en proie au sommeil, la plastique bas de gamme (malgré les artifices du numérique pour embellir le tout) n'encourage pas non plus à poursuivre cette aventure où le spectateur étranger au récit (et donc au manga original) se sent dès le départ lésé par Otomo. Et pourtant. Passé les trois premiers quarts d'heure poseurs et hermétiques, Mushishi se libère et avec toute la grâce que l'on ne soupçonnait pas forcément, déploie des qualités cinématographiques et narratives réalisables dans le domaine de l'animation ou sur papier et qui trouvent pourtant une vraie cohérence en "live".
Ginko, un brave vagabond mystérieux, va s'occuper du cas d'une jeune femme, Maho, atteinte d'une sorte de nécrose (j'ai toujours voulu placer "nécrose" dans un avis, toujours) qui lui bouffe la jambe et le buste, cette dernière subissant les attaques de ces fameux "insectes". Accompagné d'un paysan, Ginko va alors mener sa petite enquête sur cette jeune femme, écrivaine. Dès lors, un souffle épique et horrifique s'accapare l'oeuvre, l'imprègne d'une aura ténébreuse pour ne plus la lâcher, la séquence où Maho expulse les mauvais esprits enfouis en Ginko est l'un de ces moments de bravoure que l'on attendait depuis bien longtemps dans un film fantastique nippon. Certes visuellement il y a encore du travail pour rivaliser avec Hollywood, mais Otomo arrive à adapter l'inadaptable (pour certains) et tient son film sur le fil malgré de nombreux obstacles : la narration prend son temps pour s'installer et laisse malgré tout le spectateur dans le flou, Odagiri Joe est correct mais il met trois quarts d'heure pour rendre son personnage un minimum intéressant. Tout comme Nui, personnage onirique, qui n'inspire pas à grand chose malgré la relation ambiguë qu'elle entretient avec le jeune enfant. Otomo n'a pas non plus oublié son penchant pour la nature organique, les très nombreux passages se déroulant en pleine forêt témoignent alors d'une étonnante finesse et sensibilité, mis en musique par la belle partition de Haishima Kuniaki. Outre le fait que Mushishi bascule de temps à autres dans une dimension poseuse dont il pouvait aisément se passer, notamment par la richesse de son scénario et son univers bien établi, il réussit à se faire aimer parce qu'un type talentueux est derrière le projet et fait que le navire ne prend pas la flotte, là où un Shinobi pouvait être critiqué parce qu'il manquait le regard d'un vrai cinéaste. Certes le spectateur pas plus intéressé que cela s'ennuiera réellement, mais avec un peu d'effort, se laissera lui aussi happé par cet univers onirique.
Une adaptation plus qu'honnête
Honnêtement on a vu pire, bien pire en adaptation. Même si Mushi-shi n'est clairement pas le film du siècle (c'est pas ce qu'on lui demandait en même temps), le fond comme la forme sont plutôt bien respectés. Jô Odagiri est loin d'être catastrophique dans le rôle de Ginko, au contraire il est même très bon, à l'instar d'une Yû Aoi qui incarne à merveille la fragile Tanyu. L'histoire n'est pas toujours respectée et volontairement amputée de passages que beaucoup auraient aimé voir figurer dans ce long métrage, mais il fallait bien faire des choix d'adaptation et Otomo s'en est bien sorti sur ce point. La version animée de Mushi-shi puisait aussi sa force dans ses splendides décors hauts en couleurs et ses musiques envoûtantes. Sans égaler l'anime, le film arrive malgré tout à restituer cette même atmosphère, par une lumière et des SFX plutôt réussis, ainsi que des musiques composées par le très bon Kuniaki Haishima (Spriggan, Monster, Alien Nine...).
Quant à ceux qui auraient voulu plus d'action, ils n'ont pas dû bien saisir l'esprit de l'oeuvre originale, que cette adaptation réussit à conserver. C'est bien là le principal.
Je vous conseille de lire le manga ou de regarder l'anime avant, cependant., même si ce film peut constituer une belle entrée dans cet univers.