Des nouvelles atypiques sauf quand on sait qu'elles sortent de l'esprit de l'auteur d'Eden
La première impression à la fin de la lecture de ces nouvelles est assez étrange. Sans doute parce que, comme précisé dans le préambule, il s'agit de moments très courts de vie (ce qui les rend difficile à résumer d'ailleurs). Tout au plus on partage quelques jours avec les protagonistes mais en contrepartie, il y a une forte densité d'information pour des histoires qui ne durent que 80 pages chacune environ. Le contexte est expliqué en cours de route et l'impression de rapidité est encore plus présente. En ce qui concerne les deux premières nouvelles, la fin n'en est que plus brutale.
Dans le corbeau, la fille et le yakusa et L'éducation sentimentale, Endo met en scène des personnages qui ne se ressemblent pas, qui ne vivent pas dans le même monde mais qui vont pourtant voir leur vie changée par un acte de violence extrême. Leur point commun finalement c'est le fait que le personnage principal est une jeune fille. D'un coté, on suit cette orpheline défigurée aux idées curieuses mais moins choquantes finalement quand elles sortent de sa bouche. Visiblement elle prend les choses avec philosophie et vis en toute sérénité avec ses corbeaux. De l'autre coté, c'est le récit d'une collégienne en pleine découverte de l'amour et du sexe mais cette vision va être complètement pervertie par son passé familial. Deux univers où, à un moment au moins, on se sent bien et qui vont basculer dans l'horreur en une fraction de seconde. Cela dit Eden nous avait déjà habitué à ce genre de violence brusque mise en images. Bien que la deuxième histoire soit moins explicite de ce point de vue là, il n'en reste pas moins que le lecteur n'a aucun mal à se faire une idée de la violence dégagée.
La troisième histoire est différente puisque la tension n'est pas la même. En effet, là, pas d'événement qui chamboule tout. Juste une pièce de théâtre montée par les protagonistes qui vivent leur vie plus que normalement. Certains déjà mariés, d'autres sur le point de l'être et des jeunes qui se cherchent. Une histoire plus légère en apparence malgré le sujet de la pièce qu'ils présentent (Henry Lee Lucas, célèbre tueur en série américain pour le resituer, dont les confessions ont déjà été utilisées pour le film Henry, portrait of a serial killer). C'est tellement léger qu'on en vient même à sourire. Ça détend bien après les deux nouvelles précédentes. Pourtant, sous le couvert de batifolages et d'histoires de couple, se cache une ribambelle de petits faits complètement humains qui rendent les personnages encore plus crédibles. C'est là l'un des intérêts de cette dernière histoire (plus que dans les deux autres je trouve). On est vraiment spectateur d'une pièce dans une pièce. Les personnages vivent vraiment sous le crayon de Hiroki Endo et le résultat est surprenant de réalisme.
Pour les lecteurs d'Eden, les visages des personnages leur rappelleront forcément quelque chose puisque l'on retrouve souvent les mêmes têtes. A noter d'ailleurs que le premier tome d'Eden et ce présent manga sont tous deux sortis en 1998. En terme de dessin, c'est très travaillé et ça contribue grandement à l'ambiance que Endo donne à ses histoires.
Au final, j’ai acheté ce manga parce que je connaissais déjà Eden et l’auteur. Sinon je crois qu’il n’aurait pas attiré l’œil plus que ça. Mon impression est encore un peu mitigée même si je lui reconnais des qualités évidentes (ambiance, mise en scène). Peut-être que l’ensemble reste trop contemplatif pour le lecteur (c’est un peu le but de l’auteur) et, que, même si on peut en retirer de la matière à réflexion, on ne se sent pas vraiment impliqué (heureusement dans un sens). Une chose est sûre par contre, c’est que c’est un public adulte qui est visé car autant les images que les propos sont parfois très crus. Mais les lecteurs d’Eden connaissent déjà le style.