Ghost Dog | 4 | Chronique douce-amère de la vie de l'école d'un petit village paysan chinois, é... |
==^..^== | 3.75 | Une véritable leçon de détermination |
Ordell Robbie | 1 | Une heure roublarde de trop |
En narrant cette jolie histoire de façon très simple, Zhang Yimou n'a eu aucun problème pour émouvoir et toucher ses (télé)spectateurs. Tout commence dans un petit village chinois où l'instituteur Gao, qui doit s'absenter pendant un mois, demande au maire de lui trouver un remplaçant. Faute de moyens, il ne dégote qu'une jeune fille de 13 ans qui sort à peine de l'école. Gao lui promet un petit salaire à son retour, et un supplément si aucun des 30 élèves n'a quitté la classe pendant son absence (il faut savoir que dans les régions reculées de Chine, beaucoup d'enfants sont contraints de quitter le système scolaire à 8 ou 10 ans pour gagner leur croûte et rapporter de l'argent dans leurs familles, pauvres et démunies).
Evidemment, l'enseignement qu'elle va dispenser se révèle rapidement très limité (elle recopie un tableau d'idéogrammes et sort de la classe en laissant ses élèves seuls...), jusqu'au jour où un de ses élèves, le plus turbulent d'ailleurs, est obligé de partir en ville pour gagner de l'argent. Se souvenant de la promesse de l'instit, elle va remuer ciel et terre pour tenter de le retrouver et de le ramener à ses chères études. Mais ce qui est au départ un acte purement égoiste va finalement aboutir à un bien collectif pour tout le village: comment est-ce possible ? Regardez le film et vous saurez !
Mais on peut se demander encore une fois, comme après la vision de Qiu Ju, ce qu'a bien pu vouloir dire Zhang Yimou avec ce film. Pour ce qui est d'émouvoir et de faire prendre conscience aux gens que de nos jours encore, un million d'enfants chinois en bas âge arrêtent l'école pour causes financières, c'est réussi. Mais la conclusion, en forme de happy end, est bien trop merveilleuse, bien trop miraculeuse pour être crédible. En tout cas elle ne peut s'appliquer à tous les villages de Chine, ça n'est pas la solution universelle contre la pauvreté. D'ailleurs, ce bien durera un temps, mais dans quelques années on en sera peut-être revenu au même point au fur et à mesure que l'oubli s'installe. Non, encore une fois, je pense que Yimou a voulu montrer le fossé béant qui existe entre la Chine urbaine et la Chine rurale, fossé qui n'a pas l'air de se combler. Une Chine avance économiquement parlant, l'autre stagne, voire régresse, sans que rien ne soit fait.
Ce constat dur mais pourtant très réaliste a enthousiasmé le jury du Festival de Venise 1999, qui lui a décerné le Lion d'Or. Preuve supplémentaire que si Zhang Yimou a du talent pour décrire la Chine des années 20 (Epouses et Concubines) ou d'après-guerre (Vivre!), il en a aussi pour parler de la Chine contemporaine.
Pour moi c'est toujours un plaisir de regarder des films asiatiques qui nous montrent des scčnes de vie et des traditions qui nous sont inconnues. Et ici aussi bien ŕ la campagne qu'ŕ la ville. Ce qui nous permet de voir le fausser qui sépare ces deux mondes.
Qui, par chez nous aurait la męme détermination que cette jeune fille ? Non seulement elle a le sens des responsabilités par rapport ŕ ses jeunes élčves, mais elle met un point d'honneur ŕ ne pas en laisser partir un seul. Et ça paye, puisque, aprčs un début plutôt chaotique, elle finit par gagner la confiance de sa classe.
Comme souvent ce film demande un peu de concentration pour ne pas décrocher, mais cela va quand męme.
C'est à partir de Shanghai Triad que commença le retour de bâton critique hexagonal de Zhang Yimou. Il fut accusé de retournement de veste contestataire, de compromission avec le régime et de produire du cinéma destiné aux festivals et au marché international. Le visionnage d'un Pas un de moins Lion d'or vénitien interdit en Chine appelle un constat moins univoque.
Car s'il confirme plus que de raison les travers roublards entrevus dans d'autres Yimou le film assène son "message" avec suffisamment de légèreté pour ne pas prêter le flanc au reproche de cinéma politiquement vendu au régime en place. Pas d'ambiguïté brouillant le propos comme le final d'un Qiu Ju, une femme chinoise pourtant bien moins villipendé en son temps. Tout ceci n'empeche pas le film d'être un monument roublard usant pour émouvoir de grosses ficelles acceptables dans le cas d'un film sans prétention mais bien plus gênantes pour un film d'auteur. Pourtant tout avait démarré sur les chapeaux de roue. Sans être extraordinaire, la réalisation évitait les travers esthétisants souvent présents chez cet ancien directeur de la photographie. Surtout, la fraïcheur des acteurs non professionnels offrait au film un début en forme de chronique paysanne plaisante. Mais le film dégénère dès que l'usage d'un score mièvre pour émouvoir fait son apparition. Procédé qui sera d'ailleurs réutilisé plusieurs fois au cours du film. La misère du monde rural s'y retrouve assénée de manière ultradémonstrative.
Et quand le film part en ville Yimou se met à resservir les plats réchauffés de Qiu Ju sur l'écart monde urbain/monde rural de façon encore plus lourde que l'original. Comme en plus le caractère de l'héroïne rappelle celui de Qiu Ju, on se retrouve proche de l'effet Breaking the Waves bis d'un Dancer in the Dark. Moins d'un an après le Lion d'Or de Yimou, le procédé sera tout aussi efficace chez le Danois en terme de reconnaissance académique. Avant cela, le film aura offert l'insupportable scène des gamins de la campagne misérables se passant une canette de Coca Cola (symbole léger comme un tank de la société de consommation de la Chine urbaine). Ou comment transformer la dénonciation de la misère en clip publicitaire. Dans son dernier tiers, le film n'arrête pas pour autant le recours aux facilités pour émouvoir: les scènes à la télévision, le plan de près sur le gamin pleurant, spoilers le retour au village avec les journalistes télévisés, la voix off assénant le message du film sur la misère comme un spot publicitaire d'organisation caritative en fin de film fin spoilers.
Tout ceci a bien fonctionné à l'époque à Venise. Il n'empêche, le vrai Lion d'Or vénitien de cette année-là était bien le chef d'oeuvre de Kiarostami le Vent nous emportera. Et pas le film d'un cinéaste qui fit illusion d'un point de vue critique à ses débuts sur son réel potentiel: le renouveau qu'il apportait au cinéma chinois était incontestable mais ses limites actuelles étaient aussi déjà là. Du coup, on en vient presque à trouver ce retour de bâton aussi exagéré que l'était l'enthousiasme critique passé autour du cinéaste.