Le compte est bon
Dans la série des comédies romantiques coréennes mettant en scène deux personnages que tout oppose, on a déjà pu voir de nombreuses variantes basées sur plein de thèmes du plus classique au plus loufoque. Afin de coller au plus près de l’actualité, voila que débarque une version basée sur cette fameuse crise économique, celle qui est censée nous avoir fait prendre conscience, à nous et à nos gouvernements, comment vivre dans les limites de nos moyens. Mais comment réussir à faire comprendre un message autour de l'argent lorsqu'on vise un large public majoritairement jeune? En traitant du sujet à échelle humaine et en le liant à des préoccupations des jeunes Coréens fraîchement débarqués dans le monde du travail. Ça, et aussi en plaçant deux jeunes acteurs charmants.
Les deux personnages présentent des points de vue diamétralement opposés sur l'argent, ils en deviennent même caricaturaux. La fille est particulièrement mignonne avec sa coupe qui lui donne un air de gamine, ce qui contraste avec la maturité qu'elle affiche, notamment dans la gestion de son argent, qui tourne à l'obsession. Mais elle infuse aussi une bonne dose d'humour dans son interprétation, affichant un brin de folie quand elle est lancée dans ses plans ingénieux et surtout lucratifs. Étonnamment son jeu d'acteur n'est pas excessif et colle bien avec le personnage. Je trouve juste dommage qu'il faille forcement justifier ce comportement particulier par un traumatisme familial. Il me semblait que la situation précaire des jeunes en Corée qui peinent à trouver du travail était une raison déjà suffisamment préoccupante pour provoquer une économie excessive poussant à l'avarice.
L'autre personnage, tout comme l'acteur, n’a rien à voir avec elle. J’ai eu plus de peine à l’accepter, car il sembler trop forcer le comportement d’un adolescent sous des allures d'adulte affranchis, alors qu'il a en plus un visage de gamin. C'est très perturbant d'essayer de lui attribuer un âge. Son jeu d’acteur sonne souvent faux, mais ça rentre finalement quand même bien dans son rôle de joueur prétentieux. Difficile de s’identifier à lui, il est tout de suite agaçant. Mais il gagne un peu plus de sympathie par la suite, sans pour autant gagner en profondeur. Les deux entrainent alors une relation de dominant-dominé qui n’est pas sans rappeler MY SASSY GIRL.
La majorité du film consiste en un apprentissage progressif pour Ji-woong des bonnes recettes pour gagner rapidement suffisamment d’argent pour vivre indépendamment. Introduire les spectateurs à la surconsommation et l’écologie est toujours bienvenu, surtout quand c’est accompagné de vrais conseils, même s’ils restent basiques. Espérons que cela trouve un écho. Les deux personnages représentent deux positions extrêmes qui se modèrent peu à peu pour atteindre un sain équilibre, et il y a un vrai discours entre deux philosophies autour de l’argent qui ne se contente pas de dénoncer de fait la surconsommation.
Il faut toutefois noter qu’à défaut de connaitre tous les rouages du système banquier coréen, il y a certains éléments précis du scénario qui restent obscurs, comme la manipulation de l'argent d'un compte à l'autre permettant d'augmenter ses gains. L'intrigue reste très mince tout du long et terriblement prévisible. Mais même si voit venir à des kilomètres les étapes successives du scénario, cela est compensé par l’énorme plaisir passé à découvrir les différentes astuces plus ou moins légales pour se faire de la thune facile. C’est d’ailleurs la source principale des gags qui parsèment le film, car beaucoup tirent profit des mensonges promotionnels qu'utilisent les marchands et les restaurateurs. C'est parfois très spécifique au contexte de la vie économique coréenne, mais toujours très pertinent. J’ai par contre trouvé qu’il y avait parfois du remplissage flagrant, avec des scènes entières qui font figure de sketchs indépendants du reste du film. Ça n'a plus rien à voir avec le sujet et on a tout de suite l'impression que le réalisateur a cherché à remplir un cahier des charges. Je pense tout particulièrement à toute une scène de qui-proquo suscité par un échange d’appartements qui n’apporte absolument rien au récit et aurait pu appartenir à n’importe quelle autre comédie.
Malgré ces quelques défauts, on se fait encore prendre à passer un bon moment. Zut alors! Les mésaventures pitoyables de ces deux exclus de la société les rendent finalement attachants. La fin tant espérée est amenée en apportant une conclusion intelligente et jolie à cette éternelle question de l'utilisation de l'argent. Des comédies romantiques coréennes de ce calibre, j'aimerais en voir plus souvent.