On en attendait quelque chose de ce film de Hong Sang-Soo tourné à Paris. Il en résulte malheureusement une oeuvre décousue et longue (très longue). Rien n'apparaît recherché, tout semble effleuré, et l'étalement n'aide en rien à consolider une histoire qui s'effrite de partout. Un Coréen qui fuit la Corée arrive à Paris et que fait-il ? Rien. Il glande. Il se balade, il fait des commentaires sur la ville et les gens avec son esprits coréen, et quand il essaye de se bouger, on ne le sent vraiment pas motivé. Les bras balants, la voix pateuse et lente comme s'il venait de se réveiller après une cuite, il a l'air d'un zombie qui traverse la ville sans que personne ne le voit. Et comme le film, il ne sert à rien. On arrive certes à rigoler à certains moments, mais autrement, Night and Day est franchement ennuyeux. À voir par curiosité (si vous êtes bien équipé en boisson énergisante), mais sinon, c'est pour le moment le pire film de Hong Sang-Soo.
Que fait donc un Coréen lorsqu'il se retrouve à Paris et qu'il a oublié son guide de voyage? Eh bien pas grand chose. Il déambule dans les rues, s'ennuie dans l'auberge de jeunesse réservée aux Coréens, se fait des fixations sur une charmante jeune femme de son pays... Et c'est à peu près tout. HSS lance de nombreux débuts d'intrigues, des pistes qu'on aimerait qu'il explore un peu plus, mais nos désirs se voient sans cesse compromis par la lassitude du personnage principale.
On a droit à une fausse romance, qui se voit justifiée par le héros par le fait qu'il se trouve loin de sa femme, dans un monde étranger, où rien ne porte à conséquences. Et par la même occasion, la parole n'a plus aucune valeur, on peut se permettre de balancer des "je t'aime" sans que cela ne soit sincère. Mais on se retrouve comme lui, à voir des scènes de vie quotidienne qui ne servent qu'à poser une ambiance. Je peux comprendre que le début ne serve que de prétexte à nous offrir une visite de Paris, mais celle-ci même reste plutôt vaine.
La fin est pour moi râtée, en nous refaisant le coup du rêve... Je n'en dis pas plus, mais disons que c'est une conclusion qui reste une maigre consolation après deux bonnes heures durant lesquelles il ne s'est rien passé.
Reste heureusement le talent de mise en scène de HSS, toujours aussi efficace dans sa retranscription de scènes quotidiennes, et une aussi bonne direction d'acteurs, qui compense leurs défauts. Mais ce n'est clairement pas ce que le réalisateur nous aura donné de meilleur.
Qu'importe son côté un peu vain, sa structure très linéaire faite de scénettes séparées par des cartons, sa longueur aussi, Night and Day est un Hong Sang-Soo plein de fraîcheur et de bonne humeur. Une oeuvre qui s'apparente à un séjour dans la capitale vu par un coréen en vacances, en gros. Pour accentuer encore plus cette sensation de découvrir la France de façon pépère, HSS nous emmènera passer quelques jours à Deauville histoire que les colocataires décompressent. Là où HSS ne se trompe pas dans sa peinture du cadre parisien, c'est bien dans son étroitesse pour y vivre : loyers hors de prix, chacun est obligé de vivre côte à côte sous peine de se retrouver rapidement à la rue, une logique qui handicape une majorité d'étudiants étrangers venus passer quelques mois dans la région. Ce qui plaît dans Night and Day c'est la chaleur des rapports humains, Sung-Nam est un personnage un peu gauche, homme avant tout. Il pètera les plombs dès les premiers jours de son arrivée à Paris, logique quand on est loin de ses proches (nombreux coups de téléphones à sa femme, absence de relation sexuelle, s'occuper en lisant la Bible). Un beau jour, Sung-Nam rencontre dans la capitale une ex qu'il n'a pas revu depuis dix ans, cette dernière connaît une jeune femme de mauvaise fréquentation, Yu-Jeong, égoïste et matérialiste, mais dont les charmes fonctionnent rapidement chez Sung-Nam. Pour l'instant Sung-Nam vit dans une pension tenue par un coréen. Coïcidence ou non, l'amie du responsable de la pension, Hyun Ju, connaît Yu-Jeong puisqu'elle est en collocation avec elle. Dès lors, ce qui ne devait être qu'une fuite momentanée vers Paris se transformera en véritable carrefour des sentiments. Bêtement, HSS montre l'homme "moyen" sous un visage guère reluisant mais tellement vrai : il est un prédateur, prêt à bondir sur sa proie à chaque instant du moment qu'elle est un temps soit peu érotique et fantasmée, la séquence où Sun-Nam rampe devant les pieds de Yu-Jeong alors en plein sommeil et qu'il se met à les lécher relève d'un fantasme qui relève à son tour d'un manque de sexe : la pulsion se transforme alors en fétichisme pur. Et comme toute personne "moyenne", le manque de sexe créera une rupture avec la fidélité jusque là parfaitement respectée par Sung-Nam, pourtant ce n'est que son attirance pour Yu-Jeong qui lui fera sortir des "je t'aime" à la pelle avant de l'oublier, la laissant avec un polichinelle dans le tiroir. Vive la manipulation. Les jolis mots à la signification éphémère pullulent dans Night and Day, chronique passionnée et parfois passionnante malgré son minimalisme : une mise en scène classique mais dont le style du cinéaste transpire à chaque instant, en particulier dans la longueur des plans et des mouvements de caméra brefs, le recadrage si caractéristiques de son auteur et ces très nombreuses séances de discussions filmées de profil à la terrasse d'un café.
Belle et simple, la mise en scène est à l'image de la narration réduite à son plus simple exercice : enchaînement de scénettes, de "sketchs" tous séparés par des cartons montrant le passage des jours (de début août à mi-octobre), un exercice aussi casse-gueule (car franchement linéaire et simpliste au sens pas très noble) que finalement réussi, le cinéaste réussissant à éviter l'ennui malgré le manque évident de profondeur de l'intrigue. Seuls les personnages la font vivre, par des rebondissements variés nés de situations incongrues (la drague balourde de Sung-Nam, le côté pathétique de Yu-Jeong la rendant attachante, la quasi résignation de Hyun-Ju à Deauville) et HSS dissèque les comportements sans trop rentrer dans les détails : Yu-Jeong n'est pas la grande peintre espérée, on ne verra pas non plus Sung-Nam s'essayer à la tâche, certains personnages semblent n'avoir d'importance que pour faire coucou devant la caméra (les deux cousines dont l'une d'entre elles s'est fait voler son travail par Yu-Jeong), mais rien qui n'extirpe la bonne humeur générale du film : Kim Yeong-Ho est proprement excellent dans la peau d'un personnage qui se fiche des conventions du moment qu'il peut exercer auprès des femmes son pouvoir d'homme viril, l'opposé lointain des huîtres (dans la matière) dont il raffole. Ses techniques de drague ne sont pas choquantes pour l'occidental moyen, mais en Corée il semble être tout autre : Yu-Jeong se plaint encore du tutoiement de Sung-Nam, pourtant plus vieux. Autre personnage important de l'histoire, la belle Yu-Jeong, adorable lorsqu'elle s'essaie au français. HSS dirige bien ses acteurs et les rend suffisament intéressants en dépit de leurs activités qui ne se réduisent qu'à prendre des cafés, manger des huîtres et se ballader. HSS aurait pu rendre son film davantage intéressant notamment dans son approche des "deux Corées" où la confrontation entre un étudiant nord-coréen et Sung-Nam se résout par un bras de fer, et dans une exploration encore plus poussée des rapports humains, sans doute manque t-il un véritable point final à chaque séquence. De plus, le film semble être bâclé sur sa fin, notamment lorsque HSS rentre inutilement dans les détails en évoquant un rêve de Sung-Nam qui tourne mal, et qui lors de son réveil tournera au règlement de compte -là aussi un peu vain- avec sa femme : "Qui est cette fille dont tu parlais". Déjà-vu. Mais dans l'ensemble, Night and Day est un excellent moment plein de légèreté qui se savoure comme une promenade sentimentale faite de chassé-croisés, le temps de quelques semaines dans la capitale avec un groupe d'expatriés attachants et souvent drôles.