Ghost Dog | 3.5 | Une histoire vraie |
Etonnant destin que celui de Pan Yulian, orpheline recueillie contre sa volonté par une maison de plaisirs, dépucelée violemment par un des gérants de l’établissement, mais qui réussit à s’échapper et se réfugie chez un administrateur de haut plan qui plaque tout pour se consacrer à sa compagne, dont le talent immense de peintre va se révéler malgré son passé sulfureux. C’est une femme, Huang Shuqing, qui a réalisé ce film et, en choisissant Gong Li pour le rôle principal, on n’est pas surpris de se trouver face à une œuvre célébrant la femme et dénonçant sa condition dans un passé proche se prolongeant encore aujourd’hui sous une forme différente. La description d’une société chinoise des années 20 engluée dans ses tabous et ses idées reçues a de quoi faire froid dans le dos : à coup de gros titres baveux dans les journaux (« Pan Zanhua épouse une prostituée !»), de réflexions désagréables (un professeur s’insurge contre la place occupée par Yulian dans l’Université) et de manifs lamentables (un tag baptise une sculpture de nu « Ode à un de mes clients »), la cruauté et la bêtise sont exposés à la face d’un spectateur pouvant très bien partager la douleur d’une femme dont le passé lui colle à la peau.
Mais Huang a pris soin de ne surtout pas mettre tous les hommes dans le même panier : le mari de Yulian est par exemple un héros des temps modernes ayant choisi d’encaisser toutes les humiliations imaginables par amour pour sa femme et pour la liberté. Elle offre également un portrait attachant de la France d’entre-deux-guerres où s’était exilée plusieurs années son héroïne : voir des chinois côtoyer des français dans les bars de l’époque et s’épanouir artistiquement rappelle la vocation historique de notre pays à être une terre d’accueil et de liberté, image écornée aujourd’hui mais encore bien vivante.
On n’apprendra pas grand chose sur la création, ni pourquoi Pan Yulian a quelque chose de plus artistiquement que les autres peintres, le scénario préférant se concentrer sur les évènements marquants de sa vie. Un peu trop long, ce film est néanmoins à voir, ne serait-ce que pour les quelques mots de français baragouinés par Gong Li…